C'est l'histoire d'un gars en France qui fait de la super musique avec des supers musiciens internationaux (le gratin on pourrait même dire) et dont personne ne parle (à part Didier Gonzalez dans Highlands Magazine). Méconnaissance ? Sans doute. Snobisme ? Je ne crois pas. Manque de culture ? Je n'espère pas ! Mélange des genres ? Probablement qu'une partie de la réponse est là. Car Chardeau, c'est autant jazz fusion, que prog, que pop, que rock, que chanson, que...Chardeau ! Pas facile à mettre dans une case puisqu'en France, on a la maladie de tout mettre dans des boîtes étiquetées. Tu rentres pas dans la boîte, tu veux faire le malin et passer d'une boîte à une autre, t'es mort !
Alors pourquoi, moi, je vous parle de Chardeau, et de son dernier album Ombres & Lumières, dans ce blog dédié au rock progressif italien ? Et bien pour trois raisons : d'abord Jean-Jacques Chardeau est un mec super sympa, ensuite (je l'ai déjà écrit) il fait de la super musique, enfin il y a une connexion avec le prog italien dans son dernier disque (vous allez comprendre bientôt).
Ombres & Lumières est la suite des aventures de l’Opéra Inter-Galactique Magical Mystery Man (Aka Chardeau lui-même) qui a fait l'objet d'un spectacle aussi démesuré que déjanté, présenté le 23 novembre 2019 à Plœmeur en Bretagne (oui Monsieur !) sous l'égide bienveillante d'Alan Simon avec une palanquée d'intervenants triés sur le volet : John van Eps, Michael Sadler, Jerry Goodman, John Helliwell, Christian Decamps, Francis Decamps, Kohann, Roberto Tiranti et Alan Simon bien sûr. Un truc de folie.
Avec Ombres & Lumières, Chardeau fait encore plus fort à mon avis, et là je parle bien musique. Pour avoir bien écouté tout ce qu'il compose, joue, produit, je pense sincèrement qu'Ombres et Lumières est le meilleur album qu'il ait fait. Et çà commence dès "Donibane Lohitzun" que je rêverais d'entendre interprété par Corvus Corax dans une version pagan mais je vous rassure celle là est top, aux petits oignons je dirais même (je pense ici au travail incroyable sur les chœurs). Si je vous dis que je me la suis réécouté une dizaine de fois avant d'attaquer la deuxième piste, tellement c'était bon à entendre avec toujours chez Chardeau cette capacité à décoller sur le final ! J'avais pourtant intérêt à avancer car ce qui m'attendait derrière était du même niveau :
Le sublime "Eire" qui porte si bien son nom. Il faudrait mettre ce morceau comme générique du Festival Interceltique de Lorient tellement il est emblématique d'un rock celtique actuel (et là je sais de quoi je parle, gast!).
"Iceland and Fire" qui plonge carrément dans une forme de Rock in Opposition avant d'éclore magnifiquement pour une séquence rythmée en cha cha cha.
Le délicat et romantique "Scandinavia" survolé, une fois encore, par le violon de Jerry Goodman. J'aime ce type de morceau où quand tu entends la musique, tu vois en même temps des paysages défiler et des ciels changer brusquement d'aspect (il y a aussi du jazz rock fusion dans ce morceau).
"Sur le Dam" où l'on retrouve le Chardeau onirique et charmeur.
"Over the Channel" qui s’inscrit dans la grande tradition de la pop anglaise ambitieuse, classicisante, et orchestrée avec des chœurs incroyables à tomber par terre. Presque plus vrai que les références originales.
"Belux Concerto" et sa sublime partition pour violoncelle, entre musique classique et musique de film, d'une beauté à couper le souffle.
"Swing Heil" dans un style jazz rock groovy qu'affectionne particulièrement Chardeau, un morceau à faire se déhancher un zombi.
"Tyrol Canon Snow Dance" qui, après une intro aux arrangements violons proches d'Electric Light Orchestra, vient titiller Peter Gabriel sur son terrain et d'atterrir en beauté sur un final très Beatles/Georges Martin. C'est dire si le monde de Chardeau est riche musicalement mais aussi en surprises.
"Cliché Suisse" qui, comme souvent avec Chardeau, est une belle composition affublée d'un faux-nez. Mais enlevez les clochettes et tout ce qui relève du folklore helvète et vous aurez le reste, c'est à dire un superbe morceau de smooth jazz.
"Lisbon is dying" qui hésite entre les Moody Blues, Procol Harum et même Barclay James Harvest mais qui dans tous les cas, a un charme fou.
"Reconquista" assez difficile à décrire mais qui vous scotche de bout en bout pendant plus de six minutes trente quand même. C'est écrit, joué et arrangé comme une musique de film avec de multiples rebondissements, de nombreux changements de rythmes et de climats, et çà marche, car c'est intelligemment pensé. C'est peut être çà le prog façon Chardeau, allez savoir !
Quant à "Seborga", il s'agit de se poser un moment car la piste est longue (11 mn 30) et ensuite car nous avons un rendez vous important en deuxième partie de ce titre. Pour le côté guide touristique, Seborga est une petite commune, située dans l'arrière pays Ligure à égale distance de Bordighera et de San Remo, avec plein de petites ruelles encaissées typiques des villages de cette région. La première partie du morceau se déroule sur un mode très contemplatif avec quelques accélérations judicieusement placées qui évitent un effet langueur (j'ai pas écrit longueur). Tout cela amène doucement mais sûrement l'auditeur à une deuxième section qui permet d'entendre une voix connue des fans de prog italien puisqu'il s'agit de Francesco Ciapica (Il Tempio delle Clessidre). Un chanteur italien avec une vraie voix de basse comme l’imaginait Chardeau avant d’enregistrer le morceau définitif. Et là, je peux vous dire que Francesco met le paquet. D'abord sur un mode mezzo, il se lâche ensuite formidablement au fur et à mesure que la fin du morceau avance. Content et fier d'avoir modestement contribué à faire entrer le rock progressif italien dans l'univers de Chardeau.
Enfin "Edossa Fakelaki". La fin du voyage qui passe par la Grèce, ses bouzoukis et surtout ce folklore musical qui m'a toujours parlé comme s'il était inscrit dans nos gênes d'indo-européens. Chardeau en fait une espèce de danse virevoltante, entraînante et envoutante qui semble ne jamais vouloir finir.
Voilà, j'espère que je vous ai convaincu. En tout cas moi, je mets ce CD sur le haut de la pile pour un bon moment.
La Tracklist :
1 Donibane Lohitzue
2 Eire
3 Iceland & Fire
4 Scandinavia
5 Sur Le Dam
6 Over The Channel
7 Belux Concerto
8 Swing Heil
9 Tyrol Canon Snow Dance
10 Cliché Suisse
11 Lisbonne is Dying
12 Reconquista
13 Seborga
14 Edossa Fakelaki
La sortie officielle est prévue le 7 juillet 2023 avec le distributeur
Cherry Red. Mais, j'ai mieux. Voici le site de Jean-Jacques, vous en profiterez pour découvrir en même temps son univers aussi inclassable que fantasque :
ChardeauMaintenant, c'est à vous de jouer !
Les musiciens :
Dans cet album vous retrouvez des intervenants prestigieux et d'autres moins connus mais tous "utilisés" au mieux de leur capacité, dont je vous ai mis la liste exhaustive ) à suivre. De toute façon, Chardau ne prend que les meilleurs !
- Claviers : Francis Décamps - Ange (5, 10), Bob Ramsey (6), Jeff Holmes (6, 7, 11, & Big Band 8), Guy Allison (12)
- Violons acoustique et électrique : Jerry Goodman - Mahavishnu Orchestra (2, 4, 5, 8, 13)
- Guitare acoustique, guimbarde, violon, violoncelle et mandoline : John McFee - Doobie Brothers (2, 3, 5, 13)
- Sax : John Helliwell - Supertramp (8, 11, 12)
- Flûtes : Stéphane Guillaume (2, 5, 12)
- Trompette : Tom Bergeron (4, 9, 10, 12)
- Txistu & Xirula : Christophe Kutx (1)
- Violoncelle : Alan Weinstein (3, 4, 7, 9…) & MMM Orchestra
- Guitares : Hank Linderman (1), Jimmy Haun - Circa (4), Dave Gregory - XTC (12), John Jorgenson - Hellecasters (5, 8, 10, 13), Chris Pinnick - Chicago (6, 11), Mauro Cicozzi (2)
- Basses : Mark Andes - Spirit (5, 6, 9, 11, 13), Jason Scheff (1, 2, 8), Fifi Chayeb (4, 11), Nicolas Chelly (3, 10), Karim Rachedi (14)
- Batteries : Danny Seraphine - Chicago (1, 8), Pat Mastelotto - King Crimson (9, 12), Doane Perry - Jethro Tull (4), Mark Walker - Oregon (2, 3, 6, 11, 14)
- Percussions : Xavier Dessandre-Navarre (2, 5, 11, 13)
- Groupe Moreas (14) : Dimitri Mastrogioglou (bouzouki), Apostolos Moraitis (guitare), Costas Dourountzis (arrangement & programmation), Antoine Karacostas (enregistrement)
- MMM Orchestra : Emlyn Van Eps (violons), Alan Weinstein (violoncelle), Bruce Krasin (flûtes, clarinette & hautbois), Orlando Pandolfi (cor anglais)
- Swing Heil Big Band : Bruce Krasin (sax & flute), Tim Atherton (trombone), Jeff Holmes (trompette et piano)
- Voix & chœurs : Chardeau (1, 5, 8, 13), Christian & Tristan Décamps - Ange (8), Francesco Ciapica - Il Tempio delle Clessidre (13), Eric Troyer (6), Hank Linderman (11), Jeddrah Leiterding (2, 6, 9, 13), Eric Geisen (8)
- Chœurs Ascese (1) : Inigo Vilas, Fernando Boto, Anais Darguy, Isabelle Castillon.