Alias est une groupe napolitain. C'est déjà un bon présage. Mais la formation comprend surtout une brochette de musiciens à la technique époustouflante avec notamment le batteur Fredi Malfi associé depuis plusieurs années à un autre grand groupe de Naples, le mythique Napoli Centrale de James Senese. Le reste d'Alias se compose de Romilda Boccheti au chant et au claviers, d'Ezio Felaco à la basse et de Giovanni Guarreri à la guitare classique, tous trois membres fondateurs d'un autre groupe, l'Orchestra Multietnica Mediterranea. Et c'est sans doute là que se trouve la clé de compréhension de la musique que propose Alias. Car si Alias est un projet différent, il s'inspire sans aucun doute possible des travaux réalisés par l'Orchestra Multietnica Mediterranea avec toutefois une forme et un habillage différents, nous allons y revenir car les membres d'Alias nous réservent quelques surprises en la matière. En effet, selon le groupe, Alias propose une musique world-prog. Pourtant à l'écoute de cet album, cette définition paraît beaucoup trop restrictive. Dès le premier morceau "Red Six", une évidence s'impose : ces quatre musiciens sont d'un calibre peu commun. Avec le renfort de Max Fuschetto au haubois (un des tous meilleurs actuellement dans sa spécialité), ils proposent un premier instrumental de haut vol, juste rehaussé des vocalises de Romilda Boccheti. Juste derrière, "Pitch Black" est la première des surprises annoncées. Imaginez un groupe de rock des sixties qui se lancerait dans une longue cavalcade intégrant au fur et à mesure tout ce qui lui passe par la tête, des tempos binaires accélérés, du jazz rock fou mais aussi des touches de musique électronique, le tout malaxé, secoué mais au final parfaitement maîtrisé, avec au milieu le chant de Romilda Bochetti qui s'impose d'emblée comme une grande voix jazzy. "Pitch Black" est un morceau addictif comme on en rencontre pas souvent avec ce niveau d'exécution. Le contraste est assez saisissant avec le très calme "Mediterraneo Prog", durant lequel le piano et la guitare classique déroulent un long ruban onirique tout juste interrompu par un intermède jazzy qui, outre un changement de tempo, propose une nouvelle performance vocale de Romilda Bochetti. A ce moment du disque, vous savez que vous irez jusqu'à la fin car à l'évidence il se passe quelque chose de réellement passionnant et que vous êtes en face d'une musique supérieurement intelligente. "Around the Universe" va à nouveau vous charmer avec sa rythmique de bossa qui revient régulièrement à plusieurs reprises. Morceau cool s'il en est, il n'en est pas moins truffé de changement de rythmes (avec quelques mesures impaires corsées) qui en font un joyau à plusieurs facettes. La ligne mélodique est ici chantée, soyeuse, presque amicale, elle attire irrésistiblement l’auditeur. L'instrumental acoustique "Danza dei due Mondi" centré sur la guitare classique de Giovanni Guarreri évoque rapidement une performance soliste de Franco Mussida, d'ailleurs le morceau prend au bout de trois minutes la forme d'une tarentelle, la partie mélodique étant jouée au synthé, et il est alors évident que la PFM de "E festa" n'est plus très loin avec le même résultat exaltant à l'arrivée. Avec "The Second Sun" le groupe réussit, à la fois, à changer à nouveau radicalement d'ambiance et à nous étonner. Car ce que l'on entend ici n'est ni plus ni moins qu'une reprise du thème mélodique de "Stairway to Heaven" dans une adaptation toute en nuances aussi fascinante par la qualité des parties vocales (Romilda assure le chant et les chœurs) que par la longue digression centrale qui va vous emmener très loin et même beaucoup plus loin que vous l'imaginiez. Tendez l'oreille car il y a ici et là de courtes citations à ne pas rater (un indice pour vous aider, le King Crimson de "Cat Food"). Cette partie instrumentale est un modèle du genre, une des plus belles que j'ai jamais entendu. D'ailleurs tout le morceau est fascinant. Et quand je parle de pouvoir de fascination, que dire de "Samsara". la plongée dans le folklore méditerranéen est ici intense. La voix de Romilda Bochetti, puissante et enjôleuse, survole tout le morceau dont la dernière note volontairement placée en suspension laisse l'auditeur coi dans une forme de sidération.
Avec The Second Sun, les musiciens d'Alias réussissent à captiver l'auditeur autant par une approche décalée de ce qu'ils appellent le world-prog que par des compositions qui présentent toutes un côté addictif voire carrément jouissif. Certes la couleur est affichée dès le départ : proposer une musique d'essence ethnique unissant le folklore principalement méditerranéen, le jazz, la musique classique et le rock. Mais ce qui compte ici, c'est le résultat dont on ne se lasse pas pour une bonne raison, c'est qu'il s'agit d'une musique à la fois inspirée et surtout à caractère universelle. Sa force est dans ces deux propriétés que l'on rencontre finalement assez rarement aujourd'hui y compris dans le rock progressif ! Vous aurez aussi remarqué qu'il n'y a pas de guitare électrique sur cet album.
On peut être à la fois dithyrambique et objectif. Je pense que c'est ce le cas pour ce superbe album, en marge du prog, on est d'accord. Décidément Naples nous offre toujours de belles surprises.
La tracklist :
- Red Six
- Pitch Black
- Mediterraneo Prog
- Around the Universe
- Danza dei due Mondi
- The Second Sun
- Samsara
The Second Sun est un album autoproduit, je vous donc ici le lien bandcamp du groupe Alias
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