Rencontre à l'occasion du festival au Veruno 2023 avec l'équipe de Julius Project (presque au complet) pour revenir sur l'aventure incroyable du premier album (Cut the Tongue) et pour évoquer aussi un nouvel album. Entretien avec (de gauche à droite ) : Marco Croci, Paolo Dolfini, Dario Guidotti, Filippo Dolfini, Giuseppe Chiriatti. Sauf indication contraire c'est Giuseppe Chiriatti (aka Julius Project) qui répond aux questions (la traduction a été assurée par Paolo Dolfini).
Un petit retour d'abord sur la chronique parue dans Le Petit Monde du Rock Progressif Italien lors de la parution de Cut the Tongue en août 2020. Ça t'amène quelles réflexions ?C'est toujours incroyable de relire ces mots trois ans après la sortie de Cut the Tongue. Je ressens même une certaine forme d'incrédulité et aussi beaucoup d'émotion. Tout cela est bien au-delà de ce que j'imaginais. Je me demande même comment cela a été possible. C'est comme un rêve qui est devenu réalité.
Avec tes deux filles au chant (Bianca et Martina), avec aussi Paolo Dolfini aux claviers et son fils Filippo à la batterie, finalement Julius Project, ce ne serait pas un peu une histoire de famille ?
C'est une histoire de famille mais aussi une histoire d'amitiés et maintenant avec les amis musiciens qui sont venus s'ajouter, c'est une grande famille. Et même si nous sommes loin physiquement et géographiquement, nous avons vraiment l'impression d'être tous reliés les uns et les autres. Donc oui, c'est une histoire de famille élargie !
Finalement, cet album, Cut the Tongue, il est peut-être plus abouti et plus réussi que s’il avait été réalisé il y a 45 ans comme prévu !
Absolument, c'est sûrement mieux qu'il y a 45 ans pour deux raisons principales. La première raison, c'est qu'à ce moment-là, l’album serait sorti vers 1981, donc beaucoup en retard par rapport à la période d'or du prog. Il y avait déjà les nouveaux courants musicaux comme la New Wave, donc il y aurait eu le risque que ce soit un disque vieux et dépassé. Ensuite, il y a 45 ans, je n'aurai pas eu la possibilité d'avoir les musiciens qui sont dans le disque et du point de vue technique je n'aurai pas eu les connaissances suffisantes.
Pourquoi avoir choisi le chant en anglais et pas en italien ?
A la fin des années 70, j'écoutais surtout de la musique chantée en anglais, J'aimais la tonalité du chant en anglais. De plus, j'ai toujours eu des difficultés à trouver les bons mots en italien pour écrire les paroles et pour coller aux mélodies et à la musique que j'avais en tête. Pour moi, c'était finalement plus facile et plus normale de transposer les émotions et les idées que je voulais exprimer en anglais. Bien sûr, les textes ont ensuite été relus par des personnes qui parlaient couramment la langue.
D’ailleurs, il n’y a pas beaucoup de tonalités propres au rock progressif italien dans cet album qui sonne très anglo-saxon. C’est quoi les influences de Giuseppe Chiriatti en fait ?
A l'époque, j'écoutais beaucoup les groupes anglais comme Genesis Yes, Van der Graaf Generator et même les groupes italiens que j'écoutais comme Banco del Mutuo Soccorso et surtout Premiata Forneria Marconi, se rapportaient beaucoup au rock progressif anglais. Donc l'empreinte venait de là. Mais je suis également sensible à la tradition italienne de la mélodie, surtout dans le chant. J'essaie donc de reprendre ces racines italiennes et la mélodie italienne dans le chant.
Paolo : en fait, c'est du prog inspiré par le prog anglais avec des racines profondes dans la mélodie italienne.
Il y a plein de morceaux géniaux sur cet album, tout est merveilleux en fait, mais si je te dis que pour moi « I see the sea » est au-dessus des autres comme si Rick Wakeman et Renaissance avaient fait ce morceau ensemble, impression qui se confirme avec « Glimmers » (pour Renaissance).
« I see the sea » est un morceau qui a été composé au piano d’emblée. Comme souvent, au départ c'est une idée qui a été enrichie ensuite. Alors la comparaison avec Rick Wakeman, je prends bien sûr, merci. Pour Renaissance, c'est pareil, c'est une influence qui est passée dans la composition. « Glimmers » a été un morceau plus difficile à composer, né dans un moment de grande souffrance émotionnelle.
Le casting des voix est incroyable sur cet album: tes filles et Richard Sinclair bien sûr mais Dario Guidotti sur « You need a prophet » et Marco Croci sur « Speed kings » sont des surprises énormes car à chaque fois c’est exactement la voix qu’il fallait.
Pour les choix que nous avons fait, c'est la manière de chanter qui a beaucoup compté. Pour « Speed kings » il fallait une voix rock et Marco pouvait chanter çà alors que pour « You need a prophet », il fallait une voix plus modulée.
Dario (en rigolant) : ma voix ressemble à celle de Jim Morrison !
A propos le morceau « Cut the tongue » a été composé avec l’idée de faire chanter Richard Sinclair ou bien c’est venu après ?
J'ai écrit ce morceau spécialement pour Richard Sinclair et avec l'idée que c'est lui qui chanterait ce morceau.
Le gros hard prog sur « Speed kings » c’est juste pour se défouler sur un morceau ou tu pourrais faire tout un album comme çà ?
J'ai toujours aimé le rock mais je ne sais pas si je serai à même de réaliser tout un album comme çà.
Paolo: en tant qu'arrangeur, je peux te dire que c'est un des morceaux où on a changé le moins. On n’a presque rien touché mais on a par contre bien sûr ajouté une section rythmique puissante jouée par Marco et Filippo.
J'ai encore réécouté l'album cinq ou six fois avant de venir à Veruno, tu as conscience qu’un disque comme çà qui serait sorti il y a 45 ans signé par un groupe anglais, on en parlerait encore aujourd’hui ?
C'est vraiment un très beau compliment, merci Louis.
Paolo: beaucoup de personnes, des amis mais pas seulement, nous ont dit qu'il fallait réécouter plusieurs fois l'album pour bien tout apprécier.
Une question pour Filippo : çà te fait quoi de jouer sur un album de vieux ?
(rires de toute l'équipe) Filippo : j'ai commencé à travailler sur le matériel en 2015. J'avais donc 24 ans. Et la chose qui m'a convaincu c'était justement que la musique ne sonnait pas vieille !
Nous arrivons maintenant au scoop de cet interview : il y a un deuxième album de Julius Project en préparation ?
Oui Louis, il y a bien un deuxième album en route avec onze morceaux.
C'était prévu de faire un deuxième album ou c'est l'intérêt pour Cut the Tongue qui a déclenché le numéro 2 ?
Ce n'était pas prévu mais l'appétit vient mangeant. J'ai eu envie de terminer l'histoire tout en essayant de faire encore mieux et de compléter le parcours de Boy.
Donc c'est encore un concept album ?
Tout à fait. C'est le concept du premier album qui se poursuit sur le deuxième album pour raconter la suite de l'histoire.
Cette fois, il n’y avait pas de compositions dans un tiroir de la maison?
Non, tout est nouveau. Enfin presque.
C'est à dire ? Qui a composé la musique et les paroles ? Est-ce un album plus collectif ?
Paolo: il y a quelques collaborations sur des parties instrumentales apportées à partir d'idées que nous avions développées Marco et moi entre 1980 et 1985. C'est à dire que ce sont des éléments qui ne viennent pas du prog des années 70. Au final, il faudra voir comment ça s’intègre dans l'ensemble.
L'autre point important, c'est que cet album, on l'a commencé ensemble dès le début alors que le premier, il était déjà prêt en fait. Pour Cut the tongue, c'était donc plus un travail au niveau des arrangements et pour trouver les musiciens.
Mais clairement, 80% de ce nouvel album c'est Giuseppe et pour ce qui concerne l'histoire, c'est intégralement Giuseppe. Donc, on ne peut pas considérer que c'est une œuvre collective.
Est-ce que l’on retrouve le style musical Julius Project (une pop rock progressive hyper mélodique avec ce côté opéra rock) ou il y a du nouveau ?
Ça va être un peu nouveau mais pas tant que çà. On est plutôt dans la continuité. La matrice reste la même en fait.
Qui joue et qui chante sur cet album ? C'est la même équipe de musiciens ou il y a des intervenants nouveaux ?
Oui c'est globalement les mêmes mais on ne va pas tout te dire (rires). Ce que l'on peut te dire, c'est qu'il y aura un nouveau musicien, un guitariste de 35 ans avec qui nous avions déjà eu des contacts à travers notre club italien des joueurs de Hammond dont nous (moi et Paolo) faisons partie et dont le batteur officiel est Filippo ! Ça nous a paru sympa de lui proposer de venir avec nous. En plus, c'est un super musicien qui était enthousiaste à l'idée de se joindre à nous. Il jouera sur deux ou trois morceaux.
Il y a des surprises ?
Oui. Ça reste secret mais ce que l'on peut te dire c'est qu'il s'agit d'un morceau qui vient du passé.
Dernière question : c'est la quoi la suite pour Julius Project ?
On espère que le nouvel album pourra sortir pour mai/juin de l'année prochaine. Bien sûr, on aimerait aussi jouer en concert. Nous en avons fait un en janvier à Lecce et l'espoir ce serait de faire un concert ailleurs.
Un dernier mot ?
Nous regrettons que Bianca n'ait pas pu venir pour que nous soyons au complet. Un grand merci à toi Louis pour cette interview qui est une vraie opportunité pour nous.
Veruno, 2 septembre 2023