Il faut parfois prendre du recul pour bien appréhender une création
musicale et pour bien la sentir. Cela a été exactement le cas pour cet
album dont j'ai fait plusieurs fois le tour avant de rentrer dedans. Ne
me demandez pas pourquoi. La raison a ses raisons que la raison ignore !
Bien, après cette entrée en matière mi-figue mi-raisin (je le concède), nous y voilà enfin. Après quelques écoutes attentives de cet Aspera Tempora, il apparaît que les atmosphères sont sombres, les tempos sont lourds et les mélodies ne respirent pas souvent la joie, autant de caractéristiques qui nous amènent à positionner cette musique dans un créneau qui tient autant du doom prog que du dark ambient avec des traits de space rock à la Hawkwind ("Aer Gravis"). On comprend alors que les morceaux soient longs voire très longs pour "Rumor" (18 minutes) et "Oremus" (12 minutes et encore 8 minutes pour sa reprise), les musiciens prenant le temps d'installer des ambiances qui deviennent de plus en plus prenantes au fur et à mesure que les minutes passent jusqu'à embarquer complètement l'auditeur. Les lignes de chant ne laissent que peu passer la lumière tant elles sont volontairement et délibérément, mélancoliques et tristes ("Anansi" excepté). Je ne vous parle même pas du chant en canon sur "Oremus" le bien nommé, qui tient plus de l'oraison grégorienne. "Oremus" est d'ailleurs une pièce gothique remarquablement construite dont le côté horror/goth rock lui permettrait de servir sans problème de bande son à un giallo italien. Pour vous faire une idée de ce que cela donne au niveau stylistique, je ne saurais trop vous orienter vers la compilation E Tu Vivrai Nel Terrore publiée il y a quelques années par Black Widow. Vous y retrouverez beaucoup de similitudes et de traits communs. Nous sommes dans les mêmes recoins sonores, sombres et inquiétants, raisonnant en permanence de cris de désespoir et de lamentations sans fin. La consultation du booklet et des paroles permet de mieux comprendre ce qu'il y a derrière tout cela : une énumération ou plutôt une litanie des peurs supportées par l'Homme, peur de la solitude, peur du vide, peur de la douleur, peur des rumeurs, peur du jugement divin. La tonalité musicale et les arrangements ont été soigneusement étudiés pour générer l'angoisse et attiser les craintes qui sont inhérentes à la condition humaine. Je dois dire que le résultat est assez réussi car, d'une part, tout se tient dans une unité de ton très dark et que, d'autre part, il y a du côté des musiciens une réelle volonté de construire une œuvre figurative ambitieuse. En cela, Aspera Tempora, parte 1 atteint son objectif. Il faut d'ailleurs souligner la production remarquablement à la hauteur, assurée par les membres du groupe eux-mêmes, une production à la fois précise et ample, avec beaucoup de profondeur mais aussi de rondeur, qui permet de passer les moments les plus dramatiques et oppressants sans ressentir aucune agressivité acoustique. Au passage, mention particulière à Leonardo Digilio pour ses sonorités de claviers en général (clavecin compris) et d'orgues liturgiques en particulier qui donnent à chaque fois la couleur et le relief nécessaires. Reste maintenant à attendre la deuxième partie de ces "temps difficiles", puisque les liguriens considèrent qu'ils n'ont pas encore fait le tour complet des affres de l'Humanité, en souhaitant que Aspera Tempora, parte 2 soit le parfait pendant du diptyque conceptuel ainsi formé. « Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate » !
La tracklist :
1. Rumors
2. Aer Gravis
3. Quel Momento
4. Hurt
5. Anansi
6. Oremus
7. Oremus (reprise)
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