vendredi 25 juin 2021

Ske : Insolubilia

Revoilà Ske dix ans après 1000 Autunni. Ske, c'est en fait le projet solo de PAola Botta (également leader du groupe Not A Good Sign) qui est grand par la taille mais aussi par son talent. Il le prouve encore une fois avec ce deuxième album, cette fois autoproduit (le premier était sorti chez Fading Records). 
Son écoute confirme un style d'écriture très particulier et très personnel qui garde encore une part de son inspiration ancrée dans le prog scandinave. Il en va ainsi du premier titre "Sudo". Cela veut aussi dire que la musique présente parfois un côté austère ("Lo stagno del proverbio") mais n'en est pas moins prenante voire hypnotisante (cf. la piste suivante "Insolubilia I"). Mais avec Insolubilia il est clair que PAolo Botta élargit son spectre stylistique et s'ouvre à des compositions que je trouve pour ma part à la fois beaucoup plus élaborées et passionnantes. De fait, il n'y a quasiment que des merveilles sur cet album, à commencer par le lumineux et transcendant "Insolubilia II" (magnifiques vocalises d'Evangelia Kozoni)  aux doux effluves médiévaux, ou encore le très fouillé "Insolubilia V" avec, entre les deux, le langoureux "Akumu" qui vous rappellera quelque vieille bande son de giallo italien des années soixante dix. Plus loin , la bombe "La Nona Onda"  démontre que PAolo est capable de monter le niveau quand il veut. A l'opposé, "Insolubilia IV" plonge l'auditeur dans une forme de félicité dont le lointain côté enfantin rassure. Pourtant, une fois encore, la construction de ce titre et l'organisation des instruments intervenants sur la partition sont particulièrement précises, ne laissant rien au hasard, pour un rendu qui s'affirme par son évidence (ce qui peut paraître au final simple n'en est pas moins parfois le résultat d'une élaboration très travaillée, c'est le cas ici !). L'autre particularité de la musique proposée sur cet album est sa dimension symphonique qui s'affirme de plus en en plus au fur et à mesure de l'avancée des pistes, du très court mais brillant "Scogli 4" jusqu'au magnifique "Insolubilia III" qui, outre le fait qu'il est le véritable point d'orgue de cette œuvre, est aussi une vraie pièce de prog italien. La boucle est ainsi bouclée !
Il y a des musiques intelligentes mais savantes dont le côté hermétique lasse et puis il y a la musique intelligente qui vous parle car écrite avec de vrais sentiments comme motivation première. C'est évidemment le cas  avec cet album. 1000 Autunni était déjà un disque de haut vol mais je n’hésite pas à affirmer qu'Insolubilia est une véritable master piece. Cela valait le coup d'attendre dix ans pour que PAolo nous gratifie de cet opus qu'une place de choix attend dans mon top de l'année 2021.

Voci le lien pour aller sur le bandcamp de PAolo et réserver votre exemplaire CD. Merci pour lui : 

bandcamp PAolo Botta

La tracklist :

 1. Sudo
2. Insolubilia I
3. Tor Cia
4. Insolubilia II
5. Lo Stagno del Proverbio
6. Akumu
7. La Nona Onda
8. Scogli 4
9. Insolubilia V
10. Insolubilia IV
11. Insolubilia III

NB : projet solo ne veut pas dire que PAolo a tout fait tout seul, qu'on en juge par le nombre et la qualité des participants. Il n'y a que de très bons musiciens ici :

Fabio Pignatelli (Goblin), basse (9)
Luca Calabrese (Isildurs Bane), trompette de poche (1,5,9,10)
Lars Fredrik Frøislie (Wobbler), clavecin (6,8)
Keith Macksoud (Present), basse (11)
Tommaso Leddi (Stormy Six), mandoline (1,11)
Nicolas Nikolopoulos (Ciccada), flûte (1,4,6,9)
Evangelia Kozoni (Ciccada), chant (4)
Vitaly Appow (Rational Diet, Five Storey Ensamble), basson (2,7,10)
Simen Ådnøy Ellingsen (Shamblemaths), saxophone (7)
Alessandro Cassani (Not a Good Sign), basse (1,5,7)
Martino Malacrida (Not a Good Sign), batterie (1,2,4,6,7,9,11)
Francesco Zago (Yugen), guitares (1,2,4,6,7,9,11)
Maurizio Fasoli (Yugen), piano (2,4,5,11)
Valerio Cipollone (Yugen), clarinette (2,4,6,8,9,11)
Elia Leon Mariani (Yugen), violon (2,4,9,10,11)
Jacopo Costa (Loomings, Yugen), vibraphone, marimba, xylophone, glockenspiel, cymbales
(1,2,4,5,6,7,9,10,11)
Maria Denami (Loomings), chant (1,6,11)
Massimo Giuntoli (Hobo), harmonium (1,9)
Pierre Wawrzyniak (Camembert, Oiapok), basse (2,4,6)
Mélanie Gerber (Camembert, Oiapok), chant (10)
Guillaume Gravelin (Camembert, Oiapok), harpe (2,4,6,11)
Pietro Bertoni (FEM), trombone, tuba (1,9,11)
Thea Ellingsen Grant (Juno), chant (5,6,11)
Tiziana Azzone (Il Giardino delle Muse), theorbe (4)


vendredi 18 juin 2021

Fufluns : Refusés

Fufluns est un groupe que l'on peut voir comme un side project. En effet, ses membres principaux font chacun partie d'une ou plusieurs autres formations du prog italien contemporain : Prowlers pour le batteur Marco Freddi, Il Bacio della Medusa pour le chanteur Simone Cecchini, Prowlers et Daal pour le clavier Alfio Costa (également auteur d'albums en solo), Daal encore, Mr Punch et (avant) The Watch et Taproban pour le bassiste Guglielmo Mariotti (qui est aussi présent sur plusieurs morceaux de l'album de La Bocca della Verita). Le guitariste, Simone Coloretti, du groupe Egoband, les a également rejoint récemment. Avec son premier album, Spaventapasseri sorti en 2016, Fufluns avait intrigué en réussissant à trouver une place à égale distance de deux des groupes de ses membres, Il Bacio della Medusa d'un côté et Prowlers de l’autre. C'était à la fois amusant et en même temps plutôt bien joué. J'avais beaucoup aimé cet album que j’avais trouvé bien fait et rafraichissant. Cinq ans plus tard, Fufluns revient avec Refusés. Au passage, merci les gars, pour le titre en français même si ce n'est pas le mot le plus positif qui soit dans notre langue. Le titre de l'album, les photos de la jaquette et son contenu font référence à des statues réalisées par l'artiste Beppe Corna qui a créé dix sept sculptures représentant autant de personnages exclus de la société pour diverses raisons, des "refusés". Fufluns en a repris neuf archétypes pour composer neuf chansons. Son contenu ne diffère pas fondamentalement de son prédécesseur, sauf à considérer que les ambiances sont globalement plus graves ("Martirio d’un Falegname") avec régulièrement des atmosphères dépressives émanant des claviers d'Alfio Costa, dont un Mellotron qui joue parfaitement son rôle cafardeux ("Canto dei Bambini Senza Voce"). Plusieurs titres révèlent  également un côté plus tranchant et flirtent avec un  hard qui rappelle Il Bacio della Medusa comme sur le rugueux et heurté "Sierra Leone". Simone Cecchini en profite pour pousser ses cordes vocales comme il sait si bien le faire avec la Méduse. Ceci étant chaque morceau reste remarquablement modulé évitant une approche trop linéaire. Pour ce qui concerne l'alternance de passages puissants et de séquences apaisées, "Desaparecido Italiano" est un modèle du genre. Le groupe sait même se faire enjôleur, à sa manière bien sûr, comme sur "Canzone per Iris" qui tiendrait presque de la ballade folk ou encore sur la très belle chanson pop "Rosa del Deserto" traversée par un très beau et très long solo de Simone Coloretti. Au final, la musique de cet album révèle beaucoup de profondeur et une forme de désespérance qui fait osciller l'auditeur en permanence entre un ressenti de malaise latent généré par les passages les plus sombres et une forme de beauté primale émanant de lignes de chant parfois désarmantes de naïveté, les morceaux "Il tuffatore della stari most", "Telefonata a Putin" et le magnifique "Blu oltremare" synthétisant parfaitement ces deux sentiments ambivalents. L'album termine par "Canto dei Bambini Senza Voce", un très bel épique prog, qui va chercher son inspiration à la source du prog italien, tant il rappelle les grandes heures de Balleto di Bronzo, Biglietto per l'inferno et surtout Metamorfosi. J'ajoute que chacun des musiciens donne ici le meilleur de lui-même tout en ayant le souci de se fondre dans le collectif sans aucune velléité de se mettre en avant. Bravo pour çà ausi messieurs.

C'est ainsi que Refusés prend pour moi l'avantage sur son prédécesseur Spaventapasseri en proposant un contenu plus dense et plus riche en émotions, en un mot plus marquant.

Pour ceux qui se demandent ce que bien vouloir signifier le nom du groupe, voici la réponse : fufluns est le nom en étrusque de la divinité des plaisirs. C'est donc en quelque sorte l'ancêtre du dieu du romain Baccchus et du dieu grec Dyonisos.

La tracklist pour le  CD :
1. Sierra Leone
2. Martirio d’un Falegname
3. Canzone per Iris
4. Desaparecido Italiano
5. Il Tuffatore dello Stari Most
6. Rosa del Deserto
7. Blu Oltremare
8. Telefonata a Putin
9. Canto dei Bambini Senza Voce


La tracklist pour le vinyle (bleu) :
Face A
1. Sierra Leone
2. Martirio d’un Falegname
3. Canzone per Iris
4. Rosa del Deserto
Face B
5. Desaparecido Italiano
6. Blu Oltremare
7. Canto dei Bambini Senza Voce

Label : Ma.Ra.Cash. Records



dimanche 6 juin 2021

Ballard : Too Soon

Il n'est pas fréquent que mes oreilles se dressent sur de la guitare instrumentale sonnant métal. Depuis trop longtemps, le long défilé des shredders me fatiguent. Il y avait eu une première vague post Malmsteen/Vai/Satriani/Gilbert puis çà s'était calmé. Depuis çà revient par périodes comme les boutons d’acné sur le visage, avec des hordes de branleurs de manche qui épatent les gogos en se contentant de descendre et de remonter des gammes qui pour être phrygienne ou mixolydienne n'en sont pas moins stériles au niveau créativité artistique. Je ne vous parle même pas des vidéos, qui pullulent sur YT et FB, d''illustres inconnus, qui se prennent pour Eddie Van Halen ou Richie Kozen. Le must étant la version pin-up avec la paire de seins bien mise en valeur. En résumé, rares sont les vrais virtuoses qui allient technicité et feeling.

Alors si je vous parle aujourd'hui de Paolo Ballardini aka Ballard c'est justement, et vous vous en doutiez, parce que ce guitariste italien est fait d'un bois différent. D'abord Paolo est un musicien confirmé qui joue avec des gens que je connais et que j'aime bien. Il est ainsi le fidèle guitariste attitré d'Alan Simon, notamment pour son épopée Excalibur. Il est aussi associé avec Luca Scherani que nous connaissons bien dans le petit monde du prog italien (La Coscienza di Zeno, Höstsonaten, Trama, Periplo). Voilà pour les présentations.

Paolo Ballardini vient de publier deux titres en avant-première d'un album solo qui doit sortir en fin d'année. Et ces deux morceaux sont vraiment excellents. Ce qui fait la différence avec Ballard tient en quelques points essentiels pour moi : une composition de base qui tient la route, une vraie musicalité, des variations d'ambiances pleines de finesses et une sensation d'écouter quelque chose de réellement aéré. C'est vrai sur "Changes" qui serait presque l'antithèse du shred, tellement Paolo prend le temps de sortir ses notes sans aucune volonté d'en mettre plein la vue. C'est encore plus vrai sur "Too Soon" qui a également pour intérêt de proposer une intervention de Derek Sherinian qui colle parfaitement à l'ensemble, sans en faire trop. 

Donc, voilà, en clair, j'aime bien, j'aime beaucoup même. Paolo annonce la sortie de son album, dont le titre n'est pas encore définitif, pour décembre, avec d'autres invités prestigieux. Nous allons donc attendre tranquillement en écoutant en boucle "Too Soon" et "Changes", ce dernier ayant pour l’instant ma préférence.

Je vous mets plusieurs liens utiles :

"Changes"

"Too Soon"

Le site de Paolo Ballardini

La chaîne YT Ballard music

 


vendredi 4 juin 2021

Syndone : Kama Sutra

Sortie du nouveau Syndone au nom évocateur (Kāma Sūtra) le 19 juin 2021. Le groupe a été signé par le label Manticore Records qui évoque plein de bons souvenirs pour les progueux italiens : Emerson Lake & Palmer bien sûr, mais aussi Premiata Forneria Marconi et Banco del Mutuo Soccorso. Pourquoi avoir appelé cet album Kāma Sūtra ? Voici quelques précisions de Riccardo Ruggieri : " Le Kāma Sūtra constitue pour les Hindous un compendium sur l’art d’aimer et d'obtenir le plaisir sexuel, en restant en cohérence avec les anciennes croyances rurales et pastorales de leur culture religieuse. Cette culture considère encore l’amour dans toutes ses manifestations les plus naturelles, de la poésie au chant, à la danse, à la peinture, à la sculpture permettant de renforcer le côté divin du processus de procréation et l’adoration du principe de la vie, également à travers le plaisir érotique. Kāma Sūtra est ici utilisé uniquement comme un mot dont le son lors de sa prononciation émerveille les gens qui l'entendent. Pour Syndone, cela devient un prétexte pour évoquer aussi bien l’amour entre deux personnes, la réalité des prostituées d’aujourd’hui, la provocation. les images, les symboles, les jeux de rôle et les personnes. Parmi tout cela, une histoire vraie, celle de Perlasca, une héroïne qui a combattu le nazisme, et beaucoup d’autres histoires communes, parmi lesquelles, peut-être, les nôtres, avec des personnages inventés, des divinités, des symboles érotiques et beaucoup, beaucoup d’amour".

La dernière fois que j'ai entendu ce groupe en live, c'était en 2019 au Festival Prog Sud, cher à mon coeur. Les italiens avaient alors présentés Mysoginia, leur tout récent album dont le concept était totalement axé sur les femmes, sur La Femme.Cette fois avec Kāma Sūtra la formation bolognaise s’encanaille nettement. Le long teaser de neuf minutes permet de reconnaître le style désormais facilement identifiable de Syndone mais aussi de se faire une idée précise de ce que va donner cet album qui semble bien né. L'écoute exhaustive des onze titres dont deux instrumentaux (tous les deux superbes) le confirme. L'opener "It's only make believin'" est une bombe qui donne le ton d'un album qui va être puissant, intense, lyrique. Tout cela n'est absolument pas dû au hasard mais bien à une qualité d'écriture remarquable. Les compositions ont une richesse harmonique et une recherche dans les arrangements, notamment symphoniques, que l'on retrouve dans des œuvres du classique par exemple. Mais pas de panique, c'est bien du rock progressif  auquel j’ajouterais le qualificatif baroque dans le sens le plus noble du terme. Avec Syndone, on est toujours surpris tant le spectre musical proposé est large au risque d'ailleurs parfois de perdre l'auditeur en attente d'une ligne stylistique plus lisible. Pour ma part, je me régale de cette diversité qui de toute façon a pour points communs : une pertinence dans le propos, un intérêt constant en terme de compositions soignées et enfin une qualité sans faille. Quand j'écoute Syndone, je pense souvent à Queen et je me dis que ce groupe italien est la version prog aboutie du Queen baroque et symphonique qui a trop tôt délaissé et abandonné cette voie royale qu'il avait pourtant lui-même ouvert de magnifique manière. Nik Comoglio et Gigi Rivetti n'ont jamais aussi bien composé et joué. Riccardo Ruggieri n'a jamais aussi bien chanté. Marta Caldera n'a jamais été aussi fine dans ses interventions. Et enfin le groupe a dégoté un bassiste high level en la personne de Simone Rubinato. Depuis que Nik Comoglio a relancé Syndone en 2010, son groupe ne nous a proposé que de très bons albums pour un parcours qui ressemble beaucoup à un sans faute (même si j'ai un faible à titre personnel pour Odysséas). Kāma Sūtra s'inscrit dans la continuité et pourrait même bien être le meilleur opus de  Syndone à ce jour. Explications : après avoir réécouté toute la disco du groupe, il me parait évident que cet album monte le niveau d'un cran en réussissant l'exploit de présenter des compositions à la fois encore plus fouillées que d'habitude, avec un soin tout particulier apporté aux orchestrations, tout en restant très accessibles, générant ainsi une forme d'évidence à l’écoute qui se matérialise par quelques belles fulgurances et une fluidité permanente à laquelle le groupe ne nous avait pas toujours habitué. La marque des grands en quelque sorte ! 

Il n'y a plus qu'à attendre la publication officielle dans quelques jours et réserver son exemplaire, vous avez le choix entre le vinyle édition couleur (300 exemplaires) et le CD édition Digipack golden (500 exemplaires).

La tracklist

1. It's only make believin'
2. Nirvana
3. Carousel (instrumental)
4. Into the Kama
5. Bitches
6. You still shine
7. Sex toys r us
8. 2 thousand 10 (instrumental)
9. Sacred & Profane
10. We are the world we created
11. Peace on Earth

Le groupe : Nik Comoglio (claviers, Hammond, Moog, orchestration, chœurs), Riccardo Ruggeri (chant lead, chœurs), Gigi Rivetti (claviers, Hammond , piano, clavinet), Marta Caldara (vibraphone, timbales), Simone Rubinato (basse), Eddy Franco (batterie, percussions)

Invités :  David Jackson (flute et double sax solo sur 7), Annie Barbazza (duo vocal sur 4) 

L'orchestre symphonique de Budapest est ici dirigé par une vieille connaissance, Francesco Zago. 

Label : Manticore Records 

Distribution : MaRaCash