Area : Crac!
33 tours, LP
Label : Cramps 940.512 CRS LP 5103 (1975)
Même si je place le séminal Arbeit
Macht Frei bien au dessus de tout ce qu’à fait Area ensuite, je dois
reconnaître que Crac! reste un album fascinant. La prise de pouvoir de
Capiozzo et Fariselli vers une irrémédiable orientation jazzy voire free jazz
est ici momentanément contrebalancée par Demetrio Stratos, de plus en plus esseulé dans le
groupe (*), qui arrive pourtant à nouveau à marquer de son empreinte vocale cet
album. Caution Radiation Area (1974) avait complètement dérapé dans des
élucubrations sonores et des délires expérimentaux qui finissaient par n’avoir
ni queue ni tête. Certes il y avait « Cometa Rossa » mais même ce
morceau avait un drôle d’arrière goût rappelant un peu trop « Luglio
Agosto Settembre (Nero) » pour être franchement honnête.
Comme je l’évoquais en préambule, sur Crac!
Demetrio Stratos réussit à faire à nouveau passer sa propre vision de ce que
peuvent (doivent ?) être des explorations musicales qui ont du sens. Alors
oui « L’elefante Bianco » reprend une nouvelle fois la thématique de
la « Cometa Rossa » et donc de « Luglio Agosto Settembre
(Nero) » mais en se hissant cette
fois au niveau de l’original. Oui « La
Mela Di Odessa » est un drôle de morceau à la croisée des chemins entre le jazz rock et le funk mais çà swingue
drôlement et il s'en dégage un vent de folie absolument irrésistible. Demetrio joue le jeu dans ce registre pourtant assez inusité
pour lui, et se transforme en prêcheur déjanté dans la deuxième partie du morceau. Mais surtout, avant d’écouter « Gioia E
Rivoluzione », morceau sans doute le plus « normal » qu’ait
jamais enregistré Area, entre chanson d'auteur et ballade country, il y a les deux pièces maîtresses de l’album,
« Megalopoli » et « Nervi Scoperti » qui sont de fait deux formidables fusées
traçantes de jazz fusion qui suivent chacune une trajectoire ascendante durant
laquelle les musiciens s’amusent à aller tester les limites de l’équilibre
structurel de chaque morceau. Pour moi, Crac! s’arrête au milieu d’ « Implosion », la fin de ce
morceau et le suivant (« Area 5 ») renouant avec le côté le plus
stérile d’Area. Heureusement, on parle
là d’à peine plus de 5 minutes sur une durée totale de 37 minutes 50, il reste donc une grosse
demi-heure d’écoute d’une musique qui réussit à être à la fois captivante et
accessible avec des musiciens qui donnent le meilleur d’eux-mêmes quand ils
restent concentrés sur leur sujet en évitant de trop s’en écarter. Avec Crac!
Area affirme une nouvelle fois ce qui fait sa particularité et sa
spécificité : un langage musical unique d’essence méditerranéenne capable
d’amalgamer des idiomes aussi différents que le jazz, le rock, la fusion, le
prog et l’expérimental, la présence incontournable de Demetrio Stratos en plus.
Il va sans dire que l’anti-conformisme viscéral d’Area, encouragé et entretenu
par le manager Gianni Sassi, place ce groupe à des années lumières d’un rock
progressif italien qui ne s’est jamais distingué par un côté aventureux.
Une fois encore l’artwork de la
pochette décoiffe et attire l’œil. C’est fait pour bien sûr et c’est évidemment
Gianni Sassi qui a supervisé le design.
(*) pour tout connaître de la véritable histoire d’Area, et
notamment de sa genèse, voir le chapitre qui lui est consacré dans le livre Patrick Djivas - Via Lumière.
Face A :
1. L'elefante Bianco2. La Mela Di Odessa
3. Megalopoli (7:53)
Face B :
1. Nervi Scoperti
2. Gioia E Rivoluzione
3. Implosion
4. Area 5
Le groupe : Demetrio Stratos, Giampaolo Tofani, Patrizio Fariselli, Ares Tavolazzi, Giulio Capiozzo
Analyse parfaite
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