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lundi 1 mars 2021

Ciro Perrino (Celeste) : l'interview

 

Comme promis, voici une interview exclusive avec Ciro Perrino, l'homme qui a fait renaitre Celeste pour notre plus grand bonheur à tous. En effet, la sortie de ce nouvel album de Celeste (Il principe del regno perduto), a été l'occasion d'avoir un long entretien avec celui qui en est en fait l'unique concepteur et qui a beaucoup de choses intéressantes à nous dire et pas que sur Celeste justement .

 

Bonjour Ciro, heureux de discuter avec toi. Tout d’abord, tu peux me parler de ton background musical ? 

Comme beaucoup de musiciens de ma génération, j’ai commencé avec la beat music, donc dès les débuts du phénomène musical le plus important de l’après-guerre. J’ai formé mes goûts musicaux en écoutant les Beatles, les Rolling Stones, les Who, les Small Faces, les Kinks et immédiatement après Jimi Hendrix, Cream, tout le blues de l’époque, puis les Nice, et ainsi de suite jusqu’à la naissance de ce mouvement musical que nous appelons aujourd’hui Rock Progressif mais qui, à cette époque, s’appelait simplement Rock. Mais je ne peux pas tous les citer car il y a tellement de musiciens et de groupes que j’ai en vinyles. Déjà vers la fin des années soixante,  j’avais une collection de plus de quatre mille vinyles. Pratiquement toute la production musicale de ces années là. J’achetais tout ce qui sortait. Et je n’ai jamais négligé d’écouter aussi de la musique classique que j’ai toujours suivi avec beaucoup d’intérêt que ce soit avec les disques ou en concerts. Et à partir de là, j’ai commencé comme batteur en 1966.  

Peux tu me dire ce qui s’est passé entre Il Sistema et Celeste ?

Il Sistema a été mon expérience la plus importante. J’y ai expérimenté la discipline et la concentration. J’ai affiné mon goût, j’ai appris tout ce qui est mon bagage musical aujourd’hui. J’ai découvert ma vocation, mon désir de devenir musicien et de l’être complètement dans ma vie en le vivant avec passion. Passer d’Il Sistema, une fois que cette expérience avait fatalement atteint sa fin (tout ce qui a un commencement a aussi une fin), à la nouvelle réalité de Celeste n’était pas si difficile. Après une période de "désarroi" de  quelques mois durant laquelle j’avais même pensé arrêter de jouer à un niveau professionnel, le désir écrasant d’y retourner m’est revenu et j’ai vite abandonné mon idée déprimante de faire autre chose que de la musique et je suis rentré à nouveau en contact avec Leonardo Lagorio, qui était le seul survivant d’Il Sistema, en dehors de moi,  et qui était disposé à continuer et à explorer d’autres chemins. Et c’est après de nombreuses communications téléphoniques et d’interminables rencontres durant lesquelles nous avons imaginé divers line-up théoriques ainsi que des styles musicaux à adopter avec l’idée d’inventer quelque chose de nouveau que nous avons fini par trouver la bonne formule et nous mettre réellement à la recherche des musiciens qu’il nous fallait pour ce projet. L’idée était celle-ci : guitare acoustique + violon + basse électrique + flûtes + piano électrique + saxophone + percussions (mais pas de batterie) + Mellotron + seconde flûte, + second violon + voix féminine. Après, çà s’est fait différemment, mais c’est une autre histoire !

Pour quelle raison Celeste a splitté ?

Les raisons qui ont conduit à la dissolution de Céleste sont à la fois banales et communes à presque tous les groupes qui stoppent à un moment ou à un autre leur association. En ce qui concerne Celeste, nous n’avons pas accepté une grande opportunité qui nous a été offerte, au premier semestre de 1977, d’ouvrir pour les concerts d’une star italienne bien connue de cette époque. Nous étions supposé être sur la route pendant six mois. Pour moi, cette idée me semblait fantastique. Après tout, c’est moi qui avait été à l’origine du contact puisque je m’occupais des relations publiques du groupe. Déjà avec Il Sistema, c’était  une de mes tâches en dehors de la scène. Mais les autres membres du groupe n’étaient pas d’accord car presque tous avaient  déjà un emploi stable qu’ils ne voulaient pas quitter. J’étais le seul qui se consacrait à la musique à plein temps. Alors, je leur ai demandé de se décider. Mais ils n’avaient aucun doute. Garder leur job était prioritaire. A ce moment là, je me suis retrouvé tout seul et j’en ai tiré la conclusion que, quoiqu’à contrecœur, il était temps de changer de direction et de trouver de nouvelles orientations et de nouvelles stimulations. C’était vraiment très dommage car nous avions déjà presque le matériau pour un nouvel album. Ce sont ces compositions qui, treize ans plus tard, ont trouvé leur place d’abord sur le vinyle appelé Celeste II puis sur le CD dont le titre était Second plus. Donc tout le monde a repris son propre chemin. J’avais déjà des idées et j’ai immédiatement commencé à travailler avec de nouveaux musiciens. Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre !

Après Celeste, tu as créé des groupes très différents musicalement de Celeste,  je parle de St. Tropez, La Compagnia Digitale et SNC. Peux-tu nous donner des indications sur ces nouvelles orientations musicales ?

Ma constante dans toutes les expériences musicales a toujours été l’engagement avec la curiosité comme grande motivation. Le désir de changer tout en restant fidèle à moi-même a toujours été mon "credo". Ce n’est pas pour rien que, de 1979 à aujourd’hui, surtout pour mes projets solo, j’ai choisi d’être seul pour m’ouvrir à des collaborations quand il le fallait.  Je connaissais depuis un certain temps, les deux musiciens avec qui j’ai commencé l’expérience SNC. L’une de ces deux personnes était ma première épouse et l’autre un ami cher à moi. L’intention était de créer un type de musique très esthétique avec beaucoup d’effets électroniques. Aujourd’hui on appellerait çà de l’ambient ou quelque chose d’approchant. Je n’ai jamais donné de définition à la musique. La musique est juste de la musique.  Si on veut vraiment la distinguer, alors OK : Classique, Opera, Jazz, Rock. Mais les sous-catégories …… c’est juste inutile pour moi. Nous n’avions pas de références, juste beaucoup d’idées. Le groupe était formé d’un guitariste avec beaucoup de pédales d’effets, d’une claviériste (Fender Rhodes, Mini Moog) et de moi avec mon Eminent, un deuxième Mini Moog  et mon  Synthé EMS / AKS adoré. Et tout le monde au chant. Après quelques semaines de répétitions, nous étions prêts pour jouer en live. Mais après quelques concerts, nous sommes tombés d’accord sur le fait qu’il y avait des choses à changer. Nous avons immédiatement pensé que l’équipe devait être renforcée et inclure un batteur et un bassiste. Giorgio de Celeste cherchait une nouvelle expérience, Francesco “Bat” Dimasi, batteur, avait déjà travaillé avec moi sur un autre projet. Aussi, je les connaissais bien tous les deux. Nous les avons appelé et après quelques essais, il a été clair que ce serait le groupe définitif. Avant j’avais enregistré avec d’autres musiciens, la plupart venaient de la scène de Sanremo et des environs. L’un d’entre eux était un très jeune garçon qui s’appelait Enzo Cioffi. Il jouait une chanson que j’avais écrite (« Il Laghetto del Cigno”). Pour lui, c’était sa première dans un studio d’enregistrement. Il est devenu un batteur talentueux et quand j’ai décidé de refaire Celeste, il m’a rejoint pour Il Risveglio di Principe et maintenant pour Il principe del regno perduto. Pour cet autre groupe, nous avions accumulé beaucoup de matériel musical. Nous n’avions que l’embarras du choix. Il fallait seulement s’attacher à bien faire sonner le groupe. Donc nous avons essayé beaucoup de thèmes et d’improvisations jusqu’à ce que nous nous rendions compte que nous avions enfin notre son. Pas un style définissable mais des rythmes, des thèmes extravagants, des changements soudains de tempo et d’atmosphères, des titres de morceaux (très instrumentaux) à la limite de l’absurde. Le nom du groupe…St. Tropez. Une fois encore, aucune raison pour ce choix. Cela sonnait bien. C’est tout. Cependant, malgré l’excellente qualité des enregistrements et l’intérêt de Phonogram pour réaliser un album, les abandons du bassiste et du batteur pour des raisons économiques, nous ont forcé à repenser le projet en entier. Nous avons embauché un autre batteur et un autre bassiste avec des compétences différentes de leurs prédécesseurs, mais qui ont apporté des choses positives aux nouvelles compositions. Nous avons continué pendant quelques mois, mais encore une fois nous avons subi des revers. Les raisons… toujours les mêmes. C’est pour moi l’occasion de rappeler ici que bientôt (en avril/mai 2021) tout le matériel tiré des archives du groupe St. Tropez sera réédité. Il était déjà sorti en CD en 1992 mais n’avait jamais été réédité malgré les nombreuses demandes. Il s’agira cette fois d’un double vinyle convenablement remasterisé (100 exemplaires transparents numérotés et 200 exemplaires jaunes et verts) avec l’ajout de deux titres inédits.  Donc, nouveau batteur et nouveau bassiste et... nouveau nom : La Compagnia Digitale. Pour tous les fans de Tolkien, de la Communauté de l’Anneau à La Compagnia Digitale, il n’y avait qu’un pas. Encore des semaines et des mois d’essais. Toutes les compositions flambant neuves étaient prêtes avec dessus le nouveau synthé ARP 2600 que j’avais reçu et le Mellotron que j’avais utilisé dans Principe di un Giorno. Nous avions assez de matériel pour un concert. Et nous avons fait le concert. Mais çà a été le premier et le seul du groupe. Heureusement, j’avais eu l’idée de l’enregistrer. Mellow Records l’a proposé en 1993 et ce témoignage sera bientôt réédité en vinyle et peut-être aussi sur CD. Le concert était excellent mais une fois encore, cela a fini par la dissolution prématurée du groupe à peine né. C’est là que j’ai pris la décision finale. Fini les groupes. J’allais continuer seul. Je ne voulais pas que ma vie dépende des problèmes personnels des autres. Solare était déjà presque prêt et en octobre de la même année, j’étais dans un studio d’enregistrement pour commencer mon parcours solo. 

Tu as créé le label Mellow Records avec Mauro Moroni, Quel en était l'objectif ? Peux tu nous dire quelques mots sur cette aventure ? Es-tu toujours impliqué dans Mellow Records ?

La création du label, qui a marqué son temps dans le monde du Rock Progressif, s’est faite comme souvent presque par hasard. Je me souviens que Mauro Moroni m’a demandé si j’avais du matériel inédit de Celeste après la dissolution du groupe. Je lui ai dit que j’avais des très bons enregistrements qui étaient en fait les compositions qui allaient plus tard faire partie de Celeste 2, considéré à tort depuis des années comme le deuxième album du groupe. Il les a écouté et après il m’a demandé mon accord pour publier un vinyle avec une partie de ces compositions. A priori, çà s’arrêtait là. Mais, peu de temps après, il est revenu me voir pour me demander si j’avais plus de matériel. C’est ainsi que j’ai sorti de mes archives des enregistrements d’Il Sistema. J’avais, et j’ai encore de nombreuses heures d’écoute de cette formation (dans un futur proche, j’ai d’ailleurs l’intention de m’occuper de la publication d’autres chansons inédites de ce groupe). Pour moi, c’était une affaire terminée. Mais Mauro continuait à tout écouter. C’est pour cela qu’il m’a demandé de faire un autre album mais cette fois en double vinyle et en CD. C’est comme çà que « Una Notte sul Monte Calvo » ainsi que d’autres morceaux dont je me souvenais à peine sont revenus à la lumière. A partir de là, il m’a demandé si je pouvais collaborer avec lui pour chercher des enregistrements d’autres groupes et pas seulement ceux dont j’avais fait partie. La raison était surtout que, ayant juste commencé à enregistrer mon deuxième album solo (Far East) pour la multinationale Polygram, j’avais accès aux archives de ma nouvelle maison de disques où je pouvais trouver des titres intéressants, que nous pouvions éditer, sous licence, sur un nouveau label qui allait s’appeler Mellow Records. Plus tard, grâce à des amis et des connaissances de mon entourage, par exemple des musiciens que j’avais rencontrés au fil du temps, surtout au moment d’Il Sistema, j’arrivais à savoir s’ils avaient des bandes inédites ou des licences et des droits d’auteur de leurs œuvres. J’ai ainsi collecté une grande quantité de matériel qui plus tard est devenu l’énorme catalogue de Mellow Records. Ce furent de grandes années ! Nous avons découvert et publié des perles inconnues. Mais au début des années deux mille, j’ai tout laissé entre les mains de Mauro Moroni parce que j’avais besoin de me consacrer uniquement à ma carrière solo. Je ne pouvais plus concilier mon investissement dans l’écriture musicale avec l’engagement de plus en plus lourd que représentait mon activité dans ce qu’était devenu Mellow Records. Aujourd’hui, je suis fier de pouvoir publier tout ce que je réalise avec Celeste pour ce prestigieux label qui reste de toute façon dans mon cœur. Je suis reconnaissant à mon ami Mauro Moroni qui me permet d’utiliser la marque du label.

Sur ton bandcamp, on peut trouver beaucoup d’albums encore après Celeste, St. Tropez et La Compagnia Digitale. Quelle a été ta vie musicale pendant tout ce temps ? 

D’Il Sistema en passant par Celeste, St. Tropez, La Compagnia Digitale et la courte parenthèse infructueuse avec SNC, je suis arrivé à mon premier projet solo en 1979. Depuis 1977 je pensais faire un album totalement seul et  j’avais en tête qu’il devait être absolument électronique, c’est-à-dire avec  uniquement des synthétiseurs, du Mellotron et les premières boîtes à rythmes. Solare, qui est sorti en 1980, a eu un bon succès auprès de la critique et du public, mais j’ai eu le malheur d’être arrêté par la faillite du label qui, malgré qu’il avait investi tant d’énergie et d’argent en moi, a été forcé de déposer le bilan. Je me suis retrouvé alors avec un album tout juste sorti et des idées pour le prochain mais dans l’incapacité de continuer. C’est pour cette raison que j’ai décidé de faire une longue pause, d’améliorer mon studio d’enregistrement, d’étudier, de louer le studio pour des productions externes, de créer ma propre maison d’édition de musique et d’acheter de nouveaux synthétiseurs et claviers. La période de coupure a duré plus de sept ans, quand un jour j’ai eu l’idée d’écrire un nouveau thème qui a fini par servir de musique de fond lors d’un défilé de mode à Barcelone en Espagne. Le succès fût tel, que je me suis mis à écrire des compositions sur le même modèle. En moins d’un an, j’avais fini Far East, que j’ai proposé à Phonogram qui a immédiatement décidé de me faire signer un contrat avec un engagement pour trois autres albums. Far East, publié en 1990, a tout de suite attiré l’attention de la presse et d’un public de connaisseurs intéressés par ce type de sons qui étaient fondamentalement innovants mais au service de mélodies et d’arrangements sophistiqués. Après The Inner Garden en 1992 et Moon in the Water en 1994, en 1997 j’ai changé le label. Je suis passé chez Warner et j’ai sorti d’abord De Rerum Natura puis la première version orchestrale de L’Isola 2001. Après une autre pause de  quelques années pour réussir à publier L’Isola sur le marché anglais, je suis retourné en Italie. J’ai publié une autre version de L’Isola pour un ensemble piccolo sur un petit label qui avait été créé spécialement pour ce projet. J’ai fait aussi des concerts dans lesquels je n’ai pas joué mais où j’ai dirigé les musiciens, une expérience passionnante qui m’a beaucoup apporté mais qui n’a pas duré en raison des désaccords qui ont surgi avec les patrons du label qui ne respectaient pas l’esprit du projet. J’ai décidé alors de me consacrer à un autre aspect de ma vision de la musique. Je voulais me sentir libre de collaborer avec d’autres musiciens. Je voulais être le seul à décider et à jouer. Et donc le projet de piano solo a pris forme et a abouti aux deux premiers albums de ce qui a toujours été une trilogie dans mon esprit : Piccole ali nel vento en 2011 et Back Home en 2016. Les compositions du troisième volet de la trilogie sont presque terminées et je vais bientôt les enregistrer, mais depuis 2017 jusqu’à aujourd’hui, Celeste a occupé tout mon temps disponible de sorte que je ne pouvais pas dédier à Tiny Hearts (ce sera le titre du troisième chapitre pour piano) toute l’attention qu’il méritait.

Pourquoi as-tu faire revivre Celeste après toutes ces années ?

Comme je l’ai dit, Celeste a toujours été dans mon cœur. Mais ce sont les encouragement autour de moi qui m’ont convaincu de plus en plus qu’il était nécessaire de relancer la suite de cette période magique. Depuis que les réseaux sociaux existent, beaucoup de gens qui connaissaient Celeste à l’époque de Principe di un Giorno ont commencé à m’écrire et à me suivre et la question était toujours la même : "Quand y aura-t-il un autre album du groupe ?". Il m’a fallu de nombreuses années pour m’organiser mais, d’abord les refus constants des anciens membres du groupe d’origine pour se reformer, et ensuite mes engagements dans la réalisation de mes projets personnels, ont repoussé l’instant du retour. Mais tout arrive au moment opportun et jamais avant.

A ce propos, comment çà s’est passé quand tu as voulu réunir les autres membres du vieux Celeste pour un nouveau projet ?

Bien sûr, j’ai essayé à plusieurs reprises de reformer Celeste en demandant à mes vieux compagnons d’aventure musicale, mais je n’ai toujours eu en face de moi que du désintérêt. Aucun d’entre eux n’était intéressé pour revenir dans un projet qu’ils considéraient comme terminé et dépourvu d’un futur possible. Je les ai contactés avant Il Risveglio del Principe mais les opinions divergeaient – sans parler de l’absence même d’une vraie passion sincère et de l’enthousiasme qui sont indispensables dans de tels projets - puisque l’idée était de faire un Celeste complètement différent de Principe di un Giorno, avec des atmosphères qui nous auraient fait nous éloigner du véritable esprit du groupe. Moi, j’y ai toujours cru et je n’ai jamais cessé de penser que cela aurait pu être très agréable de refaire quelque chose ensemble.

Es-tu d’accord avec moi quand si je te dis que, s’il y a bien le nom de Celeste sur la couverture, la musique est aujourd’hui très différente et probablement plus personnelle ? 

Je dirais que je suis en partie d’accord avec toi parce qu’il est clair qu’il y a quelque chose de moi dans ce que j’ai écrit pour Celeste, d’autant plus que dans Principe di un Giorno,  je n’ai pas été autorisé à écrire autre chose que les paroles. J’ai eu des idées que les autres membres du groupe n’ont pas trouvées intéressantes et qui ont ensuite trouvé place, quelques années plus tard, dans mes projets solo ou, comme dans le cas de « Nora », n’ont reçu leur digne reconnaissance qu’après près de cinquante ans ! Comme par exemple la fin du morceau présent sur Il Principe del Regno Perduto qui s’intitule "(Il) Ceruleo Sogno" ou comme celui avec le Mellotron à la fin, que j’avais proposé pour Principe di un Giorno mais les autres préféraient leurs idées. Il y a des compositions qui ont une vie plus compliquée mais qui réussissent ensuite à se frayer un chemin et à sortir au grand jour ! Les enseignements de Celeste, et aussi d’Il Sistema, sont constamment présents dans tous mes projets solo (ce n’est pas moi qui le dit mais un journaliste, il y a plusieurs années, en écoutant mes premiers albums Solare et L’isola). J’invite chacun à écouter mes œuvres créées totalement seul et à trouver l’empreinte de Celeste. Ce que j’ai fait avec le nouveau Celeste, c’est un travail basé sur un grand respect de l’esprit des débuts du groupe. Je suis sûr que si nous avions continué avec le même personnel que pour Principe di un Giorno, la musique aurait gardé les mêmes caractéristiques. En fait, le leadership musical, qui à la fin n’était plus entièrement entre les mains de Mariano Schiavolini, aurait conduit Celeste vers d’autres horizons qui auraient été moins marqués rock progressif mais bien plus « jazz ». Et aujourd’hui, nous n’aurions peut-être pas deux nouveaux albums de Celeste aussi fidèles à la direction musicale originelle.

Alors pour toi, quelles sont les connexions avec le premier album de Celeste ?

Comme je viens de le dire, à mon avis ce que je ressens (mais je compte aussi beaucoup sur les retours des amis, des fans et des journalistes), c’est que l’esprit de Celeste est resté intact durant toutes ces années et plane très clairement dans les deux derniers albums, Il Risveglio del Principe et Il Principe del Regno Perduto. En ce qui me concerne, je n’ai utilisé que des claviers typiques des seventies afin de conserver les mêmes caractéristiques au niveau sonore. Pas de claviers numériques de nouvelle génération. Et puis il y a mon Mellotron ! Les autres musiciens qui forment maintenant la colonne vertébrale du groupe n’utilisent que des instruments qui datent de cette époque. Le batteur a trouvé une paire de cymbales charleston et une caisse claire qui datent des années soixante dix. Le bassiste utilise une Fender Precision datant toujours de ces années là. La musique a bien été écrite presque cinquante ans après Principe di un Giorno mais, je le répète, si les membres du groupe d’origine étaient restés ensemble, aujourd’hui nous en serions en train de regretté Principe di un Giorno.

Pourquoi les musiciens invités ne sont pas le mêmes que pour Il Risveglio del Principe sorti il y a un an?

Les musiciens qui m’ont accompagné dans Il Risveglio del Principe sont les mêmes qui sont présents dans Il Principe del Regno Perduto. Ceux qui sont mis en avant dans ce nouveau projet sont indiqués comme des invités. Dans le précédent, je les avais tous réunis, mais certains n’ont jamais été considérés comme des membres officiels du groupe. Ici, je voudrais mentionner ceux qui pour moi doivent être considérés comme irremplaçables et je crois qu’ils m’accompagneront dans les prochains épisodes de Celeste, à savoir : Enzo Cioffi à la batterie et aux percussions, Francesco Bertone à la basse, Mauro Vero à la guitare, Marco Moro à la flûte, flûte à bec et saxophone et Sergio Caputo au violon. Les autres sont invités et peuvent être rappelés ou de nouveaux musiciens peuvent être ajoutés en fonction des besoins ou des sons que je recherche.

J’ai l’impression que Il Principe del Regno Perduto semble correspondre à la fin d’un cycle ? Je me trompe ?

Il Principe del Regno Perduto représente certainement la fin d’un cycle. Mais ce n’est, disons, qu’une pause temporaire de l’histoire du Prince. Il se peut que dans les projets futurs, il revienne nous rendre visite. Pour l’instant, Celeste reste le même groupe avec les caractéristiques que tant d’amis et de fans aiment. Il y a donc bien une fin au niveau du récit mais pas pour le groupe lui-même. Je trouverai de nouvelles idées littéraires pour créer l’atmosphère du prochain album. 

Donc, tu as de nouveaux projets pour Celeste ?

Tout à fait oui. C’est une sorte d’habitude, qui se renforce au fil des ans, quand je publie un nouveau projet, j’ai déjà en tête comment je vais faire le prochain. Donc, cette fois-ci je peux dire que je sais déjà ce que je veux  proposer au public de Celeste, qui grandit de plus en plus avec de nouveaux fans, que ce soit au niveau du groupe que je vais constitué comme de la forme. Le contenu sera toujours typique de Celeste.  Je n’ai aucune intention de trahir l’esprit. Ce que je peux prédire, c’est que la trilogie du Prince a mis fin à un cycle. Le Prince fait une pause. Reviendra-t-il ? Peut-être. De nouveaux thèmes seront abordés dans le prochain projet. Ce qui sera toujours là, ce sera le Mellotron et tous les autres instruments qui ont toujours caractérisé le son du groupe. Je suis déjà au travail et je suis très heureux de ce qui prend déjà forme en terme d’atmosphère. 

As-tu d’autres projets dans le futur en dehors de Celeste ?

Oui aussi, sur le front de mes projets solo, diverses réalisations sont en cours. Ces dernières années, je me suis beaucoup consacré à Celeste, laissant de côté des concerts au piano seul, pour préparer le retour du groupe plus de quarante ans après Principe di un Giorno. C’est pourquoi je n’ai pas sorti le troisième album de ma trilogie de piano solo. Tous les morceaux sont prêts et je dois juste trouver le temps et la concentration pour l’enregistrer. Et le bon endroit. J’adore le studio où j’ai enregistré Piccole Ali nel Vento qui se trouve dans le sud-est de la France en haut d‘une montagne baignée dans un silence total et où il y a ce merveilleux piano Bechstein qui est ce qui se fait de mieux en matière de piano à queue. Puis, j’ai dans la tête la suite de Solare, mon tout premier album solo sorti en 1979, qui sera un album réalisé uniquement avec des synthétiseurs pour recréer les atmosphères que beaucoup de gens ont aimé avec Solare. Là aussi, je suis bien avancé dans l’écriture et je vois exactement comment je veux le faire. J’ai encore un projet que je réaliserai, toujours en musique électronique, en utilisant la fréquence à 432 Hz. C’’est plus complexe mais j’ai déjà avancé sur pas mal d’idées et j’ai enregistré quelque chose. J’ai encore d’autres idées pour d’autres projets. J’écris beaucoup !

Quelle musique aimes-tu et quelle musique t’inspire pour composer ?

Je me dois d’être sincère. A part quelques trucs par-ci par-là,  je n’ai rien écouté depuis des années pour éviter d’être influencé. Si je mets quelque chose dans le lecteur du CD, c’est presque toujours du classique : Corelli, Vivaldi, Bach, Beethoven, les grands compositeurs russes comme Mussorgskji, Rimskij Korsakov et Prokofiev. Eric Satie que j’aime. Ou encore le pianiste catalan très peu connu, contemporain de Satie, Frederic Mompou.

Es-tu plus rock, pop, jazz ou classique ?

Aucun doute à ce sujet. J’ai l’impression que je suis un bon mélange de rock et de classique. Mais je suis toujours prêt à accepter et accueillir de nouveaux stimuli et de nouvelles propositions musicales.

T’intéresses-tu à la musique progressive italienne ?

Là aussi, je veux être honnête. Je n’écoutais rien avant, encore moins maintenant. Je ne connais pas la scène musicale italienne. Comme je l’ai dit, c’est pour préserver mon inspiration, pour ne pas être influencé que je préfère ne rien écouter. Je souhaite conserver une autonomie maximale dans le cas de Celeste pour respecter la source d’inspiration.


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