Je ne suis pas sûr d'avoir gardé un grand souvenir du premier album de ce groupe, sorti en 2019. Mais l'idée de donner une deuxième chance à I Viaggi Di Madeleine est d'autant plus pertinente que, en plus d'une légitime curiosité de ma part, la formation de Lecce se présente aujourd'hui avec seulement deux membres (le guitariste Giuseppe Cascarano a entre-temps disparu de la circulation) et avec quelques invités intéressants en renfort dont nous allons évidemment reparler juste après cette présentation générale..
C'est donc reparti pour une nouvelle expérience avec I Viaggi Di Madeleine. Et je dois dire que l'opener "Migrazioni" est quand même très rassurant. C'est un instrumental qui balance pas mal avec une basse qui claque bien et avec surtout une omniprésence des synthés, Francesco Carella enchaînant imperturbablement toute une série de riffs et de combinaisons qui s'emboîtent réellement bien. Sans casser des briques, c'est quand même le genre de démarrage qui te mets en confiance. "Frequenze solari" confirme cette bonne première impression avec ce qu'il faut bien appeler un rock au swing irrésistible que ne renierait pas Ian Gillan, avec ou sans Deep Purple d'ailleurs, car c'est vraiment dans le style de prédilection qu'affectionne le screamer anglais. La guitare électrique est tenue par un musicien plutôt connu puisqu'il s'agit de Marco Ancona quand même ! Quant au saxo, il est joué par un maître en la personne de Roberto Gagliardi. Excellente cette deuxième piste. Pour le troisième round, le groupe a recruté un mythe du prog anglais, car c'est bien Richard Sinclair lui-même qui est à la basse et au chant (enfin aux vocaux pour être plus exact). Le morceau au swing jazzy chaloupé et à l'ambiance décontractée lui va comme un gant. L'entame au Fender Rhodes est flatteuse à l'oreille. On passe donc un très bon moment avec "Poker"qui est plus à prendre comme une détente sympa de cinq minutes, yodels compris. "Bronx" pourrait être le pendant sombre du précédent "Poker". Là aussi le rythme a un swing irrésistible mais on sent une atmosphère plus lourde, vite confirmée par un récitatif carrément inquiétant de surcroît ambiancé par des lamentos sinistres. La deuxième partie du titre bascule donc logiquement sur une séquence doom éclairée par un final à l'orgue absolument magnifique (quel son !), Francesco Carella en remettant une couche avec un chant de prêcheur halluciné. Avec le quasi instrumental "L'ultima battiglia", on est transporté dans un univers heroic-fantasy à consonance médiévale, le tout se rapprochant pas mal du style de Nuova Era. A nouveau, une longue séquence centrale doomy vient obscurcir le morceau mais, une fois encore, j'aime les rythmes impulsés qui, malgré leur lourdeur, restent imperturbablement groovy et qui font ainsi toute la différence. "Androgino" constitue un changement d'ambiance radicale. Puisqu’il s'agit d'une chanson triste, proche de la désespérance, au tempo lent avec une basse qui sert de structure au morceau et des synthés principalement utilisés en accompagnement de fond. Le contraste est à nouveau brutal avec la piste suivante "Road Roller". Il s'agit là d'un morceau hybride entre rock échevelé et indus déstructuré. C'est à la fois bizarroïde et très réjouissant. L'invité du jour, Pietro Sansonetti, n'est pas en reste pour sa courte, mais incisive, intervention à la guitare électrique. Écrire que "Nostalgie" porte bien son nom est un euphémisme. Ici l'association Fender Rhodes/violon est d'une grande finesse. Au passage, l'archet est tenu par Francesco Del Prete et je peux vous dire que c'est un grand moment et une vraie performance que produit le natif de Salento. Pour que l'on se comprenne bien, performance ne veut pas dire obligatoirement virtuosité. Ecoutez, vous comprendrez ce que je veux dire. Le morceau semble avoir été composé et fait pour lui. "Nostalgie" est vraiment un final de rêve. Difficile d’espérer mieux.
Avec ce deuxième album, le duo d'I Viaggi Di Madeleine prend définitivement sa place dans le paysage du rock progressif italien avec un style bien à part, parfois un peu hétéroclite, mais qui mérite tout notre intérêt.
L'album sort le 21 juin chez M.P. & Records et est distribué par G.T. Music.
Le groupe : Francesco Carella (chant, claviers, synthés, piano Fender Rhodes, basse, guitare acoustique), Giuseppe Quarta (batterie).
Invités : Richard Sinclair (basse, chant sur 3), Marco Ancona (guitare électrique sur 2), Pietro Sansonetti (guitare électrique sur 7), Francesco Del Prete (violon sur 8), Roberto Gagliardi (sax soprano sur 2), Santi Spanna (récitant sur 4).
La tracklist :
1 – Migrazioni 2 – Frequenze solari 3 – Poker 4 – Bronx 5 – L'ultima battaglia 6 – Androgino 7 – Road roller 8 – Nostalgie
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