dimanche 28 février 2021

Celeste : il principe del regno perduto

 

Celeste, dans le petit monde du Rock Progressif Italien, ce nom a une résonance toute particulière. Pour comprendre, il faut remonter en 1976 et écouter ou réécouter cet album mythique qu'est Principe di un Giorno. Même si en 1976, la messe était dite pour le prog italien (et pour le prog en général), il n'empêche que ce disque est considéré à juste titre comme une pièce maîtresse du prog italien. Je n'écris pas "rock progressif italien" car la musique de Celeste, c'est tout sauf du rock ! De la pop, du classique, du folk, oui, du rock, non. C'est d'ailleurs ce qui en fait la particularité et le charme. C'est fin, délicat et classieux comme du Errata Corrige mais en plus élaboré. Si vous voulez une illustration sonore au mot enchantement, écoutez Principe di un Giorno. L'année suivante (en 1977 donc), la formation s'est sabordér pour cause de divergence d'opinions quant au devenir du groupe. Son deuxième album mort-né ne sortira qu'en 1991 en CD chez Mellow Records, le label prog fondé par Mauro Moroni et Ciro Perrino, ancien membre de Celeste justement. C'est le même Ciro Perrino qui, quarante ans plus tard, a décidé de ressusciter Celeste. Grand bien lui en a pris. Car de nouvelles merveilles nous attendaient. D'abord avec Il Risveglio di Principe en 2019, très bien accueilli puis avec ce il principe del regno perduto qui semble clore un cycle dont les premières notes se perdent dans la nuit des temps prog. Juger cet album en se référant uniquement à son lointain ancêtre ne me semble pas être une bonne idée. Certes, Ciro Perrino revendique de faire revivre Celeste en conservant l'esprit originel du groupe, ce qui passe notamment par l'utilisation exclusive d'instruments de l'époque, mellotron compris. Mais en même temps, il est aujourd'hui le seul rescapé de cette très courte aventure et, entre temps, il a travaillé sur beaucoup d'autres projets musicaux sans même parler du fait qu'il n'était pas impliqué dans le processus de compositions sur Principe di un Giorno. Alors, oui on entend du mellotron (comme sur plein d'albums et pas que de prog) et quelques courts passages peuvent faire penser au premier disque, mais il principe del regno perduto, comme son prédécesseur, sont des créations à part entière qui s'analysent pour elles-mêmes. Ce que je vais faire illico !

Ce qui ressort tout au long de ces soixante trois minutes, c'est ce travail de composition qui ne laisse rien au hasard. Ciro Perrino sait écrire de la belle musique et çà s'entend. L'approche classique ne fait aucun doute avec une dimension symphonique ou de sinfonietta pour être plus exact, compte tenu du nombre limité d'instruments utilisés. Il n'empêche ! Quelle beauté et quelle majesté se dégagent de chacune de ces pièces. Je n'ai pas envie de faire des comparaisons oiseuses, car à ce niveau là ce serait faire injure à Ciro. Ce qui est sûr c'est que l'album est une succession de grands moments, à commencer par l'entame de "Baie Distanti" illuminée par la mélodie en apesanteur portée quasiment a cappela par Anna Marra.Vous constaterez que le développement du morceau, très différent de son introduction, n'a rien à lui envier tout en gardant une dimension onirique très marquée. "L'ultimo Viaggio del Principe", la longue suite de vingt quatre minutes est évidemment un rendez-vous à ne pas manquer. Ciro prend le temps d'installer et de développer son thème pour progressivement l'étoffer avant de le faire évoluer à plusieurs reprises avec à chaque fois un changement de tempo signifiant, correspondant à l'entrée de plusieurs instruments solistes mais aussi à l’apparition de parties lyriques. Affirmer qu'il s'agit d'une pièce maîtresse relève en l’occurrence du lieu commun. Je dirais pour ma part que nous avons affaire ici à une forme d'achèvement artistique pour son auteur qui réussit l'exploit de tenir pendant vingt quatre minutes sur un fil conducteur parfaitement identifié, contrairement à beaucoup de suites prog faites de  parties disparates accolées formant un tout plus ou moins homogène. Je vous laisse par contre découvrir la fin assez inattendue et pour tout dire mystique. Le titre suivant "(il) Ceruleo Sogno" fait d'ailleurs le lien avec une intro gardant une ambiance ésotérique assez proche avant de s'ouvrir sur un enchaînement de séquences lumineuses, avec encore une fois une trame mélodique qui s’incruste irrémédiablement dans votre cerveau jusqu'au thème final étiré à l'envie. La tonalité est volontairement plus romantique pour le nostalgique "Viola, Arancio e Topazio" dont le final violon/piano + voix d'Anna Marra devrait en toute logique vous tirer une petite larme. Nous sommes loin de la puissance contenue de l'instrumental "Il Passaggio di un Gigante Gentile" auquel succède "Tornerai Tramonto" tout en intensité émotionnelle. Le CD se termine avec un titre bonus qu'il aurait été vraiment dommage de rater. Car la fausse naïveté qui se dégage de "Nora" présenté - au moins au début - comme une jolie comptine folk cache bien son jeu et se révèle être en fait une merveilleuse mélopée envoutante qui avance sur un rythme impair, ce qui en fait tout le charme. 

Ciro Perrino atteint avec il principe del regno perduto une forme de plénitude artistique qui en fait une œuvre sans faille où tout paraît essentiel. Je le redis, ce qui fait la différence à chaque fois dans cet album, c'est la qualité des compositions et le soin apporté à leur exécution. Tout est en place au moment idoine, sans aucun développement inutile, et toujours avec la sonorité juste, celle qui permet de mettre en relief la trame. Pour cela, Ciro apporte beaucoup de soin au choix des instruments et à leurs exécutants. Vous noterez à ce sujet qu'il sait particulièrement bien s'entourer avec des musiciens qui ont quelques références comme le violoniste Sergio Caputo (cf. sa longue carrière solo), Francesco Bertone (accompagnateur, notamment aux côté de Gianmaria Testa), Enzio Cioffi (batteur dans St. Tropez, autre groupe culte de Ciro Perrino), Marco Canepa (qui est un fidèle aux côté d'Alan Simon) et enfin Anna Marra, Alessandro Serri et Edmondo Romano qui sont tous les trois des membres de Narrow Pass et d'Ancient Veil. Sans compter Ciro Perrino lui même qui, outre Celeste, a fait partie d'Il Sistema (à ses débuts), de St. Tropez, de La Compagnia Digitale et qui a produit un nombre important d’œuvres en solo qui méritent toutes d'être réécoutées ou même découvertes pour beaucoup de personnes qui lisent cette chronique. Je pense notamment à L'isola qui vous donnera quelques clés pour comprendre d'où vient il principe del regno perduto.

Pour le reste, Ciro vous fournira tous les détails lui-même dans une interview fleuve (en français et en italien) qui arrive très bientôt.

La tracklist

  1. Baie Distanti
  2. L'ultimo Viaggio del Principe
  3. (il) Ceruleo Sogno
  4. Viola, Arancio e Topazio
  5. Il Passaggio di un Gigante Gentile
  6. Tornerai Tramonto
  7. Nora

Le groupe : Ciro Perrino (claviers, chant), Francesco Bertone (basse), Enzo Cioffi (batterie), Sergio Caputo (violon), Marco Moro (instruments à vent), Mauro Vero (guitares)

Musiciens additionnels : Marco Canepa (piano), Paolo Maffi (saxophones), Anna Marra (chant sur 1, 2, 4 & 6), Edmondo Romano (instruments à vent), Alessandro Serri (chant sur 2, guitare électrique sur 6), Ciro Carlo Antonio Perrino (voix récitante sur 6).

Contacts et liens : 

pour écouter sur bandcamp

pour toute information ciroperrino1950@gmail.com

pour commander mellowrecords@libero.it



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