jeudi 28 avril 2022

La VIttima Designata

 C'est parti pour la vente de l'édition restaurée de La Victime Désignée (La Vitttima Designata) disponible en version DVD ou Blu-ray. Dans les deux cas le travail et le rendu sont magnifiques. J'ai le plaisir d'être présent dans les bonus pour commenter la partie concernant la bande sonore musicale sur laquelle on retrouve les New Trolls qui interprète une partie des morceaux du Concerto Grosso composé par Luis Bacalov pour l'occasion.

Vous pouvez acheter votre exemplaire dans les magasins suivants : à Paris (Metaluna Store et la librairie Hors-circuits), à Lyon (librairie du Premier film), à Toulouse (Ombres Blanches) et en commande directe sur le site Frenezy ou sur la page FB.

dimanche 24 avril 2022

Mater a Clivis Imperat : Atrox Locus

Le rock progressif italien a aussi son côté obscur et ses penchants occultes et ce depuis ses premiers balbutiements puisque dès 1969, Antonio Bartoccetti avait ouvert la voie avec son groupe Jacula en proposant In cauda semper stat venenum, un album se voulant avant tout inspiré par les flashs ésotériques de son créateur aboutissant ainsi à une matière musicale, mélangeant allègrement le dark, le heavy, l'ambient, le doom et se faisant remarquer par son odeur de souffre mais aussi par son caractère décousue. Le genre s'est ensuite structuré, établissant ses propres codes, et a ainsi réussi a perdurer avec quelques noms emblématiques, Jacula bien sur, mais aussi Antoniux Rex (autre formation menée par Bartocceti) ainsi que l'incontournable Devil Doll pour ne citer que les plus connus sans oublier Malleus bien évidemment. Le label Black Widow records a fait beaucoup pour promouvoir ce style de musique, son patron Massimo Gasperini étant un fan absolu de tout ce qui se rapporte au dark heavy prog. Les albums de Jacula et d'Antonius Rex ont ainsi été publiés ou réédités, pour les plus anciens, chez Black Widow records qui a également produit un bon nombre d'autres groupes œuvrant dans la même veine (récemment La Janara). Le dernier en date, Mater a Clivis Imperat, n'est pas, loin de là, le moins intéressant d'une longue série. Son album Altrox Locus qui est sorti le 22 mars 2022 est même une divine surprise. 

Côté visuel, il est difficile, dès le premier coup d’œil,  de ne pas être attiré par la couverture qui en jette et qui évoque des souvenirs confus pour les fans de giallo et de films d'horreur italiens de la grande période des années 70. Et pour cause, elle est signée du regretté Enzo Sciotti (disparu l'année dernière) à qui l'on doit des affiches cultes pour les films eux aussi cultes de Mario Bava, Lucio Fulci et Dario Argento entre autres.  

Côté équipage, la formation comprend des musiciens expérimentés : Samael Von Martin vient de Death Dies et Tomas Contarato (alias Demian De Saba) de chez Evol, des groupes de Black métal à tendance satanique ! On est prévenu ! Avec l'énigmatique pianiste gothique Natalija Branko, le claviériste milanais Alessio Saglia et la chanteuse soprano Elisa de Marte de Padoue, le groupe est complété avec trois musiciens de talent de formation classique. 

Il est d'ailleurs bon de savoir que Mater a Clivis Imperat est une formation qui existe depuis 2008 et que cet Atrox locus est en fait la concrétisation de plusieurs projets précédents qui n'avaient pas abouti en leur temps. Il aura fallu de nombreuses années pour que ce concept musical arrive à maturité en trouvant enfin la bonne inspiration, les bons réglages mais aussi les musiciens idoines. Le résultat de ces années de tâtonnements est enfin là. Un monstre sonore de heavy rock occulte et de hard prog des seventies, fait d'un magma organisé d'orgues liturgiques, de riffs lourds de guitares électriques, de rythmes meurtriers, d'éclairs aveuglants giclant du noir absolu, de chœurs grégoriens, de chant lyrique et enfin de mises en scène théâtrales gothiques et dérangeantes. Une bande originale d’un film d'horreur, jamais réalisé, de laquelle émerge le mystère, l'angoisse, les passions, le sang, la désespérance, la mort. 

Bien évidemment, côté contenu, pas de surprise, il y a du lourd. Les ambiances alternent entre l'univers musical de Fabio Frizzi période Paura nella città dei morti viventi / L'Aldilà / Manhattan Baby ("Coemeterium" et sa reprise, "1974 Sorgi o Creatura", "Oblivium") et celui de Goblin (comprenant aussi Goblin Rebirth, 4Goblin et le Daemonia de Claudio Simonetti) pour le titre éponyme "Atrox Locus".  "Padova occulta (Nero Barocco)" plus orchestré et aux chorus de guitare acide, évoque Devil Doll mais aussi Lacrimosa, alors que "Homo intime pauper est" et  "Dominae oculi" nous ramènent à Jacula et à Antonius Rex . La surprise vient plutôt de l'instrumental "Witchcraft " qui tombe à point nommé pour détendre l’atmosphère plutôt lourde et austère de l'ensemble. Le morceau se présente comme une longue cavalcade heavy menée par une énorme performance d'Alessio Saglia à l'orgue Hammond, soutenue par une rythmique funky. Niacin aurait pu faire ce genre de titre. Puisque l'on est du côté hard prog, "Idalo tribus" est en plein dedans. Rien de très original pour ce court instrumental avec ses allers retours de riffs en trois accords, mais un bon moment pendant lequel le groupe se lâche sans se poser de questions. Je reste plus sceptique sur le simili symphonique "Vagaris" intégralement centré sur un tutti de cordes frottées dont l'exécution aux synthés donne dans un ton un peu daté (çà me rappelle les sons des Roland du début des années 80) et surtout la composition reste très sommaire sans jamais décoller et sans jamais accoucher d'un développement digne de ce nom. La reprise, en toute fin d'album, de "Coemeterium" dans une version alternative prenante et horrifiante, clôt magnifiquement ce disque qui aurait sans doute gagné à être un peu plus court. Mais, il ne s'agit pas de bouder son plaisir car nous avons ici un opus qui soutient la comparaison avec ses illustres références citées à plusieurs reprises tout au long de cette chronique. Sachez aussi que le prochain album est déjà en route et là il faudra vous attendre à une autre surprise de taille au générique !

Les musiciens : Isabella (chant, chœurs), Samael Von Martin (guitare, basse, claviers, chœurs), Tomas Contarato (batterie), Natalija Branko (piano), Alessio Saglia (orgue,Hammond, Moog) + la participation d'Elisa Di Marte (chant soprano) 

Black Widow Records propose l'album en trois déclinaisons : Compact Disc,  LP avec un livret de  20 pages, LP édition limitée (66 exemplaires) avec couverture “raw cardboard” et vinyle couleur + 2 posters + le livret de 20 pages + le téléchargement mp3

La tracklist :

1. Coemeterium
2. 1974 (Sorgi o Creatura)
3. Atrox locus
4. Padova occulta (Nero Barocco)
5. Atrox poena in corde suo est
6. Homo intime pauper est
7. Witchcraft
8. Dominae oculi
9. Oblivium
10. Meretrix Pacis Orba
11. Idola tribus
12. Vagaris
13. Coemeterium (Alternate Version)



jeudi 21 avril 2022

Prog Fest 2022

 

Le programme concocté par Massimo Gasperini pour le festival Prog Fest Porto Antico à Gênes le 16 juillet 2022 est une fois de plus exceptionnel avec les vétérans incontournables du prog italien Osanna et Delirium, les révélations G.A.S. (pour Gruppo Autonomo Suonatori) et Melting Clock mais aussi  deux noms à découvrir avec G.O.L.E.M. et son hard prog psychédélique ainsi que le groupe de métal prog pour le moins intrigant,  Cyrax. Gênes n'est pas la porte à côté surtout pour les bretons mais l'affiche le mérite et l'Italie est si vivante l'été ! Rendez-vous à Gênes le 16 juillet 2022.

vendredi 15 avril 2022

The Old Castle : Wistful

Nous n'avons pas été beaucoup à couvrir la sortie en 2001 de Storie Nascoste le premier album disponible du groupe de prog italien The Old Castle. Mais vous trouverez quand même une chronique complète détaillée et documentée. Devinez où ? Dans ce livre Plongée au Cœur du Rock Progressif Italien ! C'est peut-être la raison pour laquelle, à vingt années d'écart, Gabriele Kiss s'est rappelé des quelques personnes qui avaient soutenues son groupe et qu'il les a contacté pour leur annoncer la bonne nouvelle : la sortie d'un nouvel album de The Old Castle.

Alors, je suis sympa, je vous fais une petite séance de rattrapage. Formé en 1995, dans les Marches à Tolentino, The Old Castle enregistre très rapidement un tout premier album auto-produit quasiment impossible à trouver déjà à l'époque (je ne vous parle même pas d'aujourd'hui !) intitulé Working travellers et sous-titré (good and progressive rock music). Le groupe se produit ensuite sur scène et connaît même son heure de gloire en assurant la première partie du concert d’Emerson Lake & Palmer en Sardaigne pendant l’été 1997. Un deuxième album est assez vite mis en chantier et sort en 2001, toujours en auto-production. Avec une volonté d’aller vers quelque chose de plus calme et de plus introspectif, The Old Castle fait évoluer son propos musical tout en restant dans un environnement progressif. Pour une partie, Storie nascoste penche nettement vers le Pink Floyd post Waters, celui de A momentary lapse of reason et surtout de The Division Bell avec parfois un mimétisme frisant la perfection. Pour le reste, les références sont aussi de qualité tout en ne s'éloignant jamais d'un registre pop prog FM. En résumé, c'est bon, très bon même sur les vingt premières minutes de cet album qui aurait mérité plus de considération.

Vingt ans plus tard, Gabriele Kiss, la tête pensante de The Old Castle, décide de faire revivre son groupe en repartant des idées laissées en plan, la formation n'ayant pas continué l'aventure, vous l'aviez compris. Même si des membres de l'époque apparaissent aux crédits, il a fallu que quelques nouveaux musiciens viennent apporter leur contribution. Wistful, le nouvel album est court, 36 minutes et les paroles sont cette fois en anglais. Si l'on met à part, les deux instrumentaux (on y reviendra), il apparaît vite évident que Gabriele Kiss va à l'essentiel, en donnant même l'impression par moments d'être pressé. La voix a un peu changé, et pour tout dire s'est pas mal patinée, mais l'énergie est toujours bien présente. "Return from fantasy" est une entame pied au plancher, tempo rapide, orgue en furie, guitare babilleuse. On est dans le registre d'un Deep Purple en roue libre. Pas très original mais bien pour se mettre dans l'ambiance. "Mario" permet d’entendre fugacement le chanteur lyrique Massimiliano Luciano. Il s'agit cette fois d'une longue épopée quasiment instrumentale que l'on qualifiera d'épic rock d'inspiration médiévale à la Jerry Cutillo (O.A.K.) survolée par la flûte d'un Stefano Conforti que l'on sent aussi à l'aise qu'un poisson dan l'eau. "Angel Fall" se présente comme le titre le plus direct et le plus facilement accessible. Entre néo-prog typé IQ et AOR des années 80 , le morceau vaut surtout par le solo final de guitare électrique qui évoque furieusement le Ritchie Blackmore de Rainbow en mode baladin. Avec "Hurt my heart", The Old Castle renoue avec ses vieux penchants rock FM, une fois encore on pense à GTR et Asia. C'est bien foutu et agréable à écouter avec une mélodie accrocheuse et des sonorités de synthés typées eighties. "Black sunday" est en fait une composition qui existait sur Storie Nascoste ("Giornate"). Elle est cette fois présentée avec un chant en anglais. Pour le reste, le morceau a été retravaillé avec une longue partie centrale, très réussie, basée sur une performance de  Stefano Conforti à la flûte. Le seul bémol est lié à la partie de batterie de Jean-Luc Delmonac qui comme pour les pistes 1 et 2, utilise des samplers au rendu sec et dépourvu de chair. On préférera de loin le drumming d'Alberto Quacquarini présent sur tout le reste de l'album. "The camel" démarre sur un mode jazzy avec une succession de mesures aux tempos syncopés, Gabriele Kiss réussissant même à insérer plusieurs citations, dont une assez évidente, tirées de Six Wives of Henri VIII du sieur Wakeman (je vous laisse chercher,). Pour sa dernière partie, le morceau bascule soudainement dans un univers fantasmagorique et impressionniste. Pour finir, revenons aux deux instrumentaux. Si "Interlude for Jacky" reste un (court) moment sympathique mais anecdotique malgré sa progression très classique rappelant de loin une toccata bancale, "il mare" est d'un tout autre niveau. Ils 'agit de la véritable pièce de bravoure de cet album dont elle justifie à elle seule l'acquisition. En un peu plus de six minutes, Gabriele se charge de donner sa vision ou plutôt ses visions de la mer, est grandement secondé par Stefano Conforti, aussi convaincant à la flûte qu'au saxo, qui a pour mission de donner des couleurs merveilleuses à ce morceau qui est en fait une succession de petites pièces imbriquées les unes dans les autres. Pas vraiment une suite, plutôt une succession de tableaux dont certains évoquent EL&P pendant que d'autres rappellent furieusement certains passages du Hamburger Concerto de Focus ("Delitae Musicae").  

J'ai été content de retrouver The Old Castle à deux décennies d'écart. La musique de Gabriele Kiss est sincère et sans prétention, loin très loin de l’esbroufe pathétique et du démonstratif fatiguant. Elle n'en est que plus attachante. Le prog c'est çà aussi !

Les musiciens : Gabriele Kiss (claviers, chant, basse), Stefano Conforti (saxophone, flûte), Jean-Luc Delmonac (batterie sur 1, 2 et 7), Roberto Gatta (guitare sur 7), Massimiliano Luciani (chant sur 2), Tonino Manochesi (guitare sur 1 et 2), Paolo Pagliari (guitare et basse sur 3 et 5), Alberto Quacquarini (batterie sur 3, 5, 6 et 8).  

La tracklist :
1. Return form fantasy
2. Mario
3. Angel fall
4. Interlude for Jacky
5. Hurt my heart
6. Il mare
7. Black sunday
8. The camel

Pour écouter l'album, ce que je vous conseille évidemment, çà se passe ici


vendredi 8 avril 2022

Sintesi del viaggio di Es : Gli alberti di Stravopol

Il y a d'abord eu Sithonia de 1989 à 2013, qui nous laissé cinq beaux albums, puis plus récemment Sintesi del viaggio di Es avec cette fois les seuls Valerio Roda, Marco Giovannini et Sauro Musi pour faire le lien entre ces deux formations de proche parenté (vous pouvez retrouver ici l'interview du groupe en 2019). Un premier essai prometteur en 2017 (Il sole alle spalle) délicat et plus folk-prog que prog-rock, et revoilà nos amis de retour pour nous proposer le fruit de quatre années de réflexions et de travail pour un résultat qui se révèle d'emblée remarquable. 
Car Gli alberti di Stravopol est clairement un cran au-dessus de Il sole alle spalle qui était déjà très plaisant. Sintesi del viaggio di Es ne change pas fondamentalement son style, "Come le foglie (Parte 1)" avec ses réminiscences d'Impressioni di Settembre" et "Gli alberi di Stavropol", sont là pour en témoigner. Il y a pourtant de nettes différences qui se font sentir à commencer par une profondeur accrue dans les thèmes développés dans cet album que ce soit avec le poignant "Regina in lacrime" ou encore avec "Grazie per gli anni e per i giorni". Mais la grande surprise vient de la présence de passages, voire même de morceaux, plus appuyés et pour tout dire carrément rock. Ainsi "L'eta d'oro", joué entièrement à l'énergie, ne manque pas de surprendre de la part de ces musiciens que l'on pensait définitivement calés sur un mode soft. Décidément en pleine forme, le groupe atteint même une envergure symphonique jusque là inconnue avec "Adria", sublime instrumental sur lequel on écoute religieusement le violon de Barbara Rubin illuminant tout ce morceau qui se révèle trop court, laissant l'auditeur au bout de deux minutes avec un vrai sentiment de frustration. "Una nuova passeggiata" et "Come le foglie (Parte 2)" réunissent bien ces deux caractères désormais mis en avant par le groupe : une tonalité plus rock et un propos plus emphatique. "Una nuova passeggiata" est à cet égard très caractéristique du prog italien des années 90 qui en plus de puiser dans ses racines seventies reprenait également, à l'instar d'Arcansiel, d'Ezra Winston et de Sithonia bien sûr, des éléments de langage d'un néo prog alors omni-présent et incontournable.
Il est étonnant de constater que ces musiciens expérimentés semblent soudainement se libérer et oser des figures plus spontanées (en tout cas en apparence). Ce n'est d'ailleurs pas "Strade di fango" avec son riff d'intro gras bien hardos, qui courre sur tout le titre, ainsi que son tempo cadencé et lourd qui viendra contredire cette impression. Je ne sais pas si cette posture est la plus naturelle pour le groupe mais en tout cas l'effet blast est très réussi.
J'ai une grande affection pour la dernière partie du CD qui relève du rêve éveillé avec tout d’abord en hors d’œuvre le majestueux instrumental "Grazie per gli anni e per i giorni" duquel émerge une mélodie onirique, jouée d'abord à la guitare acoustique avant qu'n riff de guitare électrique vienne prendre le relais. Le tout est emballé dans un délicat habillage pysché-folk présentant une certaine originalité avec l'apparition soudaine d'un accordéon diatonique qui donne une touche traditionnelle en plus. A suivre, "Il viaggio di Es" constitue le plat de résistance et prend la forme d'une longue suite de quatorze minutes qui a tout du morceau ultime pour le groupe. C'est en tout cas celui dans lequel il concentre le meilleur de son savoir-faire, sûr de son fait, au point de se lancer dans des digressions inattendues dont quelques cavalcades effrénées et autres emballements soudains qui en font une pièce de pur rock progressif, et je peux vous affirmer que c'est du tout bon. Guitare électrique et flûte se partagent les longs chorus, chaque instrument venant prendre le relais de l'autre dans une sorte de ballet harmonieux réglé au millimètre.
Vous l'aurez compris, sur cet album chacun donne le meilleur lui-même : Marco Giovannini et sa voix si attachante mais aussi si rassurante, Sauro Musi qui sort de sa réserve pour arracher quelques riffs et chorus bien sentis de sa Gibson SG Standard, Valerio Roda qui semble bien s'amuser en distillant ses lignes de basse ronflantes et bien sûr Eleonora Montenegro omniprésente à la flute traversière pour notre plus grand bonheur. 
A l'écoute de Gli alberti di Stravopol, il apparaît que Sintesi del viaggio di Es fait désormais partie des toutes meilleures  formations de prog italien actuels, capable de proposer une musique à la fois personnelle, inspirée et raffinée. Avec cet album, je vous promets cinquante trois minutes de félicité et de légèreté. Il n'en faut pas plus pour apporter un peu de bonheur en ces temps troublés.

Le groupe : Marco Giovannini (chant), Sauro Musi (guitares), Valerio Roda (basse, pédale-basse), Maurizio Pezzoli (claviers), Eleonora Montenegro (flute), Nicola Alberghini (batterie) 

+ Barbara Rubin (violon sur 5) et Maria Grazia Ponziani (accordéon diatonique sur 9)

La tracklist :

1. Come le foglie (Parte 1)
2. Gli alberi di Stavropol
3. Regina in lacrime
4. L'eta d'oro
5. Adria
6. Una nuova passeggiata
7. Come le foglie (Parte 2)
8. Strade di fango
9. Grazie per gli anni e per i giorni
10. Il viaggio di Es

Label : Locanda del Vento, distribution : Lizard records



samedi 2 avril 2022

Nodo Gordiano : H.E.X.

Totalisant déjà vingt huit années d'existence au compteur, Nodo Gordiano n'est pas la formation de prog italien la plus facile d'accès. Il est vrai que si le groupe produit toujours une musique de qualité, elle n'en a pas moins un côté parfois hermétique et nécessite toujours une grande concentration de la part de l'auditeur. Le fait que Nodo Gordiano ait connu de multiples changement de personnel autour de l'inamovible Andrea De Luca a également influé sur son style, chacun des six albums du groupe ayant une couleur particulière, mais avec toujours un haut degré d'exigence dans le rendu.

De fait, chaque plongée dans l'univers musical de Nodo Gordiano me fait toujours le même effet qu'une écoute d'un album de Van der Graaf Generator, pas forcément pour la proximité musicale avec la formation anglaise, qui existe bel et bien, on en reparlera un peu plus loin, mais tout simplement car j'ai l'impression à chaque fois de rentrer dans un monde totalement à part, de faire un transfert dans une autre dimension en quelque sorte. Une fois arrivé sur place, les trois italiens ne perdent pas de temps à vous accueillir et vous embarquent directement dans leurs voyages sonores. C'est d'autant plus évident avec H.E.X. que l'album ne comporte que deux longs titres d'exactement vingt six minutes chacun. Bien que le langage des trois italiens soit très personnel, difficile, dès le premier morceau "Heng", de ne pas se référer alternativement à Van der Graaf Generator, Tangerine Dream King Crimson (dans son côté le plus martial) et à Pïnk Floyd période "Shine on your crazy diamond". Franchement, rien là dedans de gênant ou de dévalorisant. Ils ont suffisamment d'expérience et de savoir-faire (Davide Guidoni est également membre de Daal) pour proposer une relecture à la fois solide et passionnante de moments choisis de leurs éminents devanciers en apportant leur propre contribution créatrice. A cet égard, "Kou" est sans aucun doute la pièce la plus originale mais aussi expérimentale avec ses percussions tribales et ses couleurs modales, et cette fois c'est bien Van der Graaf Generator qui ressort en arrière-plan. Il est d'ailleurs évident que Filippo Brilli avec sa panoplie de saxophones (tenor, bariton, alto et soprano) joue le même rôle que de David Jackson dans VDGG avec toutefois un jeu aux antipodes de celui du sympathique anglais. Très différente du reste, la dernière partie atmosphérique, et pour tout dire cosmique, du morceau ressemble beaucoup à un long trip hallucinogène qui peut également évoquer certaines ambiances de Porcupine Tree sur Metanoia. C'est à mon avis, la séquence la plus passionnante et la plus réussie de cet album surtout grâce à son bouquet final en apothéose. Évidemment, on ne rigole pas beaucoup à l'écoute de cet album qui développe des atmosphères prenantes et parfois même oppressantes mais les deux longues pistes présentent suffisamment de variations et de rebondissements pour que l'on soit totalement happé par ce que l'on entend, un peu comme si l'on était hors du temps.

Vous aurez bien sûr noté la similitude avec la pochette de A grounding in numbers de Van der Graaf Generator (décidément on parle beaucoup de ce groupe dans cette revue) avec la même couleur de fond pour la couverture et la présentation d'un authentique hexagramme cette fois (heng) en lieu et place du pentagramme stylisé ornant A grounding in numbers. Les deux titres de l'album reprennent d'ailleurs chacun le nom d'un hexagramme, le numéro 32 pour "Heng", le numéro 44 pour "Kou".

J'aime les musiciens qui prennent des risques et qui sortent des sentiers battus d'un prog trop souvent convenu. J'ai aussi le plus grand respect pour les groupes qui produisent une musique non conventionnel en se souciant peu de plaire ou non au plus grand nombre. J'aime enfin ces longues plages musicales qui ont la capacité de vous surprendre toutes les cinq minutes tout en gardant une fluidité dans le déroulé. Nodo Gordiano réunit toutes ces qualités sur cet album qui peut être considéré comme l'accomplissement de sa longue carrière, accomplissement ne signifiant nullement que H.E.X. doit être le point final de sa discographie, bien au contraire!

Les musiciens : Davide Guidoni (claviers, percussions, samplers), Andrea De Luca (claviers, samplers, basse, guitares), Filippo Brilli (saxophones)

La tracklist :
1. Heng
2. Kou 

Label : Lizard records