Enfin ! Fistful of Planets part II voit enfin le jour. Après la longue période d'incertitude pendant laquelle Elisa a longuement hésité avant de se lancer à nouveau dans un projet solo, il y a eu ensuite l'inévitable parcours du combattant qui attend tout artiste qui choisi l'auto-production. Elisa a encore accru la difficulté en ayant l'ambition - on peut même parler de vision - de proposer autre chose qu'un simple album avec ce coffret proposant une expérience multi-sensorielle (comprendre la mise en action de quatre de nos cinq sens). Il fallait oser. Elle l'a fait ! Le résultat est enfin là, unique, magnifique. Le livret , les dessins, le parfum.
Le coffret en main, le CD dans votre lecteur, vous pouvez écouter, voir, toucher, sentir. Elisa vous fait ainsi entrer dans son univers privé. Avec pour commencer cette immersion dans l'expérience poly-sensorielle voulue par Elisa. Pour cela ,elle a embarqué dans son projet deux autres artistes qui apportent chacune (ce sont des femmes) leur savoir-faire. L'italienne qui se faut appeler la Strega del Castello a créé, en collaboration avec Elisa, un parfum spécialement conçu pour l'occasion. La suisse Delphine Claret-Borgio aka Delfilm a pour sa part accompagnée Elisa pour toute la partie graphique comprenant dessins, images, photos et artwork.Trois femmes impliquées dans un même projet pour un objectif unique : que la musique imaginée par Elisa s'inscrive dans un ensemble plus large et aussi plus intense afin de pouvoir vivre une révélation des sens sans avoir à quitter son fauteuil dans son salon.
Pour son deuxième bouquet de planètes, Elisa nous propose neuf nouveaux objets célestes qui correspondent à neuf nouvelles expériences personnelles d'Elisa. Volontairement plus profond que Fistful of Planets part I, ce nouveau voyage spatial nous emmène encore plus loin vers de nouvelles destinations jusque là inconnues : l’exosphère et les trous noirs.
Voilà maintenant votre carnet de voyage avec toutes les informations utiles et toutes les clés qui vont vous permettre de faire ce beau périple interstellaire.
1- "Valse des Sirènes - chanson (second meteor of chaos)" : l'histoire de cette chanson mérite quelques lignes. Il y a quelques années, Elisa a rencontré un vieux monsieur, le Français Attala Alexandre qui, après l'avoir entendu jouer et chanter, lui a remis une partition d'une valse qu'il avait composée en lui disant qu'elle lui faisait penser à Elisa et qu'elle serait mieux entre ses mains. C'est cette même valse ("Histoire de la petite sirène Ikéa") à laquelle Elisa a donné vie avec l'aide de Matteo Nahum pour les arrangements très spéciaux donnant au tout une patine sonore évoquant un vieux gramophone. La sensation d'entendre ici une chanson venant du fond des âges est à la fois inentendue et saisissante. Elle représente bien l'idée d'une hypothétique réminiscence d'un lointain passé ancestral qui surgirait soudainement sous la ferme d'une météorite. C'est bien Elisa que l'on entend chanter, en français, les paroles du libretto.
2- "Floating/Wasting life (the grey planet)" : premier arrêt sur une planète de couleur grise. Nous devons réfléchir à ne pas perdre notre vie et de gaspiller des moments précieux. Nous devons mettre à profit le temps qui nous ait accordé pour trouver un sens à notre existence et faire les bons choix. Elisa joue du piano, chante en anglais. Paolo Tixi (Il Tempio delle Clessidre) et Matthias Olsson (Anglagard, White Willow, Necromonkey, Molesome) s'occupent de la batterie pour le premier et des percussions pour le deuxième. Hampus Nordgren Hemlin (Molesome, Pixie Ninja) prend en charge tous les autres instruments (guitares, cloches tubulaires, vibraphone, Mellotron, basse).
3- "Earth's call (exosphere) : Matthias Olsson et Hampus Nordgren Hemlin sont à nouveau présents, pour cet instrumental, aux côtés d'Elisa mais des renforts de poids arrivent avec les Samuraï of Prog¨ (Steve Unruh à la flûte, Rafael Pacha à la guitare classique, Nina Uzelac au violoncelle et José Manuel Medina pour la section cordes). L’exosphère d'Elisa ressemble beaucoup à un ciel nuageux et lourd qui se dégage progressivement pour laisser place à une toile bleue illuminée par un soleil radieux. L'impression d'une immersion dans un univers inconnu, donc inquiétant, dans lequel on ne sait pas, dans un premier temps, vers où se diriger et qui se révèle peu à peu être un espace rassurant et réconfortant.
4- "We are magic (the fuchsia planet)" : la planète fuchsia porte un message d'espoir. "Quand vous ne savez pas où vous allez, quand vous n'arrivez pas à voir votre chemin, arrêtez-vous un instant et essayez de sentir le souffle du vent. Si vous êtes inquiet pour vos choix, si vous ne trouvez pas la paix dans votre esprit, détendez-vous et buvez un verre de vin, Il y a un moyen secret d’arrêter le temps : suivez votre instinct et vous vous sentirez bien, respirez la liberté du présent et ne vous retournez pas, laissez vous juste voler... Nous sommes magiques!". La chanson délicate et mélancolique se déroule sur un mode très doux sans aucune aspérité. Elisa chante en anglais, joue du piano, des claviers et de l'auto-harpe. Matthias Olsson et Hampus Nordgren Hemlin se répartissent le reste des instruments utilisés pour cette chanson.
5- "Haïku (the orange planet)" : la planète orange a des reflets apaisants d’extrême orient. C'est l'astre du recueil et de la méditation. La musique en grande partie acoustique (Elisa au piano, Ignazio Serventi à la guitare classique, David Keller au violoncelle) sert de décor sonore pour une séquence parlée, assurée d'abord en japonais par Yuko Tomiyama, puis en français par Maïté Castrillo.
6- "Feeling/Nothing/Into the Black Hole (The Black Hole)" : commençons par les paroles d'Elisa en anglais pour bien comprendre ce qui nous attend : "Tout à coup, la lumière s'éteint et la gravité m'entraîne vers le plafond de ma chambre. Où suis-je en train de flotter ? Ce n'est pas mon monde habituel ! J'ai quitté la Terre en me dirigeant vers l'inconnu parce qu'il n'y a pas d'espoir ici. L'obscurité du silence nous recouvrira tous et nous nous souviendrons, quand nous serons trop loin, des fantômes des cieux anciens qui nous indiqueront comment regarder dans les trous noirs de nos âmes perdues". Ce voyage imaginaire d'Elisa s’apparente à l'expérience ultime que nous vivrons tous un jour (le dernier voyage). Elle prend ici la forme de cette irrésistible attraction vers un trou noir et sa signification allégorique est parfaitement mise en musique dans un déroulé aussi hypnotique qu’implacable. Sont présents avec Elisa sur ce morceau : Mattias Olsson (multi instruments et effets), Steve Unruh (flûte, violon électrique), Stefano Guazzo (saxophone) Tiger Olsson (voix).
7- "Wesak (satellite)" : la petite pause procurée par l'arrêt sur le satellite Wesak est la bienvenue et permet à l'auditeur de reprendre ses esprits. Elisa est ici seule au piano pour évoquer cette fête bouddhiste célébrant la renaissance physique et spirituelle mais ayant aussi pour signification d'apporter le bonheur à chacun.
8- "Washing the clouds (the white planet)" : chanson écrite en 2017 par Elisa qui se sentait alors un peu perdue dans un univers nouveau pour elle. La vision surréaliste qu'elle a eu à l'époque, l'a amené à faire un parallèle entre les nuages noirs sales représentant des personnes négatives et toxiques et les nuages blancs immaculés qui étaient une représentation de belles âmes nettoyées de toutes impuretés. Visiblement Elisa a eu beaucoup de mal à arriver à la version satisfaisante qu'elle avait en tête même si une première mouture était sortie en 2020 sur l'album Beyond the Wardrobe des Samuraï of Prog, mais avec des arrangements complètement gérés par eux. Cette fois Elisa a dû batailler pour aboutir au résultat satisfaisant qu'elle souhaitait mais quel résultat ! Elle est accompagnée de Paolo Tixi à la batterie, Diego Banchero (Il Segno del Comando) à la basse, Ignazio Serventi aux guitares et des fidèles Mattias Olsson et Hampus Nordgren Hemlin pour les autres claviers, pads, Gizmotron et Mellotron.
9- "Valse des Sirènes - grande finale (satellite)": Attala Alexandre imaginait-il que sa valse prendrait un jour cette forme symphonique avec cette séquence finale ésotérique faite de paroles récitées en italien et en anglais par Elisa ? Sans doute pas. Elisa en fait une ode à l'espoir et à la positivité. Elle est au piano pendant que José Manuel Medina gère, avec bonheur, tous les arrangements orchestraux de cette valse en deux temps, c'est bien là le cas de le dire.
Loin de s'attacher à un style (de se cantonner dans le prog par exemple) ou de vouloir imiter ses idoles, Elton John, Kate Bush, Devil Doll, la personnalité artistique d'Elisa prend une nouvelle dimension avec ce Fistful Of Planets part II. Elle assume, avec cet album, sa propre identité artistique complexe, faite d'un mélange diffus d'élans romantiques pudiques ("Wesak"), de pulsions mystiques ("Haiku" et la 1ère partie de "Earth's Call"), de réminiscences d'un lointain héritage musical traditionnel ("Feelin" ou encore la 2ème partie de "Earth's Call"), de merveilleuses évocations oniriques ("We are magic", "Nothing", "The Black Hole", "Floating -Wasting Life") mais aussi parfois d'étranges digressions à la limite de la divagation incantatoire qui surgissent là où on ne les attend pas ("into the black hole" et le coda du "grand final"), venant ainsi affirmer que derrière le paysage le plus conventionnel, il y a toujours en arrière plan un monde ésotérique caché. En ce sens, tout dans cet album est essentiel, indispensable et complémentaire. Et puis il y "Washing the clouds", à la fois synthèse de toutes les facettes esthétiques d'Elisa précédemment évoquées et matérialisation de la perfection la plus pure, l'offrande harmonieuse d'une artiste généreuse et sincère.
Là où Fistful of Planets part I partait dans plusieurs directions, parfois avec justesse, parfois.avec une simple envie de plaire, là où le récent Dévoiler dévoilait (c'est fait exprès cher lecteur) une artiste accomplie ouverte sur plusieurs horizons musicaux, Fistful of Planets part II est un album très personnel, intime. Quelques paroles tirées de "Washing the clouds" en disent long à ce sujet :
I’ve told you many many times
please don’t try more to recognize
the face that hides behind the song
this time won’t last so long
to warm your sleepy eyes,
I will be there to find the meaning of
the silence , the prayers, the thoughts
and put the clock in time
J'ai le sentiment qu'Elisa a ainsi fait son propre voyage introspectif. Une étape est ici franchie. Un cap est atteint mais aussi déjà dépassé. Car avec Fistful of Planets part II, Elisa laisse derrière elle plein de sentiments mélangés, parfois contradictoires, des rêves d'enfant jamais réalisés, des aspirations de jeune musicienne laissées en attente, des peurs et des appréhensions latentes qui aujourd'hui sont totalement exprimés dans cet album qui est, plus qu'un éxutoire, une affirmation de soi.
Si cette revue vous a donné envie d'aller plus loin à la découverte de cette artiste et de cet album dont la sortie officielle est prévue le 3 septembre 2021 (je laisse Elisa vous annoncer un petit scoop pour cette occasion), vous avez le choix entre le site d'Elisa et son bandcamp Elisa Montaldo, sachant qu'Elisa est pour l'instant en auto-production. Elle vend donc elle même cet album que vous pouvez acheter en version numérique ou en format physique, le CD simple ou la box complète, si il en reste encore car cent exemplaires seulement ont été produits.
Vous pouvez aussi suivre les news concernant cet album sur la page FB qui lui est dédiée :