Nous voilà à nouveau irrésistiblement attirés dans l'univers si particulier d'Officina F.Lli Seravalle qui s'affirme de plus en plus comme le trou noir sonique dont on ne ressort pas. Blecs succède à Tajs! (2019) qui lui-même suivait un premier album, sorti en 2018, dont je ne me suis pas encore remis du nom (Us frais cros fris fics secs). Plus le temps passe, plus ce groupe si atypique prend ses distances avec le commun et l'ordinaire, avec l'attendu et le prévisible, pour tenter de créer des brèches permettant de relier le spirituel au temporel afin que chacun puisse ainsi s'élever au-dessus de la matière. Dans la hiérarchie céleste, les frères Seravalle pourraient être considérés comme les Dominations, ces anges qui étaient les intermédiaires entre la puissance divine et le genre humain. Ils sont, en quelque sorte, des passeurs destinataires de messages subliminaux transmis sous forme de flash et d 'énergie brute, qu'ils retranscrivent ensuite en les transformant en une matière sonore qui tient autant de la création expérimentale que du bouillon psychédélique. L'auditeur se trouve ainsi confronter à un magma de sons et de notes sans orientations préalablement définies mais qui, comme par magie, prennent à chaque fois une forme nouvelle pour atteindre une stabilité relative. L'afflux d'énergie créé le désordre, du désordre naît une réaction entropique. Blecs est fait d'une musique a priori hétérogène donc, qui semble se perdre dans l'infini, chaque vision d'Alessandro et de Gian Pietro Seravalle donnant naissance à un jet impulsif qui devient sonorité primaire relevant parfois de la simple expérimentation et au mieux du voyage musical. Dans tous les cas, il s'agit d'un court passage, d'une expérience assumée comme étant (devant être) éphémère. Cette musique qui doit agir comme un révélateur (un détonateur selon les frères Seravalle) s'adresse autant au corps qu'à l'esprit en se voulant stimuli. Nous y voilà ! Blecs est une musique officinale aux propriétés thérapeutiques, un remède contre les dérives épuisantes de la vie quotidienne. Il ne s'agit pas de réfléchir ou de se poser des questions qui n’auraient de toute façon pas de réponse. Vous devez écouter Blecs en fermant les yeux, en faisant le vide. Ainsi votre esprit s'ouvrira et vous pourrez accéder à un monde de sensations et d'influx qui vous rapprocheront d'autant du chaos originel.
Après cette longue présentation métaphysique, vous comprendrez que tenter de vous en dire plus sur ce que vous allez entendre, pendant l'heure que dure Blecs, est évidemment une gageure. Pour vous éclairer, disons qu'il y a de l'ambient, du minimaliste, de l'avant-garde, du jazz électro, de l'électro tout court, du planant psychédélique et quelques discrets effets shoegaze. Au milieu de tout cela, il y a une piste qui sort clairement du lot, "Angelus novus", entre ombre et lumière, avec des vocaux hallucinés d'Alessandro Seravalle.
Si vous trouvez que la musique progressive, et ses émanations satellitaires, tournent en rond depuis trop longtemps, qu'elles ne vous apportent plus rien de vraiment nouveau, que la prise de risque est à chaque fois minimale, alors cet album de musique prospective devrait vous intéresser. Si vous voulez éprouver des sensations nouvelles, être bousculés dans vos certitudes et si vous acceptez de vous éloigner du conventionnel, alors cet album a des chances de vous servir de "blec" qui est le terme utilisé en vieux frioulan pour évoquer une sorte de patch aux vertus curatives. Voilà, vous savez tout maintenant .
Pour mieux les connaître et en savoir plus sur leur tournure d'esprit, je vous propose de retrouver Alessandro et Gian Pietro Seravalle dans une interview récente qui suit la chronique de Qohelet un autre projet étonnant d'Alessandro Seravalle.
La tracklist :
- Imprevisto cristallo
- Shady business
- Digital panoptikon
- Luce scettica
- Doppelgänger
- Posto di blocco
- Of rain, elder, crickets and breaths
- Due di notte
- Angelus novus
- Exp 221
- S=K LOGW (Morte Termica, Suadade)
Alessandro Seravalle (guitares, claviers, chant) et Gian Pietro Seravalle (claviers) sont accompagnés de quelques rares musiciens invités : Simone D'Eusanio (violon sur 2), Andrea Massaria (guitare et Fx pedalboard sur 7 et 11), Alessandra Rodaro (cor français sur 4), Paolo Volpato (guitare lead sur 6).
Label : Lizard Records
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