samedi 2 avril 2022

Nodo Gordiano : H.E.X.

Totalisant déjà vingt huit années d'existence au compteur, Nodo Gordiano n'est pas la formation de prog italien la plus facile d'accès. Il est vrai que si le groupe produit toujours une musique de qualité, elle n'en a pas moins un côté parfois hermétique et nécessite toujours une grande concentration de la part de l'auditeur. Le fait que Nodo Gordiano ait connu de multiples changement de personnel autour de l'inamovible Andrea De Luca a également influé sur son style, chacun des six albums du groupe ayant une couleur particulière, mais avec toujours un haut degré d'exigence dans le rendu.

De fait, chaque plongée dans l'univers musical de Nodo Gordiano me fait toujours le même effet qu'une écoute d'un album de Van der Graaf Generator, pas forcément pour la proximité musicale avec la formation anglaise, qui existe bel et bien, on en reparlera un peu plus loin, mais tout simplement car j'ai l'impression à chaque fois de rentrer dans un monde totalement à part, de faire un transfert dans une autre dimension en quelque sorte. Une fois arrivé sur place, les trois italiens ne perdent pas de temps à vous accueillir et vous embarquent directement dans leurs voyages sonores. C'est d'autant plus évident avec H.E.X. que l'album ne comporte que deux longs titres d'exactement vingt six minutes chacun. Bien que le langage des trois italiens soit très personnel, difficile, dès le premier morceau "Heng", de ne pas se référer alternativement à Van der Graaf Generator, Tangerine Dream King Crimson (dans son côté le plus martial) et à Pïnk Floyd période "Shine on your crazy diamond". Franchement, rien là dedans de gênant ou de dévalorisant. Ils ont suffisamment d'expérience et de savoir-faire (Davide Guidoni est également membre de Daal) pour proposer une relecture à la fois solide et passionnante de moments choisis de leurs éminents devanciers en apportant leur propre contribution créatrice. A cet égard, "Kou" est sans aucun doute la pièce la plus originale mais aussi expérimentale avec ses percussions tribales et ses couleurs modales, et cette fois c'est bien Van der Graaf Generator qui ressort en arrière-plan. Il est d'ailleurs évident que Filippo Brilli avec sa panoplie de saxophones (tenor, bariton, alto et soprano) joue le même rôle que de David Jackson dans VDGG avec toutefois un jeu aux antipodes de celui du sympathique anglais. Très différente du reste, la dernière partie atmosphérique, et pour tout dire cosmique, du morceau ressemble beaucoup à un long trip hallucinogène qui peut également évoquer certaines ambiances de Porcupine Tree sur Metanoia. C'est à mon avis, la séquence la plus passionnante et la plus réussie de cet album surtout grâce à son bouquet final en apothéose. Évidemment, on ne rigole pas beaucoup à l'écoute de cet album qui développe des atmosphères prenantes et parfois même oppressantes mais les deux longues pistes présentent suffisamment de variations et de rebondissements pour que l'on soit totalement happé par ce que l'on entend, un peu comme si l'on était hors du temps.

Vous aurez bien sûr noté la similitude avec la pochette de A grounding in numbers de Van der Graaf Generator (décidément on parle beaucoup de ce groupe dans cette revue) avec la même couleur de fond pour la couverture et la présentation d'un authentique hexagramme cette fois (heng) en lieu et place du pentagramme stylisé ornant A grounding in numbers. Les deux titres de l'album reprennent d'ailleurs chacun le nom d'un hexagramme, le numéro 32 pour "Heng", le numéro 44 pour "Kou".

J'aime les musiciens qui prennent des risques et qui sortent des sentiers battus d'un prog trop souvent convenu. J'ai aussi le plus grand respect pour les groupes qui produisent une musique non conventionnel en se souciant peu de plaire ou non au plus grand nombre. J'aime enfin ces longues plages musicales qui ont la capacité de vous surprendre toutes les cinq minutes tout en gardant une fluidité dans le déroulé. Nodo Gordiano réunit toutes ces qualités sur cet album qui peut être considéré comme l'accomplissement de sa longue carrière, accomplissement ne signifiant nullement que H.E.X. doit être le point final de sa discographie, bien au contraire!

Les musiciens : Davide Guidoni (claviers, percussions, samplers), Andrea De Luca (claviers, samplers, basse, guitares), Filippo Brilli (saxophones)

La tracklist :
1. Heng
2. Kou 

Label : Lizard records

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