Une musicienne qui compose et interprète sa propre musique, c'est une sensibilité qui s'exprime. Quand la musicienne réalise son album quasiment seule avec ses propres moyens et qu'elle assure brillamment l'exécution de tous les instruments, il est alors évident que l'exercice relève d'une forme de catharsis.
Vous vous demandez pourquoi je commence ma chronique comme çà. Très simple ! Avec son album Shadows Playground sorti en 2020, Barbara Rubin va chercher très loin en elle ce qu'elle a de plus intime. La technique et la maîtrise des instruments ne font pas tout, et pourtant, Dieu sait que Barbara est une pianiste et une violoniste hors pair. Ce qui compte pour moi dans cet album, c'est bien la musique et surtout ce qu'exprime Barbara. Il y a tout au long de ces neufs pièces une forme de combat permanent entre une force contenue, peut être même retenue, et une introspection profonde. Barbara donne ici l'impression de jouer, telle une acrobate de l'imaginaire, en équilibre sur un fil. Alors comment se repérer ? Comment savoir entre puissance et délicatesse, entre gravité et légèreté ? Concentrez-vous sur la voix de Barbara et plus généralement sur les parties vocales (il y a aussi une voix masculine et des chœurs). Dans cet album, le guide est le chant. C'est lui qui vous indiquera ce que veut exprimer Barbara. Oui, mais il y a aussi les instrumentaux. Pour le magnifique "Sunrise promenade", la clé est dans les trente dernières secondes du morceau. Pour "Sleeping violin", l'intensité de cette pièce devrait vous guider. Enfin, le titre même de "La ballata degli angeli" résume parfaitement l’humeur de cette ballade qui est un vrai moment de grâce. Tout au long de cet album prégnant, les morceaux défilent tous plus beaux et plus fins les uns que les autres. le piano tisse des trames tour à tour mélancoliques, nostalgiques et suggestives. Les violons amènent ce supplément d'âme qui donne ainsi une vie propre à chaque morceau. Comment résister à la profondeur d'une composition comme "The Shadows playground" qui semble vouloir soudainement libérer toutes les énergies de sa créatrice.
Barbara Rubin a placé "Helen's word" en toute fin d'album et ce n’est pas un hasard car il s'agit de sa pièce maîtresse. Celle qui concentre tout ce que l'artiste a emmagasiné d'émotions et tout ce que la musicienne est capable d'exprimer en terme d'intensité. "Helen's Word" fonctionne comme un tableau de Jérôme Bosch. Écoutez bien ce morceau qui fait un peu moins de six minutes. Bluffant de par sa richesse harmonique et mélodique (la couleur modale des chœurs évoquant les modulations du chant byzantin, au début du titre), mais aussi de par sa densité et notamment avec sa succession de petits tableaux qui ont tous pour point commun une puissance évocatrice saisissante. Je connais plusieurs groupes de rock progressif qui, avec autant de matière, auraient fait une suite de vingt minutes pour un résultat peut être bien moins bouleversant.
Barbara est une artiste intègre et une musicienne talentueuse. Elle le démontre amplement avec The Shadow Playground. Mais, je vous conseille d'allez sur son site bandcamp pour mieux la connaître et la découvrir, vous risquez d'être très agréablement surpris par sa polyvalence. Je vous en donne deux superbes aperçus en avant-première : "Libera" et "Eyelids". Vous me remercierez plus tard !
Barbara Rubin : chant, violon, violon alto, piano, synthétiseurs, guitare, basse, batterie. Elle est accompagnée d'Andrea Giolo (chant et chœurs) et de Veronica Fasanelli (chant sur piste 9).
La Tracklist :
- Endless hope
- Seven
- La Maddalena
- Clouds
- Sunrise promenade
- The shadows playground
- Sleeping violin
- La ballata degli angeli
- Helen's word
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