mercredi 15 octobre 2025

Le Orme : Il Leone et la Bandiera (version CD)

 

Deux ans après sa sortie, il est temps de s'intéresser à nouveau au dernier album en date des Vénitiens de le Orme. Vous allez vite comprendre pourquoi. 
En 2023, un coffret 3 CD intitulé Le Orme and friends avait été mis sur le marché pour un tarif beaucoup trop élevé au regard de l'intérêt des deux autres CD accompagnant l'album Il Leone e la Bandiera (voir toutes les publications à ce sujet de ce blog). Puis en 2024, un LP (encore trop cher !) présentant enfin l'album seul Il Leone e la Bandiera avait été publié à 500 exemplaires numérotés. Peu après, la version CD du même Il Leone e la Bandiera, financièrement plus abordable et comprenant en prime des bonus tracks, sortait discrètement. Je pense que vous comprenez bien le petit tour de passe-passe organisé par le label !
Une nouvelle recension de cet album me paraît aujourd'hui utile pour lui redonner le juste éclairage qu'il mérite. 
L'écoute d'Il Leone e la Bandiera débute par une ouverture (instrumentale) mêlant divers orgues et synthés aux sonorités plutôt imposantes, comme à la grande époque. C'est bien le son Le Orme que l'on entend et je dois avouer que cette introduction est plutôt dynamique Voilà un démarrage qui rassure sur la direction prise.
"Acqua di Luna" permet de faire connaissance avec Luca Sparagna, le nouveau frontman du groupe qui prend le poste, après plusieurs essais plus ou moins convaincants avec d'autres chanteurs/bassistes. Sa voix est effectivement très proche de celle d'Aldo avec par contre moins de puissance. Mais la ressemblance vocale reste troublante. Le morceau d'une grande luxuriance est tout simplement beau et n'a clairement rien à envier aux chansons pop écrites par Aldo.
"Ferro e Fuoco" démarre sur un intrigant riff d'orgue Hammond plutôt lourd. La section rythmique entre rapidement en action et le groupe déroule ensuite jusqu'au chant de Luca qui adopte une posture vocale de rocker. Étonnant mais très réussi. Les arabesques jouées au synthé par Michele Bon sont du pur Le Orme. Michi Dei Rossi se met au diapason en martelant ses peaux sur un rythme binaire. Les vénitiens de Le Orme dans un exercice de hard swinguant, c'est pour le moins réjouissant en 2024.
Quasiment enchaînée avec "Ferro e Fuoco", "Lucciole di Vetro" est une très belle chanson enlevée assortie d'un refrain superbe, sûrement une des perles de cet album qui peut sans aucune hésitation être comparée aux grandes compositions romantiques d'Aldo. Le pont d'obédience classique, jouée au piano par Michele Bon, est également de toute beauté.
"L'alba della Partenza" est un croisement réussi entre le style Le Orme et celui d'E.L.P.. Il semble que Michele Bon se soit également vraiment fait plaisir sur cette composition. Discrètement mais sûrement, au fil des pistes, la voix de Luca Sparagna s'impose et affirme sa personnalité. Une présence qui se confirme d'ailleurs également sur "Rosa dei Venti" avec sa ligne mélodique sublime reprise en fin de morceau par une chorale mixte le transformant en hymne, d'ailleurs chanté a capella sur les dernières mesures.
L'album se termine par l'énorme instrumental "Caigo" construit en forme de happening, titre dans lequel on distingue facilement une fois encore la patte de Michele Bon qui rappelle ce qu'il avait apporté au groupe pour les albums Elementi et L'infinito. Voilà en tout cas sept minutes d'un final à rebondissements bien rempli ! 

Cet album de Le Orme sorti en 2024 est en fait excellent. Il est ce que le groupe a fait de mieux depuis le départ d'Aldo en 2008, çà ne fait aucun doute car si La Via della seta (2011) était également très bon, il n'avait pas le même niveau d’homogénéité que ce Il Leone e la Bandiera qui, en outre, ne présente pas de moment faibles. Je ressens même une forme de régénération avec le sang neuf apporté par Luca Sparagna qui est incontestablement la très belle surprise de ce disque. L'homme du match en quelque sorte ! Il n'est d'ailleurs pas usurpé de lui décerner une mention spéciale tant Luca assure comme un chef et pas seulement sur cet album car pour l'avoir entendu  plusieurs fois en concerts, il fait vraiment le job avec classe. Et Dieu sait que remplacer dignement Aldo Tagliapietra à la fois à la guitare, à la basse et surtout au chant n'est pas un rôle facile. Luca Sparagna, lui, se hisse au niveau de son illustre prédécesseur sans problème ! 
Cette version CD comprend également en bonus track des versions live de "Rosa dei venti" et "Acqua di luna" confirmant l'excellente forme de ce groupe enfin revenu à son meilleur niveau. 
 

La tracklist (CD) :

1. Ouverture
2. Acqua di Luna
3. Ferro e Fuoco
4. Lucciole di Vetro
5. L'alba della Partenza
6. Rosa dei Venti
7. Caigo

8. Rosa dei venti - live (bonus track)
9. Acqua di luna - live (bonus track)

+ Acqua di luna (vidéoclip)

Voici le lien pour commander la version CD éditée à 1000 exemplaires numérotés : Orangle Records CD

 

mercredi 8 octobre 2025

Aufklärung : Nell'idea di un tempo che

Le groupe Aufklärung, trente ans après l’impressionnant De la tempesta...l'oscuro piacere, réapparaît ressuscité par deux de ses membres originels, Michele Martello et Marco Mancarella, pour nous offrir un très bel album. L'absence de Chicco (Francesco Grosso) au chant se fait évidemment sentir même si Michele De Luca s'en sort très bien. Mais, tout cela n'a finalement qu'une importance relative car la musique que propose le groupe en 2025 prend le contre-pied du néo-prog puissant et expressif qui était sa marque de fabrique en 1995. Aufklärung délivre désormais un rock progressif italien beaucoup plus symphonique, parfois même pastoral ("Ansia"), ce qui n'exclut pas quelques beaux moments encore hargneux que l'on peut apprécier surtout sur "Urlo" et à moindre degré sur "Apnea". Ces deux morceaux plus remuants, sont entourés par deux très belles suites de plus de treize minutes chacune, "Ansia", plus aventureuse par ses contrastes, ayant largement ma préférence. En tout cas, le Aufkärung de 2025 répand encore sa lumière bienfaitrice. Nell'idea di un tempo che marque ainsi un retour tout à fait honorable de la formation de Brindisi.

Le groupe : Michele Martello (guitare), Michele De Luca (chant), Marco Mancarella (claviers), Dante Di Giorgio (basse, guitare), Doriana De Luca (flute), Riccardo D'Errico (batterie).

La tracklist :

1. Respiro n°1
2. Urlo
3. Apuea
4. Ausia

mardi 7 octobre 2025

Bambi Fossati : il castello tira sassi

 

Les fans les plus fervents du rock progressif italien se rappellent obligatoirement du groupe Garybaldi et de ses deux albums, surtout Nuda (1972) auréolé de sa pochette culte signée Guido Crepax.
Derrière Garybaldi (et Gleemen), il y avait le guitariste Pier Niccolo Fossati aka Bambi Fossati trop tôt décédé en juin 2014, qui après la dissolution de son groupe en 1974 avait poursuivi sa carrière en solo ainsi qu'au sein d'une formation dont le nom rappelait son diminutif : Bambibanda. Étaient bien sûr venues s'ajouter des reformations ponctuelles de Garybaldi, la dernière en 2010, Bambi Fossati ayant ensuite dû faire face à la maladie qui allait l'amener à sa disparition. Bien que peu connu du grand public, son nom apparaissait de temps en temps quand on évoquait les légendes du vieux prog italien des 70.
Maintenant une petite histoire pour lancer cette chronique.     
Il y a environ deux ans, je suis sur la place Giacomo Matteotti à Gênes à discuter avec deux vendeurs de disques. L'un d'entre eux me raconte alors une histoire incroyable. En déménageant la cave de la maison de Fossati, quelqu'un de la famille a retrouvé des bandes enregistrées par le guitariste. La (double) question se pose évidemment de savoir si elles sont exploitables et si quelqu'un serait intéressé pour les publier. J'avoue ne plus avoir pensé à cette anecdote ensuite. Des histoires comme ça, on en entend régulièrement sans qu'il n'y ait jamais de suite.
Une année plus tard, en passant chez  Black Widow Records, je me retrouve avec ce CD entre les mains, Pino et Massimo me racontant à nouveau cette même histoire de bandes exhumées. Mais maintenant c'est du concret. Car une fois encore, la team de BWR a fait des miracles ou plutôt un miracle en réhabilitant ces enregistrements pas forcément très anciens puisque l'on peut les situer dans une période allant de 1994 à 2003.
Il castello tira sassi ne peut pas être considéré à proprement parlé comme un testament de Bambi Fossati, mais plutôt comme un témoignage de sa verve artistique. Il y a toujours quelque chose d'émouvant lorsque l'on écoute bien des années après des prises qui n'étaient pas forcément destinées à être publiées, un peu comme si l'on ouvrait pour la première fois un journal intime.         
Grâce au travail méticuleux de post-production réalisé par Alessandro Paolini, les 11 tracks proposées (l'intro est parlée) présentent une qualité d'écoute globalement satisfaisante. Mais elles ont surtout toutes pour point commun de présenter le guitariste gênois dans un registre différent de celui de Garybaldi, car même si les sonorités et les intonations sont proches évidemment, le Fossati que l'on entend sur cet album est beaucoup plus roots. C'est principalement vrai pour ce qui concerne les 4 brûlots blues rock "Reprimanda mores", "Qualcosa non va", "Trattoria Celeste" et "In una stanza" enregistrés durant la même session (probablement live) par le trio Fossati / Nuovibri / Olivieri. Un peu plus loin le bloc "Palazzo pazzo", "Mille città", "Schizzo metropolitano" datant probablement des années 90 est d'une veine plus pop-rock débridée, "Schizzo metropolitano" s'approchant d'ailleurs beaucoup du style du groupe napolitain Osanna. Quant à la très belle chanson "Madre di cose perdute", elle sonne comme du Gleemen, Maurizio Cassinelli et Gian Paolo Casu sont d'ailleurs présents sur l'enregistrement. Au passage, ce morceau est incontestablement la perle de cet album avec en prime les vocalises de Vania Altrinetti.
Les bonus tracks viennent encore ajouter un surcroît de bonnes surprises, surtout avec "Toledo" qui permet d'entendre un nouveau solo d'anthologie de Fossati. Car pour ceux qui ne le connaissaient peu ou pas, ils pourront se rendre compte que Bambi Fossati n'avait vraiment pas usurpé son sobriquet d'Hendrix du sud. Tout y était : une attaque de cordes brute et anguleuse, un son de guitare acide et des décollages psychédéliques amplifiés et renforcés par les effets tordus qu'il réussissait à faire sortir de ses pédales. Il avait aussi pour lui une voix pas toujours exceptionnelle mais caractérisée par des inflexions très typées et par une chaleur bluesy.
il castello tira sassi (qui peut être traduit par "le château en ruine") constitue un bel hommage posthume dédié à celui dont le nom a toujours été prononcé à Gênes avec beaucoup de respect.  
Gloria animae suae.
La tracklist : 
  1. Intro
  2. Reprimanda mores
  3. Qualcosa non va
  4. Trattoria Celeste
  5. In una stanza
  6. Mona
  7. Palazzo pazzo
  8. Mille città
  9. Schizzo metropolitano
  10. Madre di cose perdute
  11. Toledo (bonus track - studio live)
  12. 26 Febbraio 1700 (bonus track - live)

 Label : Black Widow Records

 

mercredi 1 octobre 2025

IMAGINAERIUM : Siege

Cela fait très longtemps que je ne me suis pas intéressé à Clive Nolan, je l'avoue. Les albums d'Arena, de Shadowland ou encore de Strangers on a Train (avec la regrettée Tracy Hitchings) me semblent être relégués très loin dans mes souvenirs d'expériences musicales, pas toujours satisfaisantes, d'il y a trente et encore vingt ans. Je suis de plus de nature assez circonspect face à ces artistes qui multiplient les projets musicaux avec comme corollaire une production pléthorique d'albums (Neal Morse et même Roine Stolt en font aussi partie).
Il était donc temps de se rebrancher sur l'Anglais Clive Nolan. La présence de trois Italiens dans le projet Imaginaerium dont la tonique chanteuse Laura Piazzai m'en a donné l'occasion. Les autres représentants italiens étant Mirko Sangrigoli et Simone Milliava (également associé au projet Chamber of Creation d'Antonello Epifani pour ce dernier).
Côté musique, avec pour postulat que Clive Nolan est l'unique auteur-compositeur-arrangeur, et me rappelant de ses précédents projets associant des voix féminines, notamment Tracey Hitchings mais aussi Agnieszka Swita avec Caamora, je m'attendais à quelque chose tournant entre le rock opera et la comédie musicale. Au final, le résultat est à la fois plus complexe et plus diversifié que l'on pouvait l'imaginer. Je considère cet album comme un conte musical épique relevant de l'heroic-fantasy avec quand même pas mal de grands moments que ce soit "Cry Boudica", "The Final Redoubt", "When My Eyes Are Closed", "To The Victor Go The Spoils". Je mets à part le final "Blood Moon" qui se distingue par une ambiance vraiment prenante, voire énorme, dont l'impact est un peu affadi par une sortie en fade out. Sur l'ensemble de l'album, la forme adoptée, voulant coller au récit, entraîne automatiquement une hétérogénéité stylistique. On peut comprendre que certains thèmes (la rébellion, la guerre ou la désespérance après la défaite par exemple) soit traités avec des atmosphères musicales très différentes. Je reste par contre assez dubitatif au sujet de "Never Burn the Cakes" qui me semble hors sujet tant au niveau du style musical que de l'anecdote évoquée. De même, le chant de Clive Nolan sur "The Last Arrow" vient casser la superbe dynamique insufflée jusque là par Laura, dans une resucée de "La belle et la bête" ! 
Car il est évident que la voix généreuse et expressive de Laura tire les chansons vers le haut. Son style de chant, que l'on peut qualifier d'habité, convient parfaitement à ces compositions au demeurant excessivement mélodiques. Laura n'est pas du genre à s'investir à moitié, et cela se ressent dans ses performances vocales pour lesquelles elle met tout ce qu'elle a dans le ventre. On sent qu'elle s'identifie complètement à ses personnages. C'est particulièrement le cas pour la reine Boudica dont l'histoire inspire la première chanson de cet album. Avec l'héroïne Boudica (Boadicée), Nolan et Piazzai nous ramènent ainsi en Angleterre, dans le Norfolk, au Ier siècle après JC pour conter les malheurs de cette reine guerrière se révoltant contre les occupants romains, après avoir été fouettée en place publique (là, il y avait quelque chose de plus croustillant à faire, dommage !). Rien d'étonnant à tout cela, quand on sait que Clive Nolan est un grand passionné d'histoire (britannique de préférence) et qu'il adore tout ce qui touche à l'ésotérisme.  .
Côté artwork, il faut reconnaître que, comme pour The rise of Medici, de gros moyens ont été mis pour proposer un produit fini de grande qualité avec au final l'opprtunité de posséder un véritable objet d'art, consistant en un livre de plus de trente pages, comprenant illustrations, photos, textes, accompagnant le CD principal, un CD bonus et un DVD avec des vidéos bonus et un making off de la réalisation du projet.   
Si vous voulez offrir un chouette cadeau de Noël à un ami progueux, alors vous avez, avec ce très beau coffret Imaginaerium - Siege, de quoi lui faire vraiment plaisir (les liens pour commander sont en fin de page). 

Musiciens :

Clive Nolan : claviers, piano, chant lead vocals (8), chœurs (1,3,7,10)
Laura Piazzai : chant lead et chœurs
Mirko Sangrigoli : batterie, guitares (1,3,6,7)
Luis Nasser : basse
Simone Milliava : guitares (1,2,5,7,8,10)
Soheila Clifford, Caron Morgan,,Ethan Barnett, Ryan Morgan  : voix (1)


Tracklists : 
 
CD 1 :
1. Cry Boudica
2. The Final Redoubt
3. Footprints
4. All There Is to See
5. When My Eyes Are Closed
6. To The Victor Go The Spoils
7. Never Burn the Cakes
8. The Last Arrow
9. Deep
10. Blood Moon

CD bonus :
1. Dorian Gray (re-visit)
2. The Last Arrow (acoustic guitar and voice)
3. Cry Boudica (instrumental guitar version)
4. When My Eyes Are Closed (piano and voice)
5. All There Is to See (duet version)
6. The Final Redoubt (instrumental guitar version)
7. Deep (pure strings)
8. Dorian Gray (acoustic guitar mix)
9. Footprints (Viking walk)

DVD/Blu-Ray 

1. Official Video "The Final Redoubt" (4:35)
2. Video Documentary "The Making Of and More" (43:53)

Bandcamp Imaginaerium - Siege 

Site web Imaginaerium