Comme promis, voici une interview exclusive avec Ciro Perrino, l'homme qui a fait renaitre Celeste pour notre plus grand bonheur à tous. En effet, la
sortie de ce nouvel album de Celeste (Il principe del regno perduto),
a été l'occasion d'avoir un long entretien avec celui qui en est en fait l'unique
concepteur et qui a beaucoup de choses intéressantes à nous dire et pas que sur
Celeste justement .
Bonjour Ciro, heureux de discuter avec toi. Tout d’abord,
tu peux me parler de ton background musical ?
Comme beaucoup de musiciens de ma génération, j’ai commencé
avec la beat music, donc dès les débuts du phénomène musical le plus important
de l’après-guerre. J’ai formé mes goûts musicaux en écoutant les Beatles, les
Rolling Stones, les Who, les Small Faces, les Kinks et immédiatement après Jimi
Hendrix, Cream, tout le blues de l’époque, puis les Nice, et ainsi de suite
jusqu’à la naissance de ce mouvement musical que nous appelons aujourd’hui Rock
Progressif mais qui, à cette époque, s’appelait simplement Rock. Mais je ne
peux pas tous les citer car il y a tellement de musiciens et de groupes que
j’ai en vinyles. Déjà vers la fin des années soixante, j’avais une collection de plus de quatre
mille vinyles. Pratiquement toute la production musicale de ces années là.
J’achetais tout ce qui sortait. Et je n’ai jamais négligé d’écouter aussi de la
musique classique que j’ai toujours suivi avec beaucoup d’intérêt que ce soit
avec les disques ou en concerts. Et à partir de là, j’ai commencé comme batteur
en 1966.
Peux tu me dire ce qui s’est
passé entre Il Sistema et Celeste ?
Il Sistema a été mon expérience
la plus importante. J’y ai expérimenté la discipline et la concentration. J’ai
affiné mon goût, j’ai appris tout ce qui est mon bagage musical aujourd’hui.
J’ai découvert ma vocation, mon désir de devenir musicien et de l’être
complètement dans ma vie en le vivant avec passion. Passer d’Il Sistema, une
fois que cette expérience avait fatalement atteint sa fin (tout ce qui a un
commencement a aussi une fin), à la nouvelle réalité de Celeste n’était pas si
difficile. Après une période de "désarroi" de quelques mois durant laquelle j’avais même
pensé arrêter de jouer à un niveau professionnel, le désir écrasant d’y
retourner m’est revenu et j’ai vite abandonné mon idée déprimante de faire
autre chose que de la musique et je suis rentré à nouveau en contact avec
Leonardo Lagorio, qui était le seul survivant d’Il Sistema, en dehors de
moi, et qui était disposé à continuer
et à explorer d’autres chemins. Et c’est après de nombreuses communications
téléphoniques et d’interminables rencontres durant lesquelles nous avons
imaginé divers line-up théoriques ainsi que des styles musicaux à adopter avec
l’idée d’inventer quelque chose de nouveau que nous avons fini par trouver la
bonne formule et nous mettre réellement à la recherche des musiciens qu’il nous
fallait pour ce projet. L’idée était celle-ci : guitare acoustique +
violon + basse électrique + flûtes + piano électrique + saxophone + percussions
(mais pas de batterie) + Mellotron + seconde flûte, + second violon + voix
féminine. Après, çà s’est fait différemment, mais c’est une autre
histoire !
Pour quelle raison Celeste a splitté ?
Les raisons qui ont conduit à la dissolution de Céleste
sont à la fois banales et communes à presque tous les groupes qui stoppent à un
moment ou à un autre leur association. En ce qui concerne Celeste, nous n’avons
pas accepté une grande opportunité qui nous a été offerte, au premier semestre
de 1977, d’ouvrir pour les concerts d’une star italienne bien connue de cette
époque. Nous étions supposé être sur la route pendant six mois. Pour moi, cette
idée me semblait fantastique. Après tout, c’est moi qui avait été à l’origine
du contact puisque je m’occupais des relations publiques du groupe. Déjà avec
Il Sistema, c’était une de mes tâches
en dehors de la scène. Mais les autres membres du groupe n’étaient pas d’accord
car presque tous avaient déjà un emploi
stable qu’ils ne voulaient pas quitter. J’étais le seul qui se consacrait à la
musique à plein temps. Alors, je leur ai demandé de se décider. Mais ils
n’avaient aucun doute. Garder leur job était prioritaire. A ce moment là, je me
suis retrouvé tout seul et j’en ai tiré la conclusion que, quoiqu’à contrecœur,
il était temps de changer de direction et de trouver de nouvelles orientations
et de nouvelles stimulations. C’était vraiment très dommage car nous avions
déjà presque le matériau pour un nouvel album. Ce sont ces compositions qui,
treize ans plus tard, ont trouvé leur place d’abord sur le vinyle appelé Celeste
II puis sur le CD dont le titre était Second plus. Donc tout le
monde a repris son propre chemin. J’avais déjà des idées et j’ai immédiatement
commencé à travailler avec de nouveaux musiciens. Quand une porte se ferme, une
autre s’ouvre !
Après
Celeste, tu as créé des groupes très différents musicalement de Celeste, je parle de St. Tropez, La Compagnia
Digitale et SNC. Peux-tu nous donner des indications sur ces nouvelles
orientations musicales ?
Ma constante dans toutes les
expériences musicales a toujours été l’engagement avec la curiosité comme
grande motivation. Le désir de changer tout en restant fidèle à moi-même a
toujours été mon "credo". Ce n’est pas pour rien que, de 1979 à
aujourd’hui, surtout pour mes projets solo, j’ai choisi d’être seul pour
m’ouvrir à des collaborations quand il le fallait. Je connaissais depuis un certain temps, les deux musiciens avec
qui j’ai commencé l’expérience SNC. L’une de ces deux personnes était ma
première épouse et l’autre un ami cher à moi. L’intention était de créer un
type de musique très esthétique avec beaucoup d’effets électroniques.
Aujourd’hui on appellerait çà de l’ambient ou quelque chose d’approchant. Je
n’ai jamais donné de définition à la musique. La musique est juste de la
musique. Si on veut vraiment la
distinguer, alors OK : Classique, Opera, Jazz, Rock. Mais les sous-catégories
…… c’est juste inutile pour moi. Nous n’avions pas de références, juste
beaucoup d’idées. Le groupe était formé d’un guitariste avec beaucoup de
pédales d’effets, d’une claviériste (Fender Rhodes, Mini Moog) et de moi avec
mon Eminent, un deuxième Mini Moog et
mon Synthé EMS / AKS adoré. Et tout le
monde au chant. Après quelques semaines de répétitions, nous étions prêts pour
jouer en live. Mais après quelques concerts, nous sommes tombés d’accord sur le
fait qu’il y avait des choses à changer. Nous avons immédiatement pensé que
l’équipe devait être renforcée et inclure un batteur et un bassiste. Giorgio de
Celeste cherchait une nouvelle expérience, Francesco “Bat” Dimasi, batteur,
avait déjà travaillé avec moi sur un autre projet. Aussi, je les connaissais
bien tous les deux. Nous les avons appelé et après quelques essais, il a été
clair que ce serait le groupe définitif.
Avant
j’avais enregistré avec d’autres musiciens, la plupart venaient de la scène de
Sanremo et des environs. L’un d’entre eux était un très jeune garçon qui
s’appelait Enzo Cioffi. Il jouait une chanson que j’avais écrite (« Il
Laghetto del Cigno”). Pour lui, c’était sa première dans un studio
d’enregistrement. Il est devenu un batteur talentueux et quand j’ai décidé de
refaire Celeste, il m’a rejoint pour Il
Risveglio di Principe et maintenant pour Il
principe del regno perduto. Pour cet autre groupe, nous avions accumulé
beaucoup de matériel musical. Nous n’avions que l’embarras du choix. Il fallait
seulement s’attacher à bien faire sonner le groupe. Donc nous avons essayé
beaucoup de thèmes et d’improvisations jusqu’à ce que nous nous rendions compte
que nous avions enfin notre son. Pas un style définissable mais des rythmes,
des thèmes extravagants, des changements soudains de tempo et d’atmosphères,
des titres de morceaux (très instrumentaux) à la limite de l’absurde. Le nom du
groupe…St. Tropez. Une fois encore, aucune raison pour ce choix. Cela sonnait
bien. C’est tout. Cependant, malgré l’excellente qualité des enregistrements et
l’intérêt de Phonogram pour réaliser un album, les abandons du bassiste et du
batteur pour des raisons économiques, nous ont forcé à repenser le projet en
entier. Nous avons embauché un autre batteur et un autre bassiste avec des
compétences différentes de leurs prédécesseurs, mais qui ont apporté des choses
positives aux nouvelles compositions. Nous avons continué pendant quelques
mois, mais encore une fois nous avons subi des revers. Les raisons… toujours
les mêmes. C’est pour moi l’occasion de rappeler ici que bientôt (en avril/mai
2021) tout le matériel tiré des archives du groupe St. Tropez sera réédité. Il
était déjà sorti en CD en 1992 mais n’avait jamais été réédité malgré les
nombreuses demandes. Il s’agira cette fois d’un double vinyle convenablement
remasterisé (100 exemplaires transparents numérotés et 200 exemplaires jaunes
et verts) avec l’ajout de deux titres inédits.
Donc, nouveau batteur et nouveau bassiste et... nouveau nom : La
Compagnia Digitale. Pour tous les fans de Tolkien, de la Communauté de l’Anneau
à La Compagnia Digitale, il n’y avait qu’un pas. Encore des semaines et des
mois d’essais. Toutes les compositions flambant neuves étaient prêtes avec dessus
le nouveau synthé ARP 2600 que j’avais reçu et le Mellotron que j’avais utilisé
dans Principe di un Giorno. Nous avions assez de matériel pour un
concert. Et nous avons fait le concert. Mais çà a été le premier et le seul du
groupe. Heureusement, j’avais eu l’idée de l’enregistrer. Mellow Records l’a
proposé en 1993 et ce témoignage sera bientôt réédité en vinyle et peut-être
aussi sur CD. Le concert était excellent mais une fois encore, cela a fini par
la dissolution prématurée du groupe à peine né. C’est là que j’ai pris la
décision finale. Fini les groupes. J’allais continuer seul. Je ne voulais pas
que ma vie dépende des problèmes personnels des autres. Solare était
déjà presque prêt et en octobre de la même année, j’étais dans un studio
d’enregistrement pour commencer mon parcours solo.
Tu
as créé le label Mellow Records avec Mauro Moroni, Quel en était l'objectif ?
Peux tu nous dire quelques mots sur cette aventure ? Es-tu toujours impliqué
dans Mellow Records ?
La création du label, qui a
marqué son temps dans le monde du Rock Progressif, s’est faite comme souvent
presque par hasard. Je me souviens que Mauro Moroni m’a demandé si j’avais du
matériel inédit de Celeste après la dissolution du groupe. Je lui ai dit que
j’avais des très bons enregistrements qui étaient en fait les compositions qui
allaient plus tard faire partie de Celeste 2, considéré à tort depuis
des années comme le deuxième album du groupe. Il les a écouté et après il m’a
demandé mon accord pour publier un vinyle avec une partie de ces compositions.
A priori, çà s’arrêtait là. Mais, peu de temps après, il est revenu me voir
pour me demander si j’avais plus de matériel. C’est ainsi que j’ai sorti de mes
archives des enregistrements d’Il Sistema. J’avais, et j’ai encore de
nombreuses heures d’écoute de cette formation (dans un futur proche, j’ai
d’ailleurs l’intention de m’occuper de la publication d’autres chansons
inédites de ce groupe). Pour moi, c’était une affaire terminée. Mais Mauro
continuait à tout écouter. C’est pour cela qu’il m’a demandé de faire un autre
album mais cette fois en double vinyle et en CD. C’est comme çà que « Una Notte sul Monte Calvo » ainsi que d’autres morceaux dont je me souvenais à peine sont
revenus à la lumière. A partir de là, il m’a demandé si je pouvais collaborer
avec lui pour chercher des enregistrements d’autres groupes et pas seulement
ceux dont j’avais fait partie. La raison était surtout que, ayant juste
commencé à enregistrer mon deuxième album solo (Far East) pour la
multinationale Polygram, j’avais accès aux archives de ma nouvelle maison de
disques où je pouvais trouver des titres intéressants, que nous pouvions
éditer, sous licence, sur un nouveau label qui allait s’appeler Mellow Records.
Plus tard, grâce à des amis et des connaissances de mon entourage, par exemple
des musiciens que j’avais rencontrés au fil du temps, surtout au moment d’Il
Sistema, j’arrivais à savoir s’ils avaient des bandes inédites ou des licences
et des droits d’auteur de leurs œuvres. J’ai ainsi collecté une grande quantité
de matériel qui plus tard est devenu l’énorme catalogue de Mellow Records. Ce
furent de grandes années ! Nous avons découvert et publié des perles inconnues.
Mais au début des années deux mille, j’ai tout laissé entre les mains de Mauro
Moroni parce que j’avais besoin de me consacrer uniquement à ma carrière solo.
Je ne pouvais plus concilier mon investissement dans l’écriture musicale avec l’engagement
de plus en plus lourd que représentait mon activité dans ce qu’était devenu
Mellow Records. Aujourd’hui, je suis fier de pouvoir publier tout ce que je
réalise avec Celeste pour ce prestigieux label qui reste de toute façon dans
mon cœur. Je suis reconnaissant à mon ami Mauro Moroni qui me permet d’utiliser
la marque du label.
Sur ton bandcamp, on peut trouver beaucoup d’albums encore
après Celeste, St. Tropez et La Compagnia Digitale. Quelle a été ta vie
musicale pendant tout ce temps ?
D’Il Sistema en passant par
Celeste, St. Tropez, La Compagnia Digitale et la courte parenthèse infructueuse
avec SNC, je suis arrivé à mon premier projet solo en 1979. Depuis 1977 je
pensais faire un album totalement seul et
j’avais en tête qu’il devait être absolument électronique, c’est-à-dire
avec uniquement des synthétiseurs, du
Mellotron et les premières boîtes à rythmes. Solare, qui est sorti en
1980, a eu un bon succès auprès de la critique et du public, mais j’ai eu le
malheur d’être arrêté par la faillite du label qui, malgré qu’il avait investi
tant d’énergie et d’argent en moi, a été forcé de déposer le bilan. Je me suis
retrouvé alors avec un album tout juste sorti et des idées pour le prochain
mais dans l’incapacité de continuer. C’est pour cette raison que j’ai décidé de
faire une longue pause, d’améliorer mon studio d’enregistrement, d’étudier, de
louer le studio pour des productions externes, de créer ma propre maison
d’édition de musique et d’acheter de nouveaux synthétiseurs et claviers. La période
de coupure a duré plus de sept ans, quand un jour j’ai eu l’idée d’écrire un
nouveau thème qui a fini par servir de musique de fond lors d’un défilé de mode
à Barcelone en Espagne. Le succès fût tel, que je me suis mis à écrire des
compositions sur le même modèle. En moins d’un an, j’avais fini Far East,
que j’ai proposé à Phonogram qui a immédiatement décidé de me faire signer un
contrat avec un engagement pour trois autres albums. Far East, publié en
1990, a tout de suite attiré l’attention de la presse et d’un public de
connaisseurs intéressés par ce type de sons qui étaient fondamentalement
innovants mais au service de mélodies et d’arrangements sophistiqués. Après The
Inner Garden en 1992 et Moon in the Water en 1994, en 1997 j’ai
changé le label. Je suis passé chez Warner et j’ai sorti d’abord De Rerum
Natura puis la première version orchestrale de L’Isola 2001. Après
une autre pause de quelques années pour
réussir à publier L’Isola sur le marché anglais, je suis retourné en
Italie. J’ai publié une autre version de L’Isola pour un ensemble
piccolo sur un petit label qui avait été créé spécialement pour ce projet. J’ai
fait aussi des concerts dans lesquels je n’ai pas joué mais où j’ai dirigé les
musiciens, une expérience passionnante qui m’a beaucoup apporté mais qui n’a
pas duré en raison des désaccords qui ont surgi avec les patrons du label qui
ne respectaient pas l’esprit du projet. J’ai décidé alors de me consacrer à un
autre aspect de ma vision de la musique. Je voulais me sentir libre de collaborer
avec d’autres musiciens. Je voulais être le seul à décider et à jouer. Et donc
le projet de piano solo a pris forme et a abouti aux deux premiers albums de ce
qui a toujours été une trilogie dans mon esprit : Piccole ali nel vento
en 2011 et Back Home en 2016. Les compositions du troisième volet de la
trilogie sont presque terminées et je vais bientôt les enregistrer, mais depuis
2017 jusqu’à aujourd’hui, Celeste a occupé tout mon temps disponible de sorte
que je ne pouvais pas dédier à Tiny Hearts (ce sera le titre du
troisième chapitre pour piano) toute l’attention qu’il méritait.
Pourquoi as-tu faire revivre Celeste après toutes ces
années ?
Comme je l’ai dit, Celeste a toujours été dans mon cœur.
Mais ce sont les encouragement autour de moi qui m’ont convaincu de plus en
plus qu’il était nécessaire de relancer la suite de cette période magique.
Depuis que les réseaux sociaux existent, beaucoup de gens qui connaissaient
Celeste à l’époque de Principe di un Giorno ont commencé à m’écrire et à
me suivre et la question était toujours la même : "Quand y aura-t-il un
autre album du groupe ?". Il m’a fallu de nombreuses années pour
m’organiser mais, d’abord les refus constants des anciens membres du groupe
d’origine pour se reformer, et ensuite mes engagements dans la réalisation de
mes projets personnels, ont repoussé l’instant du retour. Mais tout arrive au
moment opportun et jamais avant.
A ce propos, comment çà s’est passé quand tu as voulu
réunir les autres membres du vieux Celeste pour un nouveau projet ?
Bien sûr, j’ai essayé à plusieurs
reprises de reformer Celeste en demandant à mes vieux compagnons d’aventure
musicale, mais je n’ai toujours eu en face de moi que du désintérêt. Aucun
d’entre eux n’était intéressé pour revenir dans un projet qu’ils considéraient
comme terminé et dépourvu d’un futur possible. Je les ai contactés avant Il
Risveglio del Principe mais les opinions divergeaient – sans parler de
l’absence même d’une vraie passion sincère et de l’enthousiasme qui sont
indispensables dans de tels projets - puisque l’idée était de faire un Celeste
complètement différent de Principe di un Giorno, avec des atmosphères
qui nous auraient fait nous éloigner du véritable esprit du groupe. Moi, j’y ai
toujours cru et je n’ai jamais cessé de penser que cela aurait pu être très
agréable de refaire quelque chose ensemble.
Es-tu d’accord avec moi quand si je te dis que, s’il y a
bien le nom de Celeste sur la couverture, la musique est aujourd’hui très
différente et probablement plus personnelle ?
Je dirais que je suis en partie
d’accord avec toi parce qu’il est clair qu’il y a quelque chose de moi dans ce
que j’ai écrit pour Celeste, d’autant plus que dans Principe di un Giorno, je n’ai pas été autorisé à écrire autre
chose que les paroles. J’ai eu des idées que les autres membres du groupe n’ont
pas trouvées intéressantes et qui ont ensuite trouvé place, quelques années
plus tard, dans mes projets solo ou, comme dans le cas de « Nora », n’ont reçu
leur digne reconnaissance qu’après près de cinquante ans ! Comme par exemple la
fin du morceau présent sur Il Principe del Regno Perduto qui s’intitule
"(Il) Ceruleo Sogno" ou comme celui avec le Mellotron à la fin, que
j’avais proposé pour Principe di un Giorno mais les autres préféraient
leurs idées. Il y a des compositions qui ont une vie plus compliquée mais qui
réussissent ensuite à se frayer un chemin et à sortir au grand jour ! Les
enseignements de Celeste, et aussi d’Il Sistema, sont constamment présents dans
tous mes projets solo (ce n’est pas moi qui le dit mais un journaliste, il y a
plusieurs années, en écoutant mes premiers albums Solare et L’isola).
J’invite chacun à écouter mes œuvres créées totalement seul et à trouver
l’empreinte de Celeste. Ce que j’ai fait avec le nouveau Celeste, c’est un travail
basé sur un grand respect de l’esprit des débuts du groupe. Je suis sûr que si
nous avions continué avec le même personnel que pour Principe di un Giorno,
la musique aurait gardé les mêmes caractéristiques. En fait, le leadership
musical, qui à la fin n’était plus entièrement entre les mains de Mariano
Schiavolini, aurait conduit Celeste vers d’autres horizons qui auraient été
moins marqués rock progressif mais bien plus « jazz ». Et aujourd’hui, nous
n’aurions peut-être pas deux nouveaux albums de Celeste aussi fidèles à la
direction musicale originelle.
Alors pour toi, quelles sont les connexions avec le premier
album de Celeste ?
Comme je viens de le dire, à mon
avis ce que je ressens (mais je compte aussi beaucoup sur les retours des amis,
des fans et des journalistes), c’est que l’esprit de Celeste est resté intact
durant toutes ces années et plane très clairement dans les deux derniers
albums, Il Risveglio del Principe et Il Principe del Regno Perduto.
En ce qui me concerne, je n’ai utilisé que des claviers typiques des seventies
afin de conserver les mêmes caractéristiques au niveau sonore. Pas de claviers
numériques de nouvelle génération. Et puis il y a mon Mellotron ! Les autres
musiciens qui forment maintenant la colonne vertébrale du groupe n’utilisent
que des instruments qui datent de cette époque. Le batteur a trouvé une paire
de cymbales charleston et une caisse claire qui datent des années soixante dix.
Le bassiste utilise une Fender Precision datant toujours de ces années là. La
musique a bien été écrite presque cinquante ans après Principe di un Giorno
mais, je le répète, si les membres du groupe d’origine étaient restés ensemble,
aujourd’hui nous en serions en train de regretté Principe di un Giorno.
Pourquoi les musiciens invités ne sont pas le mêmes que
pour Il Risveglio del Principe sorti il y a un an?
Les musiciens qui m’ont accompagné dans Il Risveglio del
Principe sont les mêmes qui sont présents dans Il Principe del Regno
Perduto. Ceux qui sont mis en avant dans ce nouveau projet sont indiqués
comme des invités. Dans le précédent, je les avais tous réunis, mais certains
n’ont jamais été considérés comme des membres officiels du groupe. Ici, je
voudrais mentionner ceux qui pour moi doivent être considérés comme
irremplaçables et je crois qu’ils m’accompagneront dans les prochains épisodes
de Celeste, à savoir : Enzo Cioffi à la batterie et aux percussions, Francesco
Bertone à la basse, Mauro Vero à la guitare, Marco Moro à la flûte, flûte à bec
et saxophone et Sergio Caputo au violon. Les autres sont invités et peuvent
être rappelés ou de nouveaux musiciens peuvent être ajoutés en fonction des
besoins ou des sons que je recherche.
J’ai l’impression que Il Principe del Regno Perduto
semble correspondre à la fin d’un cycle ? Je me trompe ?
Il Principe del Regno Perduto représente certainement la fin d’un cycle. Mais ce n’est,
disons, qu’une pause temporaire de l’histoire du Prince. Il se peut que dans
les projets futurs, il revienne nous rendre visite. Pour l’instant, Celeste
reste le même groupe avec les caractéristiques que tant d’amis et de fans
aiment. Il y a donc bien une fin au niveau du récit mais pas pour le groupe
lui-même. Je trouverai de nouvelles idées littéraires pour créer l’atmosphère
du prochain album.
Donc, tu as de nouveaux projets pour Celeste ?
Tout à fait oui. C’est une sorte
d’habitude, qui se renforce au fil des ans, quand je publie un nouveau projet,
j’ai déjà en tête comment je vais faire le prochain. Donc, cette fois-ci je
peux dire que je sais déjà ce que je veux
proposer au public de Celeste, qui grandit de plus en plus avec de
nouveaux fans, que ce soit au niveau du groupe que je vais constitué comme de
la forme. Le contenu sera toujours typique de Celeste. Je n’ai aucune intention de trahir l’esprit.
Ce que je peux prédire, c’est que la trilogie du Prince a mis fin à un cycle.
Le Prince fait une pause. Reviendra-t-il ? Peut-être. De nouveaux thèmes seront
abordés dans le prochain projet. Ce qui sera toujours là, ce sera le Mellotron
et tous les autres instruments qui ont toujours caractérisé le son du groupe.
Je suis déjà au travail et je suis très heureux de ce qui prend déjà forme en
terme d’atmosphère.
As-tu d’autres projets dans le futur en dehors de Celeste ?
Oui aussi, sur le front de mes
projets solo, diverses réalisations sont en cours. Ces dernières années, je me
suis beaucoup consacré à Celeste, laissant de côté des concerts au piano seul,
pour préparer le retour du groupe plus de quarante ans après Principe di un
Giorno. C’est pourquoi je n’ai pas sorti le troisième album de ma trilogie
de piano solo. Tous les morceaux sont prêts et je dois juste trouver le temps
et la concentration pour l’enregistrer. Et le bon endroit. J’adore le studio où
j’ai enregistré Piccole Ali nel Vento qui se trouve
dans le sud-est de la France en haut d‘une montagne baignée dans un silence
total et où il y a ce merveilleux piano Bechstein qui est ce qui se fait de
mieux en matière de piano à queue. Puis, j’ai dans la tête la suite de Solare,
mon tout premier album solo sorti en 1979, qui sera un album réalisé uniquement
avec des synthétiseurs pour recréer les atmosphères que beaucoup de gens ont
aimé avec Solare. Là aussi, je suis bien avancé dans l’écriture et je
vois exactement comment je veux le faire. J’ai encore un projet que je
réaliserai, toujours en musique électronique, en utilisant la fréquence à 432
Hz. C’’est plus complexe mais j’ai déjà avancé sur pas mal d’idées et j’ai
enregistré quelque chose. J’ai encore d’autres idées pour d’autres projets.
J’écris beaucoup !
Quelle musique aimes-tu et quelle musique t’inspire pour
composer ?
Je me dois d’être sincère. A part
quelques trucs par-ci par-là, je n’ai
rien écouté depuis des années pour éviter d’être influencé. Si je mets quelque
chose dans le lecteur du CD, c’est presque toujours du classique : Corelli,
Vivaldi, Bach, Beethoven, les grands compositeurs russes comme Mussorgskji,
Rimskij Korsakov et Prokofiev. Eric Satie
que j’aime. Ou encore le pianiste catalan très peu connu, contemporain
de Satie, Frederic Mompou.
Es-tu plus rock, pop, jazz ou classique ?
Aucun doute à ce sujet. J’ai
l’impression que je suis un bon mélange de rock et de classique. Mais je suis
toujours prêt à accepter et accueillir de nouveaux stimuli et de nouvelles
propositions musicales.
T’intéresses-tu à la musique progressive italienne ?
Là aussi, je veux être honnête. Je n’écoutais rien avant, encore moins
maintenant. Je ne connais pas la scène musicale italienne. Comme je l’ai dit,
c’est pour préserver mon inspiration, pour ne pas être influencé que je préfère
ne rien écouter. Je souhaite conserver une autonomie maximale dans le cas de
Celeste pour respecter la source d’inspiration.