mercredi 5 avril 2023

Luca Scherani : Everything's changing

Vous avez entendu parler de La Coscienza di Zeno, de Trama, de Höstsonaten, de Merlin The Rock Opera  de Fabio Zuffanti, alors vous connaissez Luca Scherani ! C'est aussi lui qui a assuré récemment une bonne partie de la conception de l'album solo de Stefano Lupo Galifi (Museo Rosenbach), Dei Ricordi, un museo. C'est vous dire si ce musicien, en plus d'être un garçon charmant et gentil, sait se rendre indispensable. Plus de dix années après le très réussi Everybody's waiting, il sort (enfin) son quatrième album solo. Le mutisme de son groupe phare, La Coscienza di Zeno, explique peut être cette envie de combler un vide comme semble le démontrer la deuxième piste, "Il discorso", qui nous permet d’entendre à nouveau la voix si expressive, si italienne d'Alessio Calandriello dans un style similaire à celui de la Coscienza di Zeno. Mais non, en fait ce Everything's changing est bien une création solo de Luca Scherani qui nous présente toutes les facettes d'une personnalité artistique plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. Car si l'on connaît et apprécie le Luca Scherani délivrant des compositions se distinguant par leur finesse extrême ("Piccole gocce", "Awondalimba" ou encore "La necessità" et son bouquet de quatre flûtes enrobé par un délicat arrangement de synthé), ou par leur romantisme exacerbé en format musique de chambre ("Prologo frammentario", "Nebbia sul buio"), il est aussi capable de nous étonner avec des pièces beaucoup plus aventureuses comme le légèrement technoïde "Everything's changing" qui fonctionne sur une gamme pentatonique à résonance orientale ou encore avec la mini suite "La ragione" qui se termine par une longue explosion symphonique. Dans un genre radicalement différent, "Un viaggio verso un sogno" s'affiche d'abord franchement jazz-rock avant de pencher vers quelque chose de plus pop tout en restant dans un registre délicieusement jazzy. Les cuivres sont ici mis en avant et l'ami Martin Grice est comme toujours impérial au saxophone. "Un viaggio verso un sogno" est évidemment un titre très accrocheur qui permet aussi de découvrir la magnifique voix de Sefora Firenze pour une séquence très Matia Bazar (Sefora a clairement des intonations qui rappellent le chant de la grande Antonella Ruggiero, au point que c’en est troublant). Luca  signe également avec "Ghiaccio calpestato", une perle de musique minimaliste mélodique à la frontière de l'avant-garde. L’enchaînement avec "Cristina" est d'ailleurs bien vu tant cette pièce prolonge la précédente avec cette fois une incursion vers le sérialisme de Pierre Boulez. J'ai bien sûr un faible pour "Il cosmo" marqué par cette progression, prenant la forme d'un crescendo, matérialisée par ce passage de relais qui se fait entre le quatuor à cordes, qui débute le morceau, et le groupe rock, duquel émane la guitare lead de Paolo Ballardini, qui amène le titre jusqu'à son outro. Arrivé presque au terme de cet album, vous aurez remarqué je l'espère, la récurrence d'un thème que l'on retrouve, sous une forme à chaque fois un  peu différente,  à quatre reprises dans l'album, d'abord sur "Il discorso", puis sur "La ragione" et "La necessità" et enfin sur "Il cosmo" justement. Ces quatre morceaux sont en fait les quatre passages d'une suite en quatre mouvements imaginée par Luca pour illustrer musicalement la théorie du mouvement et de l'écoulement perpétuel défendue par Héraclite ("Tout passe, rien ne reste"). Il est aussi bon de noter que Luca termine l'album sur une pirouette inattendue avec "Ein lied: der soldatenfriedhof in Bruneck". Il s'agit, comme son nom l'indique, d'un lied, c'est à dire d'un poème écrit en allemand et mis en musique avec une association piano/voix, cette dernière prenant une connotation lyrique en la personne de la soprano Chiara Bisso qui est parfaite dans ce rôle de composition. J'avoue rester assez hermétique à ce type d'exercice, mais c'est le choix de Luca. 
J'avais déjà grandement apprécié Everybody's waiting sorti en 2012 (il est d'ailleurs présenté en détail dans mon livre Plongée au cœur du rock progressif italien), mais je dois dire qu'avec Everything's changing, Luca Scherani franchit un cap important, sans aucun doute celui de la maturité artistique pour un musicien qui a aujourd’hui quarante cinq ans et encore un bel avenir devant lui. En tout cas Everything's changing est un très bel album qui démontre l'immense talent d'écriture de son créateur et ordonnateur. Luca est un des rares musiciens, parmi tous ceux que je connais, à être capable de marier avec autant de bonheur la musique classique avec des styles musicaux plus modernes pour nous proposer in fine des pièces parfaitement construites et sonnant magnifiquement ("la ragione" en est un sacré exemple). Bellissimo !

Aux côtes de Luca, on trouve nombre de musiciens de la sphère génoise à commencer par Fabio Zuffanti (Finisterre, Höstsonaten, La Maschera Di Cera), Paolo Tixi (Il Tempio delle Clessidre), Andrea Maddalone (New Trolls), Matteo Nahum (Nanaue, Höstsonaten, La Maschera Di Cera...), le guitariste soliste Pino Ballardini (Ballard), mais aussi une légende en la personne de Bob Callero (Osage Tribe, Duello Madre, Lucio Battisti...) sans parler de la famille avec Joanne Roan et Alice Scherani, que j'ai connu toute petite. C'est dire si Luca est bien entouré ! 
 

Les musiciens : Luca Scherani (claviers, guitares, basse, percussions, programmation, vocoder, bouzouki, glockenspiel, flûte), Alessio Calandriello (chant), Paolo Tixi (batterie), Fabio Zuffanti (basse), Bob Callero (basse), Andrea Maddalone (guitares), Matteo Nahum (guitares), Paolo Ballardini (guitares),  Marco Callegari (trompette), Martin Grice (saxophone), Stefano Massera (harpe), Joanne Roan (flûte), Alice Scherani (flûte) + le quatuor à cordes composé de Sylvia Trabucco (violon), Alice Nappi (violon), Ilaria Bruzzone (violon), Chiara Alberti (violoncelle).


La tracklist (vous pouvez écouter les titres en cliquant dessus): 

1. Piccole gocce
2. Il discorso
3. Prologo frammentario
4. Everything's changing
5. Un viaggio verso un sogno
6. Nebbia sul buio
7. La ragione
8. La necessità
9. Ghiaccio calpestato
10. Cristina
11. Awondalimba
12. Il cosmo
13. Ein lied der soldatenfriedhof in Bruneck 

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