Il y a d'abord eu Sithonia de 1989 à 2013, qui nous laissé cinq beaux albums, puis plus récemment Sintesi del viaggio di Es avec cette fois les seuls Valerio Roda, Marco Giovannini et Sauro Musi pour faire le lien entre ces deux formations de proche parenté (vous pouvez retrouver ici l'interview du groupe en 2019). Un premier essai prometteur en 2017 (Il sole alle spalle) délicat et plus folk-prog que prog-rock, et revoilà nos amis de retour pour nous proposer le fruit de quatre années de réflexions et de travail pour un résultat qui se révèle d'emblée remarquable.
Car Gli alberti di Stravopol est clairement un cran au-dessus de Il sole alle spalle qui était déjà très plaisant. Sintesi del viaggio di Es ne change pas fondamentalement son style, "Come le foglie (Parte 1)" avec ses réminiscences d'Impressioni di Settembre" et "Gli alberi di Stavropol", sont là pour en témoigner. Il y a pourtant de nettes différences qui se font sentir à commencer par une profondeur accrue dans les thèmes développés dans cet album que ce soit avec le poignant "Regina in lacrime" ou encore avec "Grazie per gli anni e per i giorni". Mais la grande surprise vient de la présence de passages, voire même de morceaux, plus appuyés et pour tout dire carrément rock. Ainsi "L'eta d'oro", joué entièrement à l'énergie, ne manque pas de surprendre de la part de ces musiciens que l'on pensait définitivement calés sur un mode soft. Décidément en pleine forme, le groupe atteint même une envergure symphonique jusque là inconnue avec "Adria", sublime instrumental sur lequel on écoute religieusement le violon de Barbara Rubin illuminant tout ce morceau qui se révèle trop court, laissant l'auditeur au bout de deux minutes avec un vrai sentiment de frustration. "Una nuova passeggiata" et "Come le foglie (Parte 2)" réunissent bien ces deux caractères désormais mis en avant par le groupe : une tonalité plus rock et un propos plus emphatique. "Una nuova passeggiata" est à cet égard très caractéristique du prog italien des années 90 qui en plus de puiser dans ses racines seventies reprenait également, à l'instar d'Arcansiel, d'Ezra Winston et de Sithonia bien sûr, des éléments de langage d'un néo prog alors omni-présent et incontournable.
Il est étonnant de constater que ces musiciens expérimentés semblent soudainement se libérer et oser des figures plus spontanées (en tout cas en apparence). Ce n'est d'ailleurs pas "Strade di fango" avec son riff d'intro gras bien hardos, qui courre sur tout le titre, ainsi que son tempo cadencé et lourd qui viendra contredire cette impression. Je ne sais pas si cette posture est la plus naturelle pour le groupe mais en tout cas l'effet blast est très réussi.
J'ai une grande affection pour la dernière partie du CD qui relève du rêve éveillé avec tout d’abord en hors d’œuvre le majestueux instrumental "Grazie per gli anni e per i giorni" duquel émerge une mélodie onirique, jouée d'abord à la guitare acoustique avant qu'n riff de guitare électrique vienne prendre le relais. Le tout est emballé dans un délicat habillage pysché-folk présentant une certaine originalité avec l'apparition soudaine d'un accordéon diatonique qui donne une touche traditionnelle en plus. A suivre, "Il viaggio di Es" constitue le plat de résistance et prend la forme d'une longue suite de quatorze minutes qui a tout du morceau ultime pour le groupe. C'est en tout cas celui dans lequel il concentre le meilleur de son savoir-faire, sûr de son fait, au point de se lancer dans des digressions inattendues dont quelques cavalcades effrénées et autres emballements soudains qui en font une pièce de pur rock progressif, et je peux vous affirmer que c'est du tout bon. Guitare électrique et flûte se partagent les longs chorus, chaque instrument venant prendre le relais de l'autre dans une sorte de ballet harmonieux réglé au millimètre.
Vous l'aurez compris, sur cet album chacun donne le meilleur lui-même : Marco Giovannini et sa voix si attachante mais aussi si rassurante, Sauro Musi qui sort de sa réserve pour arracher quelques riffs et chorus bien sentis de sa Gibson SG Standard, Valerio Roda qui semble bien s'amuser en distillant ses lignes de basse ronflantes et bien sûr Eleonora Montenegro omniprésente à la flute traversière pour notre plus grand bonheur.
A l'écoute de Gli alberti di Stravopol, il apparaît que Sintesi del viaggio di Es fait désormais partie des toutes meilleures formations de
prog italien actuels, capable de proposer une musique à la fois personnelle, inspirée et raffinée. Avec cet album, je vous promets cinquante trois minutes de félicité et de légèreté. Il n'en faut pas plus pour apporter un peu de bonheur en ces temps troublés.
Le groupe : Marco Giovannini (chant), Sauro Musi (guitares), Valerio Roda (basse, pédale-basse), Maurizio Pezzoli (claviers), Eleonora Montenegro (flute), Nicola Alberghini (batterie)
+ Barbara Rubin (violon sur 5) et Maria Grazia Ponziani (accordéon diatonique sur 9)
La tracklist :
1. Come le foglie (Parte 1)
2. Gli alberi di Stavropol
3. Regina in lacrime
4. L'eta d'oro
5. Adria
6. Una nuova passeggiata
7. Come le foglie (Parte 2)
8. Strade di fango
9. Grazie per gli anni e per i giorni
10. Il viaggio di Es
Label : Locanda del Vento, distribution : Lizard records
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
si vous n arrivez pas à poster votre commentaire, contactez-moi directement. En tout cas merci à vous pour l intérêt que vous portez à ce blog.