Pour son cinquième album en dix années d'existence, le groupe Homunculus Res met les petits plats dans les grands. Inspirés depuis leurs débuts par Picchio Dal Pozzo et par tous les grands groupes de l'école de Canterbury à commencer par Caravan, Hatfield and The North, Egg, National Health et aussi par Soft Machine, les musiciens d'Homunculus Res sont complètement dans leur élément dans ce style de musique qui les habite au point de donner l'impression qu'ils sont capables de lui redonner une nouvelle jeunesse. Ce qui est de fait bien le cas avec ce nouvel album, ecco l'impero dei doppi sensi. J'en veux pour preuve le titre de départ, malicieusement intitulé "il gran finale", pour lequel vous allez vous frottez les oreilles en vous disant que Richard Sinclair chante en italien maintenant et que son cousin Dave l'accompagne à nouveau à l'orgue Hammond A100. Mais non, il s'agit bien de l'équipe d'Homunculus Res lancée à pleine vitesse. Vous aurez normalement le même genre de sensations pour la chanson suivante pourtant proche du pastiche : "Quintessenza la la". Je pense aussi à "Pentagono" et "Cinque sensi" qui sont de vrais numéros d'équilibriste, fonctionnant à la perfection entre une incroyable précision rythmique et une étonnante décontraction pour la partie mélodique, en un mot, épatant ! De fait, on a plus affaire à un groupe qui déroule au gré de ses envies créatrices (principalement celles de Dario D'Alessandro d'ailleurs puisqu'il a composé neuf des dix titres de cet album) sans trop se poser de questions existentielles du style "je vais essayer de sonner comme machin sur ce morceau". Non, avec les Siciliens d'Homunculus Res", ce serait plutôt : "Hé, les gars on finit vite ce morceau parce que j'ai une sacré bonne idée pour le suivant !". Et à ce petit jeu là, le groupe est fort, très fort même !'. Et çà marche. Car ces dix pièces sont toutes des petites perles de bonheur avec un tour de force répété à dix reprises qui consiste en des compositions mélodiques et fluides qui ont pourtant une complexité relatives dans les harmonies et les tempi. C'est en fait assez bluffant, car il ressort régulièrement un petit côté délicieusement pop qui ne tombe jamais dans la facilité, ce qui est assez évident sur l'irrésistible "Il bello e il cattivo tempo" qui évoque, au moins au début, les Beach Boys ou sur "Fiume dell'oblio" qui penche plus du côté des Kinks voire même des Beatles. Je doit vous parler aussi de "Doppi sensi" qui ferait sûrement plaisir à un certain Robert Wyatt avec une première partie baignant dans l'onirisme décalé alors que la seconde relève d'un avant-gardisme clairement revendiqué. Ce morceau de dix minutes, qui clôt opportunément l'album, en est incontestablement la plus belle pièce. Celle qui permet au groupe Homunculus Res de se hisser sans problème à la hauteur de ses illustres devanciers.
Il y a de plus une dimension supplémentaire dans cette musique : l'utilisation d'une lutherie aussi large qu’insolite d'instruments que l'on a peu l'habitude de rencontrer, même dans le rock progressif contemporain. Le surprenant "Viaggio astrale di una polpetta", qui oscille entre jazz et folk médiéval, est ainsi agrémenté d'une étonnante panoplie d'instruments à vent anciens qui lui donne un petit côté Gryphon plutôt sympathique. Plusieurs autres morceaux de cet album bénéficient également de cet équipement particulier. On comprend mieux alors les couleurs sonores, si particulières et si pittoresques, qui se dégagent de "Cinque sensi", "Fiume dell'oblio" et "Doppi sensi".
Voilà un disque frais, très facile d'abord et pourtant incroyablement fouillé avec une multitude d'idées et de trouvailles parfaitement exploitées et mises en musique (si je n'utilise pas cette expression maintenant, je ne l'utiliserai jamais !). A vous de découvrir toutes ces petites merveilles au gré de plusieurs écoutes successives, ce que la cinquantaine de minutes que dure cet album, supporte très bien.
Le groupe : Dario D'Alessandro (chant, guitare rythmique, claviers, glockenspiel, basse sur 1), Davide Di Giovanni (orgue, piano, synthés, basse sur 4), Mauro Turdo (lead guitare), Daniele Di Giovanni (batterie, percussions), Daniele Crisci (basse).
Les autres musiciens invités : James Strain (oud sur 1), Massimo Giuntoli (claviers sur 2), Giorgio Trombino (saxophone alto, flûte sur 2), Dominique D'Avanzo (chant, flûte, recorder, clarinette sur 4), Emanuele "Sterbus" Sterbini (chant sur 4), Marco Monterosso (guitare sur 5), Alan Strawbridge (chant sur 8), Giovanni Parmeggiani (Moog, synthétiseur Korg Polysix, Fender Rhodes sur 8), Giuseppe Turdo (cor français et cor anglais, hautbois, trompette sur 4 et 7), Dario Lo Cicero (flûte panaulon, flûte, basson, trombone, orgue de cristal sur 9 et 10), Mila Di Addario (piano à tangentes sur 8, angelica glass harmonica sur 10), Federico Cardaci (Arp Odyssey, Oberheim, Digitone, Memotron sur 10), Luciano Margorani (guitare sur 10), Andrea Cusumano (whistle sur 9), Enea Turdo (chant sur 10).
La Tracklist :
1. Il gran finale
2. Quintessenza la la la
3. Il bello e il cattivo tempo
4. Viaggio astrale di una polpetta
5. Fine del mondo
6. Pentagono
7. Parole e numeri
8. Cinque sensi
9. Fiume dell'oblio
10. Doppi sensi
C'est sorti chez Ma.Ra.Cash
Chouette album. Dans ma sélection Prog 2023. Belle journée à toi Louis :-)
RépondreSupprimerOui très réussi. Pour être honnête, je ne m'attendais pas à aussi bien. Une belle surprise donc. J'ai vu une belle chronique dans Dragon Jazz. Super !
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