Malombra c'est bien sûr la perle noire du cinéma italien tournée durant la seconde guerre mondiale, un mélodrame psychanalytique, gothique avant le gothique, avec une touche de surnaturel projetant vers le fantastique. Mais Malombra, pour ce qui nous concerne, c'est un groupe italien qui fait partie intégrante du paysage du dark et doom prog génois. La formation qui existe depuis maintenant trente ans a pour leader et chanteur, l’énigmatique Mercy (Renato Carpaneto pour les amis) qui officie aussi dans l'insaisissable formation IANVA. Mercy a aussi fait partie d'Il Segno del Comando jusqu'en 2002, groupe qu'il a co-fondé avec Diego Banchero. Le même Diego a tenu un temps la basse dans le Malombra nouvelle formule de 2001 (album The Dissolution Age). Vous suivez toujours ? C'est pas fini ! Si vous consultez la discographie de Malombra, vous constaterez qu'il y a un trou de quinze années entre les deux premiers albums (Malombra en 1994, Our Lady Of The Bones en 1996) et The Dissolution Age en 2001.
L'histoire (car il y a toujours des histoires avec moi, vous le savez bien), c'est que le groupe d'origine a splitté peu après la sortie de Our Lady Of The Bones alors même qu'un troisième album était déjà en chantier. Les compos étaient écrites et la pré production avait été réalisé. Sur l'impulsion de Black Widow, Mercy et Matteo Ricci, deux des cinq membres du groupe d'origine, sont retournés en studio l'année dernière, pour finir le travail et quel travail ! Imaginez que ces deux musiciens se gavent depuis toujours au heavy gothique des pères fondateurs italiens, Jacula, Antonius Rex et Devil Doll (et pas que, car Hawkwind est également une réelle source d'inspiration). Vous pouvez déjà deviner ce que çà donne au niveau musical. Ces nochers des enfers ne sont jamais aussi à l'aise que dans le dark blow et le hard scrofuleux. Et il faut reconnaître que pour cette renaissance inattendue, ils se surpassent.
L'écoute de cet album c'est un peu comme se faire les montagnes russes à la foire du Trône assis dans une nacelle à laquelle on s'accroche comme on peut. "Baccanalia" tangue dans tous les sens avant de se décomposer lentement. "Astarta Syriaca" vous entraîne dans un gouffre doom qui sent le souffre à plein nez avec des chapelets de tritons en arrière plan sonore. Pendant ce temps, "Fantasmagoia 1914" vous écrase de toute sa pesanteur malgré un pont central qui prend un peu de hauteur grâce à sa mélodie ascendante lumineuse à connotation médiévale (Ré/Sol/La/Ré/Do/Si). Bien sûr "Allucinazione ipnagogica" frise la folie psychédélique avec une tonalité particulière protée une progression d'accords en 7ème augmentée sus4. Mais le grand rendez-vous, ce sont les dix sept minutes et quelques du monstrueux "Cerchio Gaia 666" entre rock orgiaque, représenté par des riffs de guitare délirants, et messe noire illustrée par les appogiatures maladives d'un orgue démoniaque. "Cerchio Gaia 666" est un hard gothique poussé à son paroxysme qui n'accorde aucun répit à l'auditeur, car même la partie centrale en apparence plus calme (9'55 à 12'23) n'est en fait qu'un marais sonore glauque déprimant à l’extrême avec un Mercy dont le récitatif se révèle plus menaçant que murmurant. La rémission (je n'ose même pas écrire l'espoir) semble venir de l'éponyme "Malombra", longue complainte désabusée sur laquelle la voix de Mercy prend des accents à la Fabrizio De Andre. On entend même un piano, pour le moins frivole au regard de l'ambiance générale, qui courre pendant quelques secondes sur son erre. Mais non, décidément cette élégie termine mal et finit en un monstrueux tourbillon pagan. Heureusement, il y a "La sola immanenza". Ah que cet instrumental de trois minutes porte bien son nom (d'ailleurs, sur cet album, tous les titres des morceaux sont parfaitement choisis). Mercy y est un récitant solennel aux paroles salvatrices, un prêcheur qui augure de la lumière après l'apocalypse.
Au delà du fait de se rappeler au bon souvenir de l'école italienne du dark prog, qui a fait depuis beaucoup d'émules (à commencer par La Janara, Una Stagione all'inferno et bien sûr Mater a Clivis Imperat), avec T.R.E.S. les membres survivants de Malombra nous délivrent un testament posthume qu'il aurait été franchement dommage de ne jamais connaître. C'est chose faite aujourd'hui !
Une fois encore Black Widow a mis le paquet car outre la version CD, vous avez le choix entre le double LP vinyle avec un livret de 32 pages ou un coffret édition spéciale avec le double LP vinyle coloré marbre, un livret de 36 pages et plein de trucs en plus (stickers, lien mp3 pour écouter 4 titres live de 1995)
Le groupe : Mercy (chant, Fairlight), Matteo Ricci (guitares, basse, Mellotron, Vocoder), Fabio Cuomo (batterie, claviers), Giulio Gaietto (batterie, Odissey sur "Allucinazione ipnagogica")
La tracklist :
- Astarta Syriaca
- Baccanalia
- Malombra
- Allucinazione ipnagogica
- Cerchio Gaia 666
- Fantasmagoia 1914
- La sola immanenza
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