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lundi 27 mai 2024

Trigemino : In Sound We Trust



Ah les braves petits gars, comme ils m'ont fait plaisir avec ce disque sorti de nulle part. Quel pied cette galette !
Il y a d'abord cette enveloppe accrocheuse avec ces couleurs et ces glyphes si caractéristiques, utilisés pour les lettres, qui dominent la photo sépia de cette sublime black allongée, évoquant évidemment furieusement Pam Grier, la même qui vous attend en intérieur de pochette, agenouillée cette fois. Tout y est. Nous sommes de retour dans le monde moite de la blaxploitation.
Il y a le titre de l'album ensuite, court. concis, qui va à l'essentiel : in sound we trust. Un credo, une profession de foi, une sentence à inscrire partout dans les école de musique.
Il y a, enfin et surtout, la musique ! Bien sûr, vous allez me dire " encore un groupe qui fait dans la simili musique de film seventies funky, çà commence à bien faire". C'est vrai qu'il commence à y avoir un paquet de combos sur le coup, plutôt des très bons d'ailleurs. Mais, là où les premiers de la classe de Calibro 35 font dans la perfection, la précision absolue et la reproduction plus vraie que l'original, les agités de Trigemino se différencient par un style plus spontané mais aussi plus rock avec des riffs de guitare acides et tranchants, plus psychédélique avec cette flute qui joue le rôle d'un variateur d’ambiance. Avec Trigemino, on retrouve une forme d'urgence, une envie de prendre la musique du côté fun, donc de ne pas trop se prendre eau sérieux. Et çà marche. Je dirais même, çà groove !
Enregistré en conditions live au Coffee Studio à Rome, les trois membres du groupe se sont adjoints les services de cinq autres musiciens pratiquant des instruments différents. Ce qui fait que non seulement, nous avons affaire à des instrumentistes à la technique hyper solide mais en plus cela ouvre le champ à de multiples combinaisons instrumentales, ce dont ne se privent pas les artisans de cet album pour un résultat de neuf morceaux qui sont autant de petits bijoux bien clinquants.
Dans une ambiance générale dansante parfois à la limite du convulsif, les musiciens de Trigemino plongent avec délice et volupté dans l'univers musical groovy de la blaxploitation à la sauce italienne. Çà commence fort avec "Dirty Larry", le générique funky d'un poliziottesco bon teint. La basse pulse sans prendre le temps de respirer, les cuivres fusent de partout. La fin de la piste est juste orgasmique. C'est ensuite au tour de "Black belt Ricky funko" de réveiller ses ambiances psychédéliques faites de divagations acides menées par une guitare sous psychotrope et par un orgue Hammond qui s'insinue dans le moindre espace qui lui est laissé, pire que la mérule ! La flûte y fait une apparition remarquée dans un style hallucinations sonores lysergiques. "Sorrow and Justice" transporte immédiatement l'auditeur dans un monde à l'atmosphère exhalant une odeur suffocante de souffre. La fin du titre est une longue souffrance spasmodique illuminée par des éclaires de guitare à la Hendrix. La face A se termine à fond avec "Shiftgears" qui peut être appréhendée comme une synthèse de tout ce qui a été précédemment entendu avec à nouveau un final orgiaque.
Juste le temps de retourner le vinyle et c'est reparti avec "Ambush of summertime", un titre qui prend son temps pour groover à la Meters. On jurerait entendre les riffs vénéneux de Leo Nocentelli avant que la flûte, cette fois beaucoup plus incisive, vienne se challenger avec la guitare. Étonnant mais jouissif. La dernière partie est une longue cavalcade qui se termine subitement en no way. Avec "Bulglary times", on retrouve l'ambiance funky de "Dirty Larry" et le duel entre la guitare électrique et l'orgue Hammond est absolument époustouflant. Sachez qu'à ce petit jeu dangereux, il n'y a pas de perdant mais bien deux gagnants. "Hospital Shootout" permet à tout le monde de souffler. Le titre démarre sur un tempo plus calme et se présente comme une longue jam. On retrouve la flûte qui se place en contrepoint de la guitare, l'orgue prenant un rôle d'accompagnant. Mais une fois encore, le meilleur se trouve en bout de piste, l'orgue revenant sur le devant de la scène pour faire jeu égal avec la guitare électrique. "Three times of violence" nous replace dans cette ambiance unique des vieux films policiers italiens qui avaient la bonne habitude de permet comporter le mot violenta dans leur titre (relisez bien le titre du morceau ! OK ?). Bien sûr les cuivres sont aux premières loges et c'est vraiment bon. On termine avec le titre bonus, "B(r)ear(h)lessness", un rock acide psychédélique, survolé par la guitare de Francesco Resta qui s'amuse comme un petit fou avec sa Big Muff et sa pédale wah-wah pour ce qui ressemble beaucoup à une improvisation avec un section basse/batterie en roue libre.

Voilà, vous avez compris : avec Trigemino, nous partageons pour l'éternité le même oremus incantatoire. In sound we trust !

Le groupe : Alessandro Nanni (batterie), Francesco Resta (guitares), Riccardo Tulipani (basse)

+ Diego foschi (Moog, orgue Hammond), Lorenzo Gabriele (flûte), Mattia Del Forno (synthé), Nicola Bagnoli (orgue Hammond), Simone Bellagamba (bugle, trompette)


La tracklist :

Face A :
1) Dirty larry
2) Black belt Ricky funko
3) Sorrow and justice
4) Shifting gears

Face B:
1) Ambush of summertime
2) Bulglary times
3) Hospital shootout
4) Three times of violence
5) B(r)ear(h)lessness

Voici le lien bandcamp pour écouter tout çà en boucle car pour ce qui est de dégoter l'album au format physique, je vous souhaite bonne chance car avec seulement 300 copies CD et 300 copies vinyle mises sur le marché, il se peut qu'il vous faille un peu de patience avant de toucher le graal.

 

vendredi 17 mai 2024

Prog Fest 2024 - Porto Antico Genova

Amateurs du meilleur rock progressif italien mais aussi des musiques du cinéma italien des '70, le rendez-vous incontournable de l'année 2024, c'est à Gênes, les 3 et 4 août 2024, pour assister à une série de concerts tous plus attirants les uns que les autres avec La Maschera di Cera, La Grazia Obliqua, Universal Totem Orchestra (+ Sophya Baccini), L'Ombra della Sera, Il Segno del Comando ET Fabio Frizzi avec son programme unique "Frizzi 2 Fulci" ! Mais aussi Horror Bach, Gotho et Delirio and The Phantoms. Cela se passe comme d'habitude au Porto Antico et c'est organisé par Black Widow Records (Massimo Gasperini et Pino Pintabona).

 

jeudi 16 mai 2024

Metronhomme : Metropolis by Metronhomme

Vous savez que je suis de près le parcours de Metronhomme (voir articles et interviews dans ce blog), ce groupe venant de la région des Marches, qui a, je trouve, une démarche artistique originale en toute circonstance. Et c'est bien de cela dont il s'agit encore cette fois avec ce projet un peu fou intitulé "Metropolis by Metronhomme". Il s'agit d'une expérience cinématographique particulière combinant le chef-d’œuvre emblématique de Fritz Lang avec une nouvelle illustration musicale jouée en direct. La partition a été composée par le groupe en ayant l'idée de synchroniser parfaitement la musique avec les images du film. Le spectacle in vivo est conçu pour permettre aux spectateurs de vivre un moment audio-vidéo immersif afin de les transporter dans un voyage passionnant à travers le monde visionnaire de Metropolis. Le film est projeté sur grand écran pendant que le groupe interprète en direct la bande son. Les cinéphiles avertis remarqueront au passage que Metropolis est présenté avec un nouveau montage revu et restauré en haute définition, contenant des scènes précédemment coupées, ce qui porte la durée du film à environ 1 heure et 20 minutes. Cette version remontée garantit une qualité visuelle impeccable et un rythme plus engageant pour les spectateurs. 

Pour rappel, ce long métrage muet en noir et blanc, a été tourné entre 1925 et 1926, est sorti en 1927 et raconte une histoire qui se déroule en...2026, celle d'une mégalopole (Métropolis) organisée en société hyper hiérarchisée, avec un d'un côté une caste dominante de riches oisifs et de l'autre, une classe ouvrière exploitée et opprimée. Un savant fou va alors créer un, ou plutôt une, androïde ayant pour mission d'inciter le peuple à la révolte. La vraie histoire du film commence là et je vous laisse la découvrir si vous ne la connaissez pas déjà. Je peux en tout cas affirmer que, compte-tenu de sa date de création, ce film est incroyablement futuriste et fantastique. Malgré ses imperfections et son côté parfois un peu trop théâtral à la limite du pompeux, il reste un chef d’œuvre du cinéma muet d'avant guerre. Certaines séquences dégagent un mouvement étonnamment fascinant et une vraie puissance évocatrice.

De nombreux artistes se sont essayés à un soundtrack intégralement recréé pour musicaler à leur manière Métropolis. On citera pour les plus connus Giorgio Moroder en 1980 (avec Jon Anderson, Freddie Mercury, Pat Benatar, Bonnie Tyler), Art Zoyd en 2002 et plus récemment Cult of Luna en 2013. Pour ce qui concerne nos amis de Metronhomme, le résultat est remarquable. Il est clair que cette bande sonore, tout spécialement conçue pour coller aux images du film, ajoute une atmosphère captivante à la projection. Je ne vais pas les citer ici, mais il y a plusieurs séquences clés du long métrage qui prennent une dimension réellement prenante avec l'habillage musical conçu par les artisans de Metronhomme. A la vérité, j'ai écouté les 75 minutes de la bande son avec et sans les rushs et çà fonctionne bien dans les deux cas. Ce qui veut dire que cette musique se suffit à elle-même. Évidemment sans les images, il manque une dimension mais cela reste très intéressant à écouter dans un style polyforme mélangeant le planant, le floydien, la M.E., le psychédélique, parfois le romantisme classicisant, avec aussi quelques montées en puissance rock du plus bel effet placées à des moments stratégiques du film. Pour moi, le pari est largement réussi, et même un peu plus, car tenir la distance sur plus d'une heure de musique d'accompagnement (car c'est bien de cela dont on parle) sans que le niveau d'intérêt ne baisse à aucun moment, et sans s'éloigner du sujet, est quand même un exercice de style de haut vol que Metronhomme réussit haut la main.

Les membres du groupe m'ont affirmé qu'ils cherchaient des scènes pour reproduire cette performance  en live. Ce serait vraiment bien qu'ils puissent y arriver à l'instar de ce que font RanestRane ou Le Zoo di Berlino. Mais une version CD ou/et vinyle album pourrait également parfaitement tenir la route et donner ainsi une digne suite à l'album "4" qui date déjà de 2019. 

La performance s'est déroulée le 7 avril  au Cineteatro Excelsior de leur ville de cœur, Macerata. Vous pouvez la regarder et l'écouter en cliquant sur ce lien "Metropolis by Metronhomme".










jeudi 9 mai 2024

Celeste : Echi di un futuro passato

Belle couverture, n'est ce pas ? Il s'agit du dernier album en date composé et enregistré par le seul Ciro Perrino qui fait ainsi perdurer dans le temps le nom du groupe Celeste. Mais bien que Ciro Perrino assure également les parties de claviers (Mellotron, orgue Hammond, Solina, Eminent, Arp 2600) ainsi que le chant, il sait s'entourer d'autres instrumentistes que sont Mauro Vero pour les guitares, Enzo Cioffi pour la batterie, Francesco Bertone pour la basse et Marco Moro pour les instruments à vent (flûtes, saxo...) auxquels ont peut encore ajouter Marco Canepa au piano, Sergio Caputo au violon, Paolo Malfi aux saxophones contralto et tenor et Ines Aliprandi au chant soliste (sur "Madrigale" et "Circonvoluzioni"), magnifique musicienne au passage, qui est également pianiste. Nous avons donc là en fait un groupe au complet et finalement plutôt bien étoffé. 
Ciro Perrino n'a jamais été un adepte d'un prog rock pur et dur, loin de là même. Il développe plutôt depuis longtemps une vision soft d'un progressif qui se nourrirait à la fois du jazz et du classique avec parfois quelques pointes folk et ethniques apportées par les vents. Autant vous dire que Echi di un futuro passato ne déroge pas à cette ligne de conduite et permet même à Ciro Perrino de continuer à démontrer ses penchants pour une musique qui se veut en toute circonstance mélodieuse et académique, harmonieuse et reposante, j'irais même jusqu’à dire cajoleuse car c'est le mot qui me vient à l'esprit à l'écoute de cet album. Il y a sûrement un moment privilégié dans la journée de chacun pour écouter ce genre de musique. Je vous laisse donc choisir le votre et je vous souhaite une beau voyage sonore qui pour moi trouve son point culminant incontestablement avec "Circonvoluzioni".    

La tracklist :

  1. Pigmenti
  2. Sottili armonie
  3. Aspetti astratti
  4. Altese sottese
  5. Misteri evoluti
  6. Madrigale
  7. Circonvoluzioni

Le lien bandcamp de Celeste/Ciro Perrino, c'est ici.

mercredi 1 mai 2024

Riccardo Zappa : Gabri flies to Italy

 

Il est sans doute utile de présenter Riccardo Zappa qui, bien que portant un nom célèbre, reste un inconnu pour beaucoup. Né en 1951, Riccardo Zappa est un guitariste de formation avant tout classique. Il a émergé dans la deuxième partie des années soixante dix en proposant quatre albums solo de grande qualité dans un registre instrumental mêlant ses origines classiques, ses influences folk et son penchant pour une pop oscillant entre Mike Oldfield et Steve Hackett avec toujours, et c'est l'intérêt du bonhomme, une volonté de recherche et d'innovation. Il a de ce fait été associé à la musique progressive même s'il faudrait plus le considérer comme un électron libre, un performer ne représentant que lui-même. Celestion, sorti en 1977, est sûrement son meilleur album, mais Chatka (1978), Trasparenze (1980) et Haermea (1982) sont également des disques importants qui méritent attention. Tout en continuant à enregistrer des albums il a entamé une grande carrière de musicien professionnel accompagnant des artistes italiens aussi célèbres que Mina, Fiorella Mannoia, Mia Martini, Eros Ramazzotti, Eugenio Finardi ou encore Giorgio Gaber. A ma connaissance son dernier album solo datait de 2007 (Ali e radici) et l'homme se faisait discret. On l'avait toutefois revu en concert au festival Prog and Frogs en 2018. Depuis plus rien.
Ce nouvel album, son vingt quatrième, est donc une petite surprise. Gabri flies to Italy est dédié à Gabriel, le frère de Riccardo, album hommage donc, on l'aura compris.
Le disque commence par "Gabri Flies to Italy", une suite de plus de dix huit minutes qui s'avère très vite être une grande épopée instrumentale. Riccardo Zappa y joue de la guitare 6 cordes et de la 12 cordes mais aussi de la guitare électrique. Cette longue pièce alterne les passages proches de pièces classiques avec d'autres plus enlevés, les nappes plus mystiques quasi New Age avec des touches technoïdes, sans oublier les interventions d'un chœur donnant à plusieurs reprises un côté très musique de film à ces petites séquences idylliques (et morriconienne au moins pour la première d'entre elles). La force de Riccardo Zappa réside aussi dans son originalité. Là où "Harmonios" devait se dérouler tranquillement comme une gentille bluette popisante sur un rythme sud-américain à peine marqué , l'intervention soudaine d'un quatuor de mandolines en fait une pièce pittoresque faisant remonter des souvenirs de soundtracks de westerns de la fin des années soixante. Quant au romantisme, il revient dans la pièce "Sanvalentiniana" la bien nommée, dans laquelle Riccardo Zappa en donne sa propre lecture musicale qui ne manque pas de personnalité. Si vous voulez entendre Riccardo Zappa dans un exercice solitaire, proche d'une étude classique, alors écoutez "inno". C'est simple, c'est posé mais c'est surtout très beau. "Nimaster Ego " permet de retrouver le chœur à quatre voix évoluant avec grâce sur une rythmique programmée. Riccardo Zappa est devenu une référence, un maître (un statut parfaitement mérité au passage), pour plusieurs générations de guitaristes. Alors, il a proposé à ces derniers d’envoyer une seule note produite par leur instrument, afin de les regrouper et de les utiliser dans le morceau "Suonami una nota" qui est ainsi un patchwork de dizaines de notes produites par autant de guitaristes différents (quarante deux exactement). C’est la vision qu'a Riccardo Zappa de la relation qui peut être créée entre lui et d'autres musiciens en passant d’un contact virtuel à un autre, beaucoup plus réel et tangible celui là, puisqu'il est destiné à rester gravé dans la musique et le temps. Le résultat est assez bluffant même si Riccardo n'a fait que les ajouter à une composition déjà existante qui s'avère plutôt catchy (à l'échelle de ce que l'on entend sur le reste du disque bien sûr).
Cet album est beau moment de respiration. Il est fait d'atmosphères présentant des ambiances très lumineuses qui semblent vouloir s'épandre (et se répandre) dans l'espace sonore avec une dynamique remarquable. Riccardo Zappa n'essaie pas d'imposer à tout prix sa technique à la guitare, ce n'est pas une fin en soi pour lui, mais elle lui permet d'exposer avec assurance des thèmes avec une précision et une clarté qui font la différence à chaque fois.
Si vous avez zappé ce Zappa, il n'est pas trop tard, Gabri flies to Italy est une très belle occasion de vous rattraper.

La tracklist :

1) Gabri Flies to Italy (18:51)
2) Harmonios (4:32)
3) Sanvalentiniana (6:38)
4) Inno (4:34)
5) Suonami una Nota (4:41)
6) Nimaster Ego (3:18)
7) L'Attesa (2:28)

Label : M;P. & Records

Distribution : G.T. Music