vendredi 28 juillet 2023

Picchio dal Pozzo : in camporella

L'histoire de cet album aussi inattendu, pour ce qui concerne sa publication, qu'improbable dans son contenu, mérite d'être (une fois encore) racontée.
Il y a quatre ans environ, Paolo Griguolo a reçu, d'un expéditeur inconnu, un CD RW référencé "Valdapozzo 30/05/2004" qui contenait en fait une captation d'un concert donné effectivement à Valdapozzo à la date indiquée. Basée sur le même concept que l'album Pic_nic@Valdapozzo, enregistré peu avant, la performance avait cela de particulier qu'il s'agissait en fait d'une improvisation totale intégrant des samplers audio de la voix de Demetrio Stratos. L'hommage au grand chanteur ne prenait pas forcément l'orientation attendue dans le sens où les musiciens n'utilisaient, de la bande son du concert de 1979, que les parties vocales correspondant à des balbutiements, des murmures et des onomatopées typiques des expérimentations chères au Milanais. En écoutant le CD pirate, Paolo Griguolo a trouvé intéressant de reprendre cet enregistrement, d'effectuer le nettoyage indispensable et surtout, s'est amusé, à redécouper tout cela et à refaire des assemblages en fonction des fréquences dégagées. Un vrai travail de musicien frayant dans l'avant-garde la plus radicale, pour un résultat qui, s'il reste bien sûr froid et hermétique, n'en a pas moins un certain charme. Car, au-delà d'évidentes réminiscences évoquant un Rock In Opposition typé Picchio dal Pozzo, on entend aussi un jazz minimaliste, largement porté par le saxo de Claudio Lugo, qui donne ces couleurs si particulières à l'ensemble et aussi, il faut bien le dire, une certaine forme d’humanité. On trouvera une réelle profondeur à un morceau comme "Adagio con fuoco" au sein duquel plusieurs instruments naviguent en eau trouble, parfois clairement identifiables (le saxo bien sûr, des synthés, un piano, des percussions diverses...), mais parfois carrément mystérieux (glouglous aqueux compris). A savoir, que la deuxième moitié de ce long développement est une vraie réussite avec notamment la séquence plus électro.
Vous l'avez compris, c'était bien sûr le même concept qui avait servi de base à l'élaboration du monstre qu'était l'album Pic_nic@Valdapozzo. Mais de l'enregistrement studio d'origine (magnifique et envoûtant) il ne reste pas grand chose, à part "Pugni chiusi". Ce titre ayant un intérêt tout particulier puisqu'il s'agit au départ d'une chanson (un tube) de 1967 interprétée par le groupe I Ribelli au sein duquel on trouvait un certain...Demetrio Stratos au micro. Vous me croirez ou pas, mais bien qu'à des années lumières de son modèle d'origine, la version extrapolée de Picchio dal Pozzo évoque furtivement sa lointaine devancière. Quelques notes judicieusement reprises de la mélodie d'origine dans un rendu déstructuré bien sûr, mais aussi la résonance même de l'interprétation, sans parler des petits riffs malins à la guitare électrique de Paolo Griguolo, sont autant de références à la trame de base, avec en plus un phénomène étonnant mais voulu : plus le morceau avance plus le rapprochement se fait évident.
Cette expérience musicale dure à peine plus de quarante minutes mais elle a pour mérite de remettre les choses à leur place : Picchio dal Pozzo est un groupe à part dans l'univers du rock progressif italien, et sans rien renier de leurs origines, ces musiciens (éminents pour certains, cf. Aldo De Scalzi) sont capables de démontrer à la fois leur différence mais aussi, et peut être surtout, leur capacité à créer une matière réellement originale qui a du sens, ce qui n'est pas forcément si fréquent dans ce style d'exercice. Finalement, même si Picchio dal Pozzo n'a fourni réellement que quatre albums studio en presque un demi-siècle d'existence (Picchio dal Pozzo en 1976, Abbiamo tutti i suoi problemi en 1980, Pic_nic@Valdapozzo en 2004, enfin Camere Zimmer Rooms publié en 2001 et constitué d'inédits de 1977 à 1980), même si le groupe a pris à plusieurs reprises la forme d'un collectif de musiciens (parmi lesquels on retrouve Francesco Zago, Paolo Botta, Edmondo Romano), il s'avère que la formation gênoise impose sur la durée un nom (mais çà on le savait déjà). Mais surtout elle affirme sa propre approche de la manière de faire de la musique et d'assembler des sons, qui peut être quasiment considérée comme une pensée artistique aussi intègre que non conventionnelle, aujourd’hui encore incarnée par les deux survivants que sont Aldo De Scalzi et Paolo Griguolo. Voilà, c'était pour moi, l'occasion où jamais de reparler de Picchio Dal Pozzo. Il était temps, sero sed serio !      

Le groupe : Aldo De Scalzi (claviers,  samplers, programmation), Aldo Di Marco (batterie, percussions, samplers), Paolo Griguolo (guitare, guitare synthétiseur), Claudio Lugo (saxo soprano, samplers).

La tracklist :

1. Adagio con fuoco
2. Cottura lenta
3. Zanzare al pesto
4. Pugni chiusi

A ma connaissance, l'album n'est disponible sur le site de Cuneiform uniquement qu'en format lossless digital. 

Voici autrement le bandcamp du groupe :  Picchio dal Pozzo

 

 

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