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mardi 28 novembre 2023

Salon du Disque Vinyle Nantes - Rezé

çà approche ! On se retrouve les 2 et 3 décembre au Salon International du Disque de Nantes-Rezé. Je serai présent les deux jours pour dédicacer mes livres et également pour une conférence (le samedi uniquement).  

Plus grande foire du Disque de France, le Salon du Disque de Nantes c'est des milliers de visiteurs sur deux jours qui viennent pour chercher leur bonheur parmi les stands des 80 exposants et qui en profitent pour rencontrer des écrivains et assister à des concerts. L'évènement des passionées de musique à ne surtout pas rater ! 

samedi 25 novembre 2023

PFM : The Event - Live in Lugano 2022

Circonspect j'étais. Comment voulez-vous que j'aborde un disque live de Premiata Forneria Marconi enregistré avec une équipe pour le moins originale. En effet, si les fans de la PFM ont intégré, et accepté, depuis longtemps la présence de Luca Zabbini pourtant toujours crédité en tant qu'invité. Comment faut-il comprendre l'apparition inattendue de Matteo Mancuso, qui est, pour l'occasion, le remplaçant du remplaçant de Franco Mussida. La proposition est d'autant plus surprenante que la PFM n'a jamais sorti d'album live avec ses collaborateurs actuels et que la dernière production live date de 2014. Elle consistait en une reproduction fidèle des cinq premiers albums du groupe lors d'une série de concerts donnés au Japon (coffret Il Suono del Tempo - Aerostella - 2015) . Déconcertant, isnt-it ?
Après avoir obtenu quelques précisions, je comprends qu Marco Sfogli n'était pas disponible pour cette date de concert le 27 août 2022 au Estival Jazz Festival de Lugano. Je comprends aussi que le management du groupe a décidé de lancer sous son label Aerostella, une série de sorties discographiques des prestations live du groupe, comme cela se fait beaucoup maintenant. Ce Live Event à Lugano en est donc le premier volet. L'évènement a justement été choisi en raison de la présence du jeune Matteo Mancuso, étoile montante parmi les guitaristes orientés jazz en Italie. Au passage, il a donc fallu que Mancuso apprenne en un temps record les parties de guitares, parfois complexes, des différents morceaux joués ce soir là. 
Voilà qui éclairci pas mal les choses. Nous pouvons donc passer à la musique avec l'édition double LP vinyle pour l'occasion. 
 
 
En regardant attentivement la set-list, on se rend compte que le groupe respecte un équilibre intéressant entre les morceaux des différentes époques. Le nouvel album Ho Sogno Pecore Elettrica est ainsi présent avec trois titres dont les deux gros instrumentaux "Mondi  Paralleli" et "Transumanza Jam". L'incontournable "Quartiere 8 " est de la partie. Il a la lourde charge de représenter la période années quatre vingt avec son fameux cri de guerre "Vaï Dzivas" et surtout avec une belle performance de Mancuso à la guitare électrique. Le plus récent et magistral instrumental "Cyber Alpha," tiré de Stati di Immaginazione, permet, là aussi, à Mancuso de se mettre en avant et de montrer toute l'étendue de son talent et de son feeling car sur un morceau comme çà, çà ne pardonne, soit tu passes, soit tu casses !
Il faut souligner que l'intérêt de cette prestation réside aussi dans le fait que, compte-tenu de la configuration particulière du groupe, une place plus importante que d'habitude est laissée à des développements qui prennent principalement la forme de dialogues entre les instrumentistes. Et il faut reconnaître qu'avec des techniciens du calibre de Luca Zabbini et de Matteo Mancuso, le niveau est élevé. De manière plus générale, on remarque que les musiciens prennent plaisir à ne pas juste reproduire les versions studios des morceaux et proposent des relectures partielles de certains titres y compris pour ce qui concerne les grands classiques du groupe, comme "La Carrozza Di Hans" (qui s'y prête assez bien, c'est vrai), "Photos of Ghost" (avec un vrai festival instrumental qui concerne le piano et le violon) et "Impressioni Di Settembre" joué d'abord de manière fidèle voire un rien solennelle avant d'être repris en fin de concert, après "Celebration", sur un mode grand final tout à fait seyant. On se dit même que "Mr 9 till 5" aurait pu être l'occasion de renouer avec une longue jam dans l'esprit de ce que faisait le groupe dans les années soixante dix, mais on se contentera de ce que l'on entend, qui est déjà très satisfaisant. On note enfin que la séquence "musique classique", qui dure six minutes, fait toujours son petit effet en offrant au public un enchaînement somptueux des pièces "La danza dei cavalieri", "Il potere dell'amore" et "Gli amanti di Verona" tirés du Roméo et Juliette de Prokoviev, alors que l'on trouve, un peu plus loin dans la set-list, la "Violin Jam" de Lucio Fabbri lancée par la basse de Djivas, qui précède l'ouverture débridée du Guillaume Tell de Rossini toujours aussi efficace.
A l'évidence, l'idée de capter et de présenter ce concert unique était excellente. La performance est autant emballante qu'irréprochable. Et il paraît juste d'insister sur la prestation de Matteo Mancuso qui donne l'impression d'être totalement dans son élément avec le matériel de la PFM. Pour rappel, Mancuso a eu une journée pour apprendre ses parties et être prêt. Alors, certes la voix de Franz faiblit un peu par moments. Mais comment reprocher cela à un musicien de soixante-dix-sept ans, qui continue encore et toujours de se démener comme un beau diable sur scène entre sa batterie et son micro pendant pratiquement deux heures. Le rendu sonore est très bon et très propre avec une source audio prise au soundboard qui aurait méritée un mixage studio postérieur plus osé pour en améliorer la dynamique (il y a également un enregistrement micro d'ambiance pour capter les réactions du public). Si l'on ajoute à cela la couverture pour le moins minimaliste, cet album peut être considéré comme une sorte de bootleg amélioré ou haut de gamme si vous préférez.
The Event - Live in Lugano me paraît donc une offre de choix pour les nombreux fans de la PFM qui continuent à assister par centaines aux  concerts que le groupe assure toujours en Italie., un groupe qui, après plus de cinquante ans à arpenter les scènes du monde entier, est encore capable de proposer chaque soir, un concert différent. Respect.

Info de dernière minute : The Event - Live in Lugano a été distingué par le magazine italien Panorama qui le classe dans les vingt meilleurs albums de 2023 aux côté des productions de Baustelle, Calibro 35, Ligabue, Lucio Corsi (très bon ce jeune homme au passage) et des inévitables Maneskin.

Les musiciens : Franz Di Cioccio (chant, batterie), Patrick Djivas (basse), Lucio Fabbri (violon, claviers, chœurs), , Alessandro Scaglione (piano,moog, chœurs), Eugenio Mori (batterie).
Invités : Luca Zabbini (orgue Hammond, chant, chœurs), Matteo Mancuso (guitare acoustique, guitare électrique)


La tracklist :

LP 1, face A
1. Mondi paralleli (3:04)
2. Il respiro del tempo (6:23)
3. Transumanza jam (3:22)
4. Impressioni di settembre (6:31)

LP1, face B
1. Il banchetto (5:32)
2. La carrozza di Hans (7:00)
3. Photos of ghost (6:44)

LP2, face A
1. Quartiere 8 (6:24)
2. Cyber alpha (5:24)
3. Harlequin (8:21)

LP2, face B
1. La danza dei cavalieri / Il potere dell'amore / Gli amanti di Verona (6:05)
2. Mr 9 till 5 (5:12)

LP2, face B
1. Violin jam (2:54)
2. Ouverture William Tell (1:45)
3. Celebration (3:36)
4. Impressioni di settembre (reprise) (1:22)

mercredi 22 novembre 2023

LogoS : Bokeh

 

Avant LogoS, il y avait ...LogoS ! Je m'explique. Nous avons découvert ce groupe de Vérone lors de la sortie en 2014 de leur disque L'enigma della vita alors même que la formation, créée en 1996, avait enregistré deux précédents albums, LogoS en 1999 et Asrava en 2001, qui n'avaient pas réellement bénéficié d'un support physique digne de ce nom (juste un format CDr). Ces deux efforts avaient donc pris, avec le temps, un caractère anecdotique mais c'était sans compter avec la détermination des membres actuels du groupe qui ont trouvé que, moyennant une restauration digne de ce nom, un meilleur sort devait être réservé à ces témoins audio de leurs débuts prometteurs.
Bien sûr le nouveau mixage et le remastering étaient nécessaires pour améliorer notablement la qualité sonore mais l'impression générale est que le niveau technique était déjà très bon dans le groupe à l'époque. A l'écoute, une nette distinction apparait entre les deux albums. Avec les six morceaux de LogoS, on entend les références explicites aux formations mères du prog italien, notamment Le Orme avec les très belles chansons "Arc en Ciel" (1 et 2) et "Sentiero nel prato porta"alors que "Il grande fiume" a le bon goût de mélanger les influences de Banco del Mutuo Soccorso et de le Orme. Au sujet de ce long morceau de dix huit minutes, on entend beaucoup de bonnes idées proposées dans une présentation simple presque dépouillée. Le groupe ferait sûrement mieux aujourd'hui, mais c'est déjà une belle réussite, très séduisante et encourageante pour la suite. On mettra à part "In una nuova Terra ?" qui démontre des dispositions pour un style de musique plus recherchée et plus impétueuse amenant à une succession de climax très...prog. Sûrement le morceau le plus remarquable de ce premier album.
A peine deux ans d'écart séparent Asrava de LogoS et pourtant on entend tout de suite la différence. Certes le côté symphonique du prologue, interprété dans une veine très Wakeman, pourra être mis sur le compte d'un exercice de style habituel pour ce genre d'entrée en matière. Mais dès la piste suivante, "Ezra pound", il est clair que l'on affaire à un groupe qui a ouvert largement le champ de ses influences à commencer par celle, assez étonnante, du King Crimson des années Belew (uniquement pour ce titre) avec la partie de guitare caractéristique en cross picking syncopé que l'on retrouve en début et en fin de piste, ainsi que celle, plus surprenante encore des Talking Heads pour ce qui concerne l'étonnant passage sur lequel la basse semble s'émanciper totalement dans un périlleux exercice à la pédale wah-wah. Tout cela reste malgré tout plutôt diffus et bien assimilé. Ce qui émerge par contre nettement est le travail réalisé sur les rythmiques avec notamment des parties de batterie beaucoup plus élaborées à l'instar du très rock "99" ou de l'efficace "Asrava" qui lorgne vers le jazz fusion. Le côté chanson n'est pas complètement oublié mais l'influence de Le Orme est désormais derrière le groupe ("La leggerezza dellà liberta", "Epilogo"). Bardé de samplers efficaces, orné d'une mélodie imparable et fonctionnant sur des parties rythmiques moins complexes que ce que l'on peut entendre dans le reste de l'album, "Terra incognita" me semble être le morceau le plus proche, au niveau stylistique, de ce que le groupe produira lors de sa véritable entrée (réussie) dans l'arène prog avec L'enigma della vita en 2014. C'est aussi, à mon avis, de loin, le titre le plus réussi d'Asrava qui se termine par un épilogue romantique beau à pleurer
Les membres du groupe LogoS savaient ce qu'ils faisaient quand ils ont décidé de donner une chance à leurs deux premiers témoignages audio au point de les regrouper pour les hisser au rang d'un album officiel. Ils avaient à l'évidence confiance dans les treize pièces composées et enregistrées il y a plus de vingt ans. Le résultat démontre qu'ils ne se sont pas trompés. Où comment faire du neuf avec du (bon) vieux ! 

Les musiciens : Luca Zerman (claviers, chant), Fabio Gaspari (basse, guitares, flûte, chant), Massimo Maoli (guitares), Alessandro Perbellini (batterie, chant)

La tracklist :

CD 1 : Logos 

  1. Il grande fiume
  2. Arc en ciel
  3. Sentiero nel prato porta 
  4. Un giorno 
  5. In una nuova Terra ?
  6. Arc en ciel 2

CD 2 : Asrava

  1. Prologo
  2. Ezra pound
  3. '99 
  4. La leggerezza dellà liberta 
  5. Asrava 
  6. Terra incognita 
  7. Epilogo  

Le lien bandcamp du groupe LogoS

samedi 18 novembre 2023

Mater a Clivis Imperat : Carmina Occulta

 
Alors que l'écoute répétée d'Atrox Locus, le premier album de Mater a Clivis Imperat est tout juste digérée, revoilà notre violoniste, incarnation moderne de Paganini, entouré de ses déesses libidineuses. Enzo Sciotti, le graphiste auteur de la première couverture est hélas décédé mais Emanuele Tagliatti a dignement pris le relais pour proposer une nouvelle illustration absolument et totalement machiste dont le caractère désormais transgressif la rend encore plus jouissive ! 
Alors que Atrox Locus avait été le fruit tardif d'une longue gestation commencée en 2008 à la création du groupe (vous avez le détail de l'histoire ici), Samael von Martin avait enchaîné très vite ensuite sur un deuxième album et très tôt des démos avaient été enregistrées dont j'avais pu écouter quelques extraits prometteurs. 
Avec Atrox Locus, Mater a Clivis Imperat  avait  dealé avec le nocher Charon pour franchir sans encombre le Styx et s'approcher de l'entrée des Enfers. Nous en étions resté là avec cette œuvre qui sentait déjà bien le souffre. Mais avec Carmina Occulta, Mater a Clivis Imperat nous entraîne aux tréfonds de l'Hadès. Attendez vous à rencontrer des ombres désespérées qui errent hagardes. Tout au long des dix neuf pistes de cet album, je n'entends que lamentations et litanies mises en scène de différentes manières et sous différents tons. Et c'est bien là que réside la puissance de cet album.  Car il ne suffit pas de faire dans le sulfureux lourdingue pour s'afficher satanique.
Dans Carmina Occulta, vous avez des variations d'ambiances quasi infinies. Pas un morceau ne ressemble à un autre. D'un côté, les gammes et les modes utilisées, de l'autre, les arrangements et surtout les bruitages sont à ce point présents et importants pour la cohérence de l’ensemble, qu'ils en prennent un caractère quasi diégétiques. On entend ainsi, en fait, simultanément deux sources audio consistant en une partition musicale sur laquelle est plaquée une bande d'effets sonores. Régulièrement ces deux canaux sont accompagnés d'une partie narrative. L'effet est saisissant de par sa cohérence et de par sa  force évocatrice, "Melicum Brevius (Fanfara funebre)" et surtout "Sabba" en sont sans aucun doute les meilleurs exemples. 
Loin de se complaire dans le lamento et le contemplatif, l'album a ses (nombreux) moments de fièvre hard et autant de montées en puissance soudaines font comprendre à l'auditeur qu'il est face à une créature animée qui peut se déchaîner à tout moment. Car si l'on peut considérer que le très rock "Sub insidiosam ruinam genero" et "Liturgica" sont pris chacun sur un tempo appuyé, il faut se rendre à l'évidence,  "Chori Tragici" et "Diaboli malleus" sont nettement plus mouvementés. Je ne parle même pas de "Tragica operetta" qui, une fois lancé, se révèle être un missile supersonique. Quel esprit dérangé a pu imaginer pareil délire ?
Pour réaliser ce travail démentiel, Samael von Martin a eu l'intelligence de s'entourer d'une équipe de collaborateurs solides et a notamment fait appel à Elisa Montaldo qui apporte tout son savoir-faire, immense, dans les illustrations sonores, en plus bien sûr de ses rôles d’interprète au chant, au piano et sur sa lutherie asiatique qu'elle peut exploiter ici dans une dimension inédite ("Edoardo II - S.D. recuperatio)". Ses contributions sont régulièrement décisives jusqu'à magnifier certaines pièces comme l'ensorcelant "Anima errantes" ou le démoniaque  "Sub insidiosam ruinam genero" dont l'ambiance surnaturelle ne manquera pas de vous obséder. Elle est également la compositrice et la seule exécutante de l'ambient "Peste 1347/ 2019".
On peut parler longtemps de ce disque en évoquant ses évidents penchants epic doom, dark prog et heavy rock, "Anima errantes" étant d'ailleurs au passage une belle synthèse de ces styles, mais la vérité n'est pas là. La vérité est que par le miracle de la création artistique et de l'inspiration mystique, cet album est à appréhender, et surtout à écouter, comme un opéra rock gothique, les interventions lyriques récurrentes de la soprano Elisa Di Marte venant encore renforcer ce ressenti, avec également, et pour corser l'affaire, un libretto en latin.
Seule la dernière piste peut sembler sensiblement décaler par rapport au reste de l'album. Mais il s'agit en fait d'un titre bonus, donc tout s'explique. "Movimento Dadaista Padovano" a été composé et enregistré pour la bande son d'un film I Veneratori di Morte. Bien que l'atmosphère soit incroyablement lourde et sombre, la tension retombe et permet une sortie en douceur, un peu comme quand vous quittez une salle obscure de cinéma après avoir vu un film particulièrement glauque et que la lumière extérieure vous soulage brusquement.  
Plus de cinquante ans après l'avènement de Jacula et d'Antonius Rex, Samael von Martin s'affirme comme le nouveau guide du dark prog ésotérique italien et se positionne ainsi en digne successeur d'un Antonio Bartoccetti.
Similis simite gaudet.

Les musiciens :

Isabella : voix narrative principale et chant
Samuel von Martin : voix, guitares, basse, flûte, luth, percussions et chaînes
Simon Ferètro : guitare, voix sur (7 et 12)
Flavio Porrati : chant (1, 11, 18)
Wally Ache : basse
Danial : basse (1)
Elisa Montaldo : invocations, chant (2, 7, 9, 10, 12, 14, 16, 17), koto électrique, hulusi, flûte bawu en bambou, piano (9)
Vittorio Sabelli : clarinette et clarinette basse
Alessio Saglia : orgue d'église, orgue Hammond, Moog, claviers et orchestrations
Aleister Ventrenero : batterie
Elisa Di Marte : soprano (4, 5, 8, 13)
Nequam : voix narrative masculine
The Nun : chœurs féminins
Natalija Brankoviç : claviers, piano (14), orgue (1),  violon (14, 17)
Domenico Lotito : solo de guitare (12) 

La tracklist :

1 - Ago e filo
2 - Sub insidiosam ruinam genero
3 - Liturgica (…Itaque sit)
4 - Carmina occulta
5 - Strigarum Dominus
6 - Edoardo II - (S.D. recuperatio)
7 - Chori tragici
8 - Codex Diabolicus
9 - Tragica operetta
10 - Peste 1347/ 2019
11 - Sabba
12 - Animi errantes
13 - Noctes ad nendum
14 - Nero segreto (Funestum Drama)
15 - Diaboli malleus
16 - Praesagia pontificia
17 - Melicum Brevius (Fanfara funebre)
18 - Funebris
19 - Movimento Dadaista Padovano (bonus)

Label : Black Widow Records

jeudi 16 novembre 2023

1973 L'Anno Cruciale della Musica raccontato in 73 dischi leggendari


Un livre unique sort le 24 novembre en Italie. 1973, l’année sainte du rock est célébrée à travers 73 présentations très détaillées d’albums incontournables pop, rock, jazz et bien sûr prog ! J’ai l’honneur et surtout le plaisir de faire parti des contributeurs.

Un libro unico. Il 1973, l'anno sacro del rock, viene celebrato attraverso 73 presentazioni estremamente dettagliate di album essenziali di pop, rock, jazz e prog, naturalmente! Sono onorato e felice di essere uno dei collaboratori.

dimanche 12 novembre 2023

Divae Projet : Stratosferico & Others Stories


L'histoire de Divae Project, commencée en 1995 avec l'album devenu depuis mythique Determinazione, se poursuit sous l'impulsion de Guido Bellachioma accompagné désormais du musicien confirmé, Davide Pistoni, les deux se partageant la direction artistique du projet.  La résurrection du nom s'était faite plus de vingt ans après et vous aviez pu bénéficier de ce scoop dans ce blog dès 2017 (article ici) . En 2021, une première réalisation voyait le jour avec la sortie du LP vinyle Stratosferico chroniqué ici. Puis, plus récemment, ont été publiés Prog Will Never Die en juin 2023 (chronique ici) ainsi que le 45 tours "After The War" en hommage à John Wetton. Guido m'avait prévenu, il y avait des morceaux encore à venir. Et voilà, nous y sommes ! Trente minutes de musique en plus, soit six morceaux qui viennent s'ajouter à ceux de l'album initial Stratosferico pour former le CD Stratosferico & Other Stories

Voyons donc ce que donne ces six morceaux supplémentaires.
"E la guerra" est un long récitatif assuré par Guido Bellachioma himself avec un fonds sonore à la fois triste, nostalgique et cafardeux. Il faut comprendre que les paroles de Guido évoquent un sujet sérieux hélas, encore et toujours d'actualité : la guerre. On est pris par la voix de Guido qui plus que simplement déclamer ses mots, vit son texte.
"Lampo" est une courte séquence rock et catchy, très typée début des années 80, qui pulse sur une base de prog symphonique simplifiée, exprimée avec ce côté direct et accrocheur que l'on trouvait dans les productions discographiques du Yes de cette période périlleuse pour le rock progressif.
"After the war" est cette chanson sortie récemment en 45 tours, qui était à l'origine sur l’album Astra (1985) du groupe Asia. Elle était la dernière piste de ce troisième album un peu dévalué, à tort ou à raison, d'Asia. Là n'est pas la question de cette chronique. En tout cas "After the war" ressortait nettement comme étant le morceau le plus ambitieux et le plus épique du LP. Cette reprise, bien sûr dédiée à John Wetton, n'est pas une simple copie. Divae Projet a eu la volonté d'en faire une version plus musclée et plus puissante en gommant le côté trop lisse de l'originale, en grande partie liée au formatage d'une production stéréotypée AOR/FM. Question chant, c'est Luca Velletri qui s'y colle apportant une tonalité comédie musicale qu'on pourra apprécier différemment selon ses propres références en la matière.
"La follia che diventa realtà" est basé sur une composition de Gianni Leone (Balletto di Bronzo), déjà enregistrée sous le nom de "Sinfonia" pour un autre projet du label Progressivamente, en l’occurrence pour l'Anthologie 1973 - 2003. Le morceau a été complètement refondu pour le Divae Project. La première partie est chantée, à nouveau par Luca Velleti. Elle semble couler de source avec une forte teneur  mélodique mise volontairement très en avant. Après un solo de guitare qui sert de pont, la seconde partie, complètement instrumentale, démarre. Et nous avons clairement là une signature sonore (autant rythmique qu'harmonique)  typique de Gianni Leone avec d'abord un sax, que l'on sent sur la réserve prêt à exploser, qui prend le lead, le temps d'être rejoint par d'autres intervenants : un violon dont les accents vaguement inquiétants vous rappelleront le jeu de Graham Smith avec Van der Graaf, un piano surexcité (là on se doute d'où vient cette manière de marteler les touches), qui entraîne le sax dans une danse endiablée, et des chœurs latins, s'exprimant en phonèmes, qui terminent définitivement de sataniser la séquence.
Présenter "E la guerra" en version orchestrale est une très bonne idée car la musique dépouillée des paroles, se révèle sous un autre jour, beaucoup moins sombre, beaucoup plus solennelle cette fois, en partie aussi en raison de certains changements dans les arrangements.
"A gift for Keith Emerson " est présenté en quatre mouvements instrumentaux qui racontent la vie hors norme de Keith Emerson, avec d'abord la période des débuts ("The beginning"), celle durant laquelle il démarre avec The Nice, puis l'époque de tous les succès et de tous les superlatifs avec le premier super groupe de l'histoire du rock progressif, Emerson Lake & Palmer ("From The Beginning To The Top"). C'est aussi à ce moment précis (nous sommes en 1970) qu'Emerson réussit l'exploit d'imposer les claviers dans le rock contemporain, et a fortiori dans le prog rock, en leur donnant un rôle égal à celui des guitares électriques. Mais la suite de sa carrière s'assombrit avec la découverte très tôt (en 1990) d'une maladie qui limite fortement l'usage de son bras droit. Emerson s'accroche alors pendant plusieurs années et tente de compenser ce handicap mais les symptômes s'aggravent inexorablement  jusqu’à l'immobilité totale du bras et des doigts. Il sombre alors dans une lourde dépression  (" From The Top To The Hell"). Le dernier mouvement ("Goodbye life") décrit une fin de vie tragique. En même temps qu'il repense à ses débuts, il sent, il sait, que qu'il n'a plus aucun avenir en tant que musicien et qu'il va  donc devoir en finir car sa musique est plus importante que sa vie elle-même. Après la dernière note, on entend le couvercle du piano qui se referme, le symbole d'un linceul qui vient recouvrir définitivement  les touches magiques noires et blanches de son instrument de prédilection. Bien évidemment, les 8 minutes 37 de cette suite sonnent à la manière de Keith Emerson et il faut reconnaître que le travail fourni par Davide Pistoni est remarquable. Il offre ainsi un hommage aussi respectueux que réussi à l'illustre claviériste anglais.
L'album Stratosferico est donc désormais complet avec ces six morceaux supplémentaires et vous pouvez le trouver et l'acheter en version CD ici même !

Voici la liste de musiciens impliqués dans ce projet :
 
Demetrio Stratos (voix sur 1), Davide Pistoni (piano, claviers, synthés, effets, orchestration), Giulio Capiozzo (batterie sur 2), Gianni Nocenzi (piano sur 3), Lino Vairetti (chant et harmonica sur 4 et 5), Gazebo (chants sur 6), Luca Velletri (chant sur 9 et 10), Francesco Isola (batterie sur 4 à 6, 8 à 10 et 12), Fabio Cerrone (guitare sur 4 à 6, 8 à 10, 12) - Lorenzo Trincia (basse sur 9 et 10), Fabio Trentini (basse sur 4, 5, 6), Carlo Maria Micheli (saxophone sur 4 et 10), Paolo Lucini (flûte sur 4 et 5), Enzo Vita (guitare sur 4), Alessandro Costanzo (chant sur 5), Dahl Ah Lee (violon sur 10), Elio Volpini (basse sur 5), Pericle Sponzilli (guitare acoustique sur 4 et 5), Guido Bellachioma (voix sur 7).
 
 
La tracklist du CD Stratosferico & Others Stories :
  1. Stratosferico.
  2. L'Urlo
  3. Rawon 
  4. Introduzione
  5. L'Uomo
  6. L'Amore vincerà di Nuovo
  7. E la guerra
  8. Lampo
  9. After the war
  10. La follia che diventa realtà
  11. E la guerra (version orchestrale)
  12. A gift for Keith Emerson


jeudi 9 novembre 2023

Aether

Les groupes italiens apparentés au rock progressif qui œuvrent dans un créneau post rock ambient ne sont pas légion. si l'on ajoute à cela des influences revendiquées allant de King Crimson et David Torn pour le flan prog à Terje Rypdal, le Kilimanjaro Darkjazz Ensemble (ce qui a de quoi intriguer)  et l'école scandinave ECM (ce qui a de quoi rassurer) pour le flan jazz, alors il apparaît indubitablement que le dénommé Aether est un groupe extra-terrestre composé de quatre musiciens carrément doués (on va en reparler tout de suite).

Pour leur premier album, les Milanais confirment donc leurs orientations musicales affichées mais se comportent surtout comme des vieux routiers. Difficile de croire qu'il s'agit vraiment d'une première œuvre tant les onze pistes instrumentales sont parfaitement construites et surtout très bien exécutées. Même si je suis un peu en dehors de ma zone de confort avec cet album, la récurrence de passages jazzy, n'empêchent pas, bien au contraire, une écoute agréable et attentive pour le fan de prog que je suis (comprenez que je suis moins appètent au jazz). Si je suis naturellement attiré par les moments les plus prog rock de cet album, à l’instar du très réussi "Crimson Fondant" ou encore du crimsonien "Thin air", je suis tout aussi subjugué par les délicates vignettes audio smoothy et planantes que sont "Grey Halo" et "The Bubble I'm Floating", ainsi que par des séquences ambient qui dégagent toutes un sentiment de spleen voire même de malaise, encore renforcé par des incrustations de bruits et de sons exogènes à la manière des illustrations sonores utilisées pour le cinéma d'horreur ("Echo Chamber", "A Yellow Tear in a Blue-Dyed Sky ", "The Shores of Bolinas"). Je mets un peu à part "A Gasp of Wind" qui a la force de ces morceaux dont l’apparente fluidité cache une profondeur de composition aussi discrète que délicate.
Je souligne également que ces musiciens sont vraiment capables de faire décoller un morceau qu'il s'agisse de "Radiance" sur lequel l'orgue Fender Rhodes et la guitare électrique, en son clair, embarquent l'auditeur pour une lente mais inexorable montée en tension accompagnées par un jeu de cymbales subtil, de "Moving away" avec cette fois la guitare électrique en son légèrement saturé, ou de "Pressure" en y imprimant une folie aussi faussement chaotique que réjouissante.
Quoiqu’il en soit, je le redis, tout cela sonne très professionnel avec une musique très bien maîtrisée qui me plaît aussi car elle présente beaucoup de caractéristiques pouvant l'assimiler à une bande son de film. Le mieux est, à mon avis, que vous vous rendiez compte par vous-même de l'excellente qualité de cet album. Voici donc le lien bandcamp du groupe AETHER.

La tracklist :

1. Echo Chamber [02:33]
2. Radiance [04:09]
3. Thin Air [04:15]
4. Grey Halo [02:38]
5. Pressure [04:29]
6. A Gasp of Wind [05:06]
7. A Yellow Tear in a Blue-Dyed Sky [02:58]
8. Moving Away [04:36]
9. The Shores of Bolinas [02:58]
10. Crimson Fondant [05:02]
11. This Bubble I'm Floating In [04:33]

Les musiciens : Andrea Ferrari (guitares, claviers), Andrea Grumelli (basse, Chapman Stick), Andrea Serino (Fender Rhodes, claviers), Matteo Ravelli (batterie)

samedi 4 novembre 2023

Ancient Veil: Puer Aeternus

Tout d'abord, répondons à la question : qui est Puer ? Puer est un être irréel. Il n'a pas d'existence physique, pas d’âge et pas de sexe défini. Il n'est ni un enfant, ni un adulte. Il existe dans un vide absolu et intemporel, une sorte d'Eden agréable, lumineux, une dimension qui pourrait être assimilée à un monde parfaitement stable où tout est figé, où les notions d'émotions et de désir sont absentes. Dans cet univers qui n'a ni début ni fin, Puer s’interroge sur sa condition éternelle. Dans cet album, il est pris comme postulat de départ que chacun d'entre nous peut être "Puer aeternus". En fait, chacun d'entre nous l'est en partie de par la disharmonie ressentie avec soi-même et, par conséquent, avec le monde extérieur. Chacun peut être cet éternel enfant doté d'immenses capacités mais qui préfère ne pas affronter ses transformations, incapable de grandir vraiment, de construire une vie en harmonie avec les autres et avec la nature.

Le thème ambitieux ainsi posé nécessitait de construire une œuvre artistiquement à la hauteur. Aussi pour exprimer pleinement et dignement toutes les subtilités de ce concept, les créateurs de ce projet ont mis les moyens aussi bien en terme de compositions que d'interprètes. Puer aeternus est un album qui évolue dans plusieurs directions mais qui, surtout, contient une musique progressive à la hauteur de ce que le rock progressif italien le plus exigeant peut produire, ce qui entend des références puisées dans la tradition aussi bien folklorique que médiévale, mais aussi une ouverture vers des contrées expérimentales ("La caduta sulla Terra" par exemple) voire même vers un jazz déstructuré d'obédience ouvertement avant-gardiste ("Il secondo tradimento") permettant à Martin Grice de réaliser une fois encore une performance hors norme.
Côté lutherie, comme toujours avec Ancient Veil, la palette d'instruments utilisées est incroyablement large. Ainsi l'approche acoustique se veut la plus riche possible. En effet, ce n'est pas pour rien que vous pouvez entendre de la guitare classique, diverses flûtes, des saxophones, une clarinette, un hautbois, du basson, du cor français mais aussi un quatuor à cordes et une section de cuivre. Vous reconnaîtrez que l'on n'est plus très loin d'un orchestre symphonique même si tous ces instruments nobles ne jouent pas en même temps. Et pourtant, loin d'être de la musique de chambre, vous constaterez que batterie, basse et percussions sont bien présents, là où il faut et quand il faut, et que l'orgue Hammond, et même un Moog, prennent à l'occasion, leur part dans l'espace musical imaginé par Edmondo Romano et son compagnon d'aventure de longue date, Alessandro Serri.

Il aura fallu trois ans aux membres du groupe pour élaborer et finaliser cet album qui est sans aucun doute ce que Ancient Veil aura fait de plus ambitieux à ce jour. Car il faut bien appelé un chat un chat, nous avons ici affaire à un opéra rock qui peut faire  penser, au moins dans l'esprit, au projet Merlin co-signé en 2000 par Fabio Zuffanti et Victoria Heward. Là s'arrête la comparaison car Ancient Veil a sa propre esthétique sonore héritée de la période Eris Pluvia et qui a été depuis développée et enrichie au point d'en faire une marque de fabrique haut de gamme (et oui ces musiciens sont sur le pont depuis plus de trente ans maintenant !).

Compte-tenu du concept et du format choisi, il est évidemment souhaitable d'écouter l'album dans son intégralité en respectant la progression logique des dix huit morceaux qui s'enchaînent d'ailleurs très naturellement. Je ne peux que vous conseiller de vous laisser aller à suivre tranquillement le déroulé de ce conte musical (le terme me parait d'ailleurs plus approprié que celui d'opéra rock). Les compositions sont toutes remarquablement écrites et les exécutants sont tous parfaits dans leur rôle. Ce qui ne gâche rien non plus est le choix du chant en italien (une première pour Ancient Veil) qui sied à merveille à cette musique qui se déploie et s'épanouit dans la plus parfaite sérénité. C'est sûr qu'on est ici aux antipodes de Rhaposdy in Fire ! 

Ceci étant dit, difficile de sortir un morceau plutôt qu'un autre car comme je vous l'ai indiqué, il s'agit avant tout d'une œuvre globale, chaque piste constituant une pièce indispensable d'un ensemble cohérent.  Mais je dois quand même dire que des morceaux du calibre de "La miseria del mondo" ou "L’ascesa di Hermes nel dio visibile" me laissent toujours pantois. Autant de groove distillé et de musicalité exprimée pour un résultat aussi original, c'est bluffant. Je dois également ajouter deux autres chansons pour lesquelles j'ai quand même un petit coup de cœur : d'abord "La saggezza della natura", un peu pour quelques passages chantés par Alessandro Serri (Kore) qui évoquent Angelo Branduardi, beaucoup pour ses parties magistrales de cordes frottées et à la folie pour Sophya Baccini qui vient poser sa voix magnifique sur ce titre, et aussi "Il distacco" qui permet de découvrir Lino Vairetti en Créateur et d'apprécier les interventions à la flûte qui sont de toute beauté, un modèle du genre pastoral. 

La réussite musicale évidente de cette album, mais surtout son caractère dramaturgique, méritent (exigent !) que ce projet prenne vie sur une scène à l'instar de The Rime of the Ancient Mariner  que Fabio Zuffanti avait monté sous la bannière Höstsonaten fin 2012  (album Alive in Theatre - 2013). Cela nous laisse le temps de savourer tranquillement ce disque comme il se doit car il le mérite amplement.

Sortie le 10 novembre 2023 chez Ma.Ra.Cash

Le groupe Ancient Veil : Alessandro Serri (vocaux, guitare classique, guitare acoustique, guitare 12 cordes, guitare électrique, flûte, harmonica, claviers, programmation), Edmondo Romano (alto soprano  tenor bass recorder, sax soprano et sopranino, chalumeau, clarinettes, low whistle, vocaux, Fabio Serri (piano, orgue Hammond, Moog, vocaux), Massimo Palermo (basse), Marco Fuliano (batterie)

Musiciens invités : Martin Grice (sax alto), Francesco Travi (basson), Natalino Ricciardo (cor français), Marco Gnecco (hautbois), Roberto Piga (premier violon), Fabio Biale (second violon), Ilaria Bruzzone (viola), Kim Schiffo (violoncelle), Olmo Arnove Manzano (percussions)

Intervenants par ordre d'apparition et rôle :

Simona Fasano : Nature
Alessandro Serri : Puer, Hermès, Kore
Lino Vairetti : le Créateur
Elisa Marangon : l'âme (anima)
Tony Cicco : le chantre
Roberto Tiranti : Crono
Fabio Serri : Mercure
Sophia Baccini : Toth
Edmondo Romano, Alessandro Serri, Simona Fasano : le chœur des Hommes


La tracklist :

01 - L’eterno tempo [Time eternal]
02 - Il distacco [The detachment]
03 - La caduta sulla Terra [The fall to Earth]
04 - La visione della parte mancante [The vision of the missing part]
05 - Nella stanza l’intera storia umana [In the room, the entire human story]
06 - Il senso dell’insensato [A sense of the senseless]
07 - La miseria del mondo [The misery of the world]
08 - La comprensione del tempo [The comprehension of time]
09 - Amore e potere [Love and power]
10 - L’ascesa di Hermes nel dio visibile [The rise of Hermes as the visible god]
11 - Il terzo millennio [The third millennium]
12 - La culla troppo stretta [The too narrow cradle]
13 - Il secondo tradimento [The second betrayal]
14 - Io e ombra [I and shadow]
15 - Puer aeternus [Puer aeternus]
16 - La reviviscenza [Resurgence]
17 - La saggezza della natura [The wisdom of nature]
18 - La nuova aurora [The new aurora]

mercredi 1 novembre 2023

Andrea Orlando : La Scienza delle Stagioni

En 2017, Andrea Orlando nous avait gratifié avec dalla vita autentica d'un premier disque aussi inattendu que remarquable, le musicien génois étant jusque là essentiellement connu pour ses performances de batteur dans divers groupes dont nous allons reparler dans cette chronique. Après une telle réussite, il ne pouvait pas faire moins que remettre le couvert. Cinq ans ont passé, cinq années pendant lesquelles Andrea a travaillé comme un damné sur son album, quasiment jour et nuit. Seul maître d’œuvre de sa création, il aura lui aussi payé le prix de la folie de se lancer dans une telle aventure pour un musicien qui n'a d'autre choix que de devenir un artisan indépendant, obligé de se gérer en totale auto-production, le marché de la musique (y compris progressive) étant devenu une impitoyable machine désincarnée, déshumanisée, acceptant en outre les nouvelles règles malhonnêtes imposées par les plateformes d'écoute (s'il vous plaît boycottez les spotify et consorts).

Je reviens à ce deuxième album d'Andrea Orlando. Est-il nécessaire de rappeler qu'Andrea est un batteur incontournable de la scène génoise qui joue avec des groupes du calibre de Finisterre, La Maschera di Cera ou encore La Coscienza di Zeno.Il est d'ailleurs ici accompagné par une pléiade de musiciens dont beaucoup viennent de Gênes. Il a également fait des choix artistiques tranchées en optant par exemple pour un chant exclusivement féminin incarné par la magnifique Meghe Moschino (Quanah Parker), preuve que le garçon sait exactement ce qu'il veut et où il va.
Avec La Scienza delle Stagioni Andrea évoque ces différentes saisons qui constituent les différents âges de la vie. La photo de couverture présente cette jeune femme, que l'on a du mal à situer dans une époque contemporaine ou ancienne, l'effet noir et blanc rajoutant encore à cette incertitude. Mais, ce qui est sûr c'est que cette fille nous regarde alors qu'elle tient un vieux livre ouvert qu'elle lisait juste avant de lever les yeux vers l'objectif. Nous participons ainsi à cette allégorie du temps qui nous échappe. Cette pochette réalisée et la photo intérieure du livret ainsi que les premières notes égrenées dès "Ancora Luce" nous font imaginer que l'album va être placé sous le signe d'un romantisme extrême. La suite des évènements va rapidement confirmer cette orientation stylistique mais il y a romantisme et romantisme. Celui qu'exprime Andrea est incroyablement dense et vivant, je dois même écrire vibrant pour être au plus près de la réalité. Comment comprendre et apprécier autrement "Il Sogno di Anastasia, pt 1" dont l'introduction enjouée, rythmée en 7/8, laisse place à un univers apaisé dans lequel flotte la voix mélancolique de Meghe Moschino.
Alors bien sûr, à l'écoute de ces morceaux, et ce dès "Ancore Luce", il m'est arrivé à plusieurs reprises de penser à La Coscienza di Zeno et à Il Tempio delle Clessidre mais il n'y a pourtant aucune confusion possible car Andrea a sa propre manière de développer ses thèmes avec toujours beaucoup de délicatesse et avec une manière de prendre son temps qui n'appartient qu'à lui. Les parties instrumentales s'étirent ainsi sans précipitation, apportant même une forme de plénitude auditive. Que la vie semble belle à l'écoute de "Tracce" ! Puisque je vous parle de parties instrumentales, il y a justement deux instrumentaux dans cet album, deux morceaux qui tiennent sacrément bien la route à commencer par "City 40" dont la superbe montée en puissance se révèle d'autant plus irrésistible que cette cavalcade symphonique se poursuit pendant plusieurs minutes à la manière de ...La Maschera di Cera ! On jurerait d'ailleurs que Fabio Zuffanti est à la basse ce qui n'est pas le cas puisque c'est l'efficace Pietro Martinelli qui assure aussi sur ce morceau, le même Pietro Martinelli qui officiait sur Autumnsymphony d'Höstsonaten ! Plus surprenant encore est  "Il Sogno di Anastasia, pt 2" dont l'entame classique est loin de laisser entrevoir la suite qui va rapidement se muer en un prog symphonique de haut vol avec des changements de rythmes et de couleurs condensés sur à peine sept minutes. Je vous promet que ce titre a une classe folle.
Je reprends les mots de romantisme et de symphonisme, j'y ajoute celui de nostalgie et vous avez ainsi tous les ingrédients puissants qui qualifient la très belle "Stagione Lontana". Les cordes modélisées du Mellotron y déploient une ambiance feutrée entre ombre et lumière, le piano de Boris Valle indique la direction mélodique, Meghe Moschino pose sa voix envoutante d'humanité et l'on reconnaît le toucher unique et délicat de Laura Marsano à la guitare électrique. Laura fait partie de ses guitaristes dont toutes les notes jouées dans un chorus sont autant de syllabes d'un phasé qui sonne comme incroyablement humain. Elle est ici à son zenith en la matière.Il flotte en outre sur ce titre un parfum indéfinissable de "The court of the Crimson King" sans doute à cause de la manière d'utiliser le Mellotron mais aussi du fait de la lointaine parenté d'une partie de la ligne mélodique jouée par Laura Marsano lors de ses différentes interventions à la guitare lead. Mais cela cela suffit à créer le mirage.
L'album termine par "La Strada di Ritorno"qui prend la forme d'une suite construite sur un même thème interprété sur plusieurs modes et habillé avec différents arrangements. Nous avons ainsi une première et une troisième parties qui sont présentées sur un mode adagio alors que la deuxième est portée par un beat rock soutenu. Quant à son final il est aussi majestueux que somptueux avec cette magnifique pavane entre la guitare électrique de Laura Marsano et le cor anglais. 

Écrire, pour finir cette chronique, qu'Andrea Orlando confirme avec ce deuxième album l'excellence constatée avec dalla vita autentica est un euphémisme. La vérité est qu'Andrea s'affirme comme un compositeur et créateur à part entière de l'école du prog génois. Ce n'est pas un mince compliment quand on connaît la richesse et la vitalité du rock progressif provenant de la grande cité ligurienne, Genova la Superbe ! En tout cas, ce disque m'a donné beaucoup de bonheur. Je vous en souhaite autant.

Les Musiciens : Andrea Orlando (batterie, glockenspiel, orgue, piano électrique, synthés, Mellotron, Harpsichord), Meghe Moschino (chant sur 1 à 3, 5, 7), Stefano Marelli (guitares électrique et acoustique sur 1 à 4, 6, 7), Laura Marsano (guitare sur 2, 4, 5, 7), Matteo Nahum (guitare électrique sur 3), Pierenzo Alessandria (guitare électrique sur 6), Pietro Martinelli (basse et contrebasse sauf 5), Fabio Zuffanti (basse sur 5), Luca Scherani (piano sur 1, 3, 4, 7), Agostino Macor (Moog sur 1, 4, 7), Boris Valle (piano sur 5), Valeria Trofa (cor anglais sur 2, 7), Marco Mascia (violon sur 4, 7), Kim Schiffo (violoncelle sur 7), Christian Budeanu (violon alto sur 7), Carlo Oneto (cor français sur 7)


La tracklist :

  1. Ancora Luce
  2. Tracce
  3. Il Sogno di Anastasia (parte prima)
  4. City 40
  5. Stagione Lontana
  6. Il Sogno di Anastasia (parte seconda)
  7. La Strada del Ritorno
     

Le bandcamp d'Andrea (vous avez juste à cliquer sur le lien surligné)