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dimanche 28 août 2022

O.A.K. Jerry Cutillo : Lucid dreaming and the spectre of Nikola Tesla



Même si son projet O.A.K. (Oscillazioni Alchemico Kreative) existe depuis 1993, force est de constater que depuis 2015 Jerry Cutillo a passé la vitesse supérieure. Chaque nouvel album est un tableau de plus à accrocher à sa galerie de portraits commencé avec Giordano Bruno en 2018 avec l'album éponyme, poursuivi en 2020 avec les neuf sorcières de Bénevent (Nine witches under a walnut tree) et avec désormais l'évocation de Nikola Tesla. Lucid Dreaming and The Spectre of Nikola Tesla est sorti le 8 juillet 2022 pour lequel Jerry nourrit de grandes et légitimes ambitions.

Une fois de plus, Jerry place la barre très haut avec ce nouveau projet qu'il n'hésite pas à présenter comme un prog opéra. Le genre d'auto-affirmation casse-gueule qui provoque un réflexe pavlovien de la part des mélomanes aboutissant en général à un jugement quasi automatiquement manichéen  : c'est soit pompeux et grandiloquent (suivez mon regard du côté du métal prog), soit gééééénial ! Heureusement, Lucid dreaming...pour nous se range d'emblée du côté de ce qui se fait de mieux en la matière.

Même si le style opéra prog n'est pas si marqué que cela, ce qui fait d'ailleurs la force de cet album, le choix de ce format a sans doute en partie influé sur le fait que Jerry a pris ses distances avec les références tulliennes au profit d'une nette évolution vers une une musique plus symphonique et plus emphatique. Nous allons y revenir. Mais ce qui marque avant tout l'auditeur à l'écoute de cette œuvre est cette sensation d'une présence. Ce disque est habité jusqu'à être hanté par le personnage de Nikola Tesla. Jerry Cutillo s'est tellement imprégné de la personnalité du savant génial méconnu qu'il s'identifie à lui le temps de cet album (Jerry tient le rôle au chant de Nikola Tesla dans cet opéra). De fait, le titre revendiqué d'opéra prog n'est ici pas usurpé. Jerry Cutillo déploie tout son savoir-faire pour le mettre au service de compositions qui ont bien cette dimension orchestrale symphonique supportant des parties chantées destinées à provoquer l'émotion. A cet égard, si la suite "Oscillation Alkemy Kreativity ", d'une durée  totalement inédite de 13 minutes pour Jerry, avec ses cinq séquences enchaînées, est une totale réussite, le titre suivant "Learn to run in your dreams" est réellement le parangon de cette œuvre à égalité avec "The comet and the dreamer" qui le suit immédiatement. Ce doux épic, aux délicats accents d’Extrême-Orient dûs à la gamme utilisée pour les lignes de chant, permet d'entendre la voix féérique d'Olja Karpova qui ne peut qu'évoquer celle de la grande et inégalable Kate Bush. La grande force de Jerry Cutillo est d'être un vrai musicien professionnel complet qui sait parfaitement composer et interpréter mais aussi mettre en forme sa musique jusqu'à atteindre un degré de perfection qui n'est pas si courant que cela, y compris dans le milieu du rock progressif. J'en veux pour preuve "White wings" qui se hisse sans problème à la hauteur de ce qu'est capable de faire Robert John Godfrey avec The Enid (écoutez bien certains passages, vous comprendrez pourquoi j'évoque ici le brillant compositeur anglais), ceci pour vous donner une idée du niveau mais aussi de la qualité de la matière musicale proposée par Jerry à l'auditeur. Même "The silver cord", dont la ligne de chant en vocalises de Laura Piazzai (magnifique au passage) est calquée sur "The great gig in the sky", et pourrait donc faire l'objet d'une comparaison à son désavantage, est en fait  d'une beauté à couper le souffle, ne serait-ce que quand le morceau décolle pour atteindre un sommet de félicité. 
Il n'est pas si fréquent de trouver qu'un album a une durée trop courte (en tout cas en ce qui me concerne). Mais là, je dois dire que les 42 minutes de Lucid dreaming and the spectre of Nikola Tesla me frustrent un peu. Ceci étant dit, on saura gré à Jerry Cutillo d'avoir volontairement limité les développements qui étaient parfaitement envisageables pour plusieurs morceau (cf son interview) et d'avoir ainsi privilégié la concision, réussissant par la même à proposer une œuvre ramassée et condensée, présentant une musique qui va à l'essentiel sans longeurs inutiles. C'est aussi grâce à ce sens de la modération et de la tempérance (en plus de ses indéniables qualités de musicien et de compositeur), qu'il réussit à passer haut la main l'épreuve de l'opéra prog !
Il serait donc temps que les yeux et surtout les oreilles des progueux s'intéressent pour de bon à Jerry Cutillo et son projet O.A.K., car honnêtement, ce qu'il produit depuis 2015 est ce qui se fait de mieux dans le genre. Si ce n'est déjà fait, je ne peux que vous conseiller d'acquérir en urgence cet album ainsi que ceux précités.

Les musiciens : Jerry Cutillo (claviers, flûte, guitares, chant), David Jackson (saxophones, tin whistle), Jonathan Noyce (basse), Alex Elena (batterie), Dorie Jackson (chant sur "Everything is light "), Olja Karpova (chant sur "The comet and the dreamer "), Laura Piazzai (chant sur "The silver cord ")


La tracklist :

I. Everything is light
II. Oscillation Alkemy Kreativity
a) Hypnotic spiral
b) Oscillation Alkemy Kreativity
c) New York city
d) AC vs Dc
e) Black night Satellite
f) Oscillation Alkemy Kreativity (reprise)

I. Learn to run in your dreams
II. The comet and the dreamer
III. White wings
IV. The silver cord

Label: Aereostella Immaginifica

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